En architecture, les pénétrables désignent les voies d’accès à un bâtiment.
Ici, les bâtiments désignés sont des livres. Les noms qui ont signé ces livres habitaient un corps. Un corps vivant, comprimé entre deux dates.
Montées en successives scènes d’un cinémathon élémentaire proche de la lanterne magique, ces vies flashées et non exemplaires auraient fonction de lucioles.
Manière de considérer les corps et leur existence comme des « machines à semence ».
Lambeaux de spectres, fantômes vivants, ils occupent une galerie ouverte dont les portes sont sans cesse battantes. Liliane...
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En architecture, les pénétrables désignent les voies d’accès à un bâtiment.
Ici, les bâtiments désignés sont des livres. Les noms qui ont signé ces livres habitaient un corps. Un corps vivant, comprimé entre deux dates.
Montées en successives scènes d’un cinémathon élémentaire proche de la lanterne magique, ces vies flashées et non exemplaires auraient fonction de lucioles.
Manière de considérer les corps et leur existence comme des « machines à semence ».
Lambeaux de spectres, fantômes vivants, ils occupent une galerie ouverte dont les portes sont sans cesse battantes. Liliane Giraudon dit qu’elle a longtemps rêvé les livres comme de petits stocks de munition. Des outils pour faire reculer le travail de la mort. Ce livre n’est pas un livre d’hommages. Plutôt une sorte de couloir où seraient exposés 25 bustes ciselés, de tailles différentes, 25 bustes d’auteurs parmi ceux dont les textes l’ont aidée à vivre.
Le mot « bustier » ne se limite pas à désigner cette pièce de l’habillement enserrant étroitement le buste des femmes pour laisser les épaules nues.
Il désigne aussi le sculpteur spécialisé dans l’exécution des bustes.
Revisitant une ancienne pratique funéraire Liliane Giraudon a voulu ici se livrer en tant que « bustière » à un exercice de littérature vivante.
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Le genre biographique constitue, Liliane Giraudon ne l’ignore évidemment pas, un à-côté particulièrement sournois du romanesque. Aussi, choisissant d’évoquer des écrivains et des poètes aimés, met-elle à profit une discontinuité appuyée de la narration. Son récit se révèle subtilement second, elle puise dans la biographie et l’oeuvre pour sélectionner tel aspect estimé significatif. Elle emprunte également à la légende. En un mot s’ingénie à revivifier tout ce qui peut figer et étioler l’homme et l’oeuvre - air critique connu déjà entendu - en poncif. Le recours au nominal, aux appositions, à la liste et aux effets d’accumulation ménage paradoxalement dans son texte des courtscircuits qui finissent par faire mouche, à rendre son objet « pénétrable », là où la linéarité du récit se révélerait délétère. « La graphie d’Emily Dickinson », « Louise Michel travestie », autant de phylactères que le lecteur méditatif vient remplir sur le mode onirique.
Philippe Di Meo, CCP, avril 2013
Huguette Champroux a existé, elle était poète. Elle avait connu les bombardements, elle était née en 1931. Elle est morte en 2003. Elle avait travaillé jeune dactylo aux revues Tel Quel et Sorcières, à France Culture. Elle était excentrique. Elle avait des dents en or et des bijoux en plastique. Elle portait des chaussettes avec des talons hauts, ou des chaussures trop petites qu’on lui avait données. Elle squattait où elle pouvait. Elle écrivait des lettres d’insultes, de sa toute petite écriture. Le mot « asile » avait été prononcé par le Centre international de poésie qui lui refusait une résidence à Marseille. Elle avait un lien avec le cinéma. Elle aimait le café, le pastis. Elle fumait, des cigarettes roulées, « les doigts rôtis par le tabac » Elle avait des phrases fulgurantes. Liliane Giraudon en donne des exemples dans le « buste » qu’elle sculpte d’Huguette Champroux, parmi vingt-cinq auteurs aimés.
Claire Devarrieux, Libération, juillet 2012