Faisant suite à Cahiers d’écolier (1950-1960), Fables sous rêve (1960-1970) , Les liens d’espace (1970-1980), Réminiscence (1980-1990) et Hors-Champ ce sixième volume du « Journal de travail » de Claude Ollier couvre les années 2000-2009 durant lesquelles ont été écrits Qatastrophe et Wert et la vie sans fin.
Le récit du cheminement de ces livres s’y nourrit de l’écho de rencontres, de brèves échappées lointaines, de quelques rêves encore et de nombre de lectures.
Depuis 1984, deux éditeurs ont fait paraître le journal de Claude Ollier. Flammarion tout d’abord, pour Cahiers d’écolier, Fables sous rêve et Liens d’espace. Ces trois volumes couvraient trois décennies, de 1950 à 1980. P.O.L a vaillamment pris le relais pour proposer, Hors-champ et Simulacre qui parcourent également trois décennies. Lectures, films, réflexions sur l’écriture en cours et sur l’œuvre accomplie, rêves mais aussi voyages ou promenades, voilà rapidement évoqué ce qui fait la matière de ce volume comme celle des précédents. Et le lecteur de passer à travers le regard de Claude Ollier dans des textes de Nabokov, Faulkner, Bernard Noël, Derrida, dans Le Livre de l’échelle de Mahomet ou dans Histoire de la pensée chinoise d’Anne Cheng, dans les films de Ford, Hitchcock, Kurosawa etc. Un autre thème s’ajoute à l’ouvrage, vers sa fin : celui d’une sorte d’adieu à l’écriture.
Au gré des voyages, des déplacements, des notations qui renvoient à la vie familiale, à la météorologie, aux souvenirs qui sont rarement anecdotiques, c’est la construction de la fiction qui s’impose au lecteur. Il s’agit de dire par l’écrit une vie qui s’affirme « à l’écart un peu » et où chaque mot est assumé comme réédification de ce que l’écrivain appela autrefois « Liens d’espace ». Le journal de Claude Ollier est en somme l’atelier d’élaboration de ses fictions. On voit dans ce dernier volume passer Qatastrophe et Wert ou la vie sans fin. Mais aussi les deuxième et troisième volumes de l’énigmatique Sandy Jude Walker, écrivain qui réunit la plume d’Ollier et celle d’une mystérieuse D. On voit encore naître dans l’ouvrage, un type d’écriture que l’écrivain n’avait jamais inséré dans son journal : en vers libres, à la fois denses et lâches. C’est en fait tout le processus de mise en fiction qui est interrogé avec Simulacre et c’est en cela que le Journal de Claude Ollier n’a pas d’égal dans la littérature contemporaine.
Alexis Pelletier, cahier critique de poésie, octobre 2012