Vidé, privé d’énergie, le roman continue sur sa lancée à assumer des tâches et se proposer des buts que les médias modernes ont repris à leur compte de manière plus efficace et même, si on en croit les chiffres de l’édition, plus séduisante, au point que certains romanciers leur ont emboîté le pas et fait allégeance, sans doute involontaire, pour produire des romans-reportage ou romans-réalité, sans parler des romans people qui font fond sur la surface médiatique de leurs auteurs, ainsi bouclant la boucle et lui passant au cou le fatal nœud coulant. Bref, pour les écrivains sérieux, le roman est mort depuis longtemps. Pour...
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Vidé, privé d’énergie, le roman continue sur sa lancée à assumer des tâches et se proposer des buts que les médias modernes ont repris à leur compte de manière plus efficace et même, si on en croit les chiffres de l’édition, plus séduisante, au point que certains romanciers leur ont emboîté le pas et fait allégeance, sans doute involontaire, pour produire des romans-reportage ou romans-réalité, sans parler des romans people qui font fond sur la surface médiatique de leurs auteurs, ainsi bouclant la boucle et lui passant au cou le fatal nœud coulant. Bref, pour les écrivains sérieux, le roman est mort depuis longtemps. Pour l’écrivain amusé, il peut être divertissant de lui insuffler un peu de vitalité en rassemblant ses membres épars, comme Isis fit pour Osiris – sans aller jusqu’à prétendre lui refaire le phallus qu’il a perdu à tout jamais – comme dans ce texte, ou tissu, où il invite le lecteur à se sentir libre de progresser au gré d’une flânerie enfantine dont la logique et le cours ne se laissent pas perturber par les sautes de sujet, de temps, de lieu et d’action, en fait comme un poisson dans l’eau que ne dérangent que les coups de queue, ou brusques retournements que, poisson lui-même, s’invitant dans son propre élément, il a tenté ça et là d’y donner pour l’agrément de ceux qui préfèreront une approche plus attentive. Cela avec l’ambition, ou plus modestement l’espoir, de donner à ses confrères l’idée de s’engager dans la voie ainsi ouverte, et d’avoir ainsi fondé un sous-genre romanesque : le commencement, qui pourrait se décliner en milieu ou fin, redonnant ainsi au genre un peu de la vitalité qui lui manque.
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Mais la nuit était arrivée comme le personnage qui entre juste pour annoncer « trop tard » c’est le commencement jouissivement assommant de ce livre fait de commencements glissant imperceptiblement de l’un au suivant, comme en semant, comme en s’ensemençant. Sans ces introductions agaçantes dont nous gratifient les journalistes, comme dans la vie qui nous fait passer d’un état à l’autre sans transition.
Et l’auteur de mettre le lecteur dans tous ses états et dans tous les sens. L’avidité qu’on éprouve pour ce qui va suivre dans ce bal tourbillonnant des débuts et le désir d’épier chaque surgissement font presque oublier la virtuosité, la jubilation, la puissance créatrice et la grande culture de Marc Cholodenko.
Sitaudis, mars 2011
Marc Cholodenko, la possibilité d’un livre
Des histoires commencées puis avortées par un sexagénaire hyperactif
C’est qui ?
Comme son livre, l’érudit Marc Cholodenko est inclassable : douze recueils de poèmes au compteur, treize romans dont Les États du désert (prix Médicis 1976), un pied dans le cinéma comme scénariste et dialoguiste de Philippe Garrel… Enfin Cholodenko est un traducteur de renom (il a par exemple réadmit V.S. Naipaul et Jeffrey Eugenides). À soixante-et-un ans, plus jeune et créatif que jamais, il n’a même pas de nègre. Prend-il seulement des vacances ?
C’est quoi ?
En quelques lignes se dessinent une histoire, un personnage, une situation puis, sans prévenir, débute un nouveau récit. « Deux cents et quelques commencements… », donc, s’emboîtant les uns dans les autres pour procréer des possibilités d’histoires, engendrer des phrases, accoupler des mots, voilà le programme endiablé de ce livre/ Roman ? Essai ? Peu importe, avec ce concept, on touche à la quintessence de la littérature.
C’est comment ?
Le verbe et l’imaginaire sont sur un piédestal. Le sens, lui est malmené mais vaillant. Ont peut parler ici d’expérience de lecture. Mais Deux cents et quelques commencements… est avant tout un plaisir à déguster, merveilleusement écrit, tout en finesse, en savoir et phrases ciselées. À l’heure du zapping et de la presse gratuite, proposer deux cents promesses de romans en moitié moins de pages tient du coup de génie.
Étienne Ducroc, Technikart, avril 2011.
La question que nous devons nous poser, en pensant à Marc Cholodenko, et en le lisant : est-ce le passé de l’écriture ? Ou n’est-ce pas plutôt son futur rêvé, et, espérons, le plus immédiat ?
Donatien Grau, La Règle du jeu, mai 2011
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