— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Culte de la collision

Christophe Carpentier

Le Culte de la Collision retrace dans sa forme l’itinéraire meurtrier d’un adolescent de dix-huit ans, Tanguy Rouvet, durant un périple qui, sur plusieurs mois, le conduira de Paris à Dijon, puis de Chamonix à la province d’Alméria en Espagne. Mais ce roman s’attache surtout à décrire la maturation d’une personnalité extrême qui, surprise elle-même par la tournure tragique que prend son existence, ne cesse de s’interroger sur sa part de responsabilité directe quant aux crimes qu’elle est amenée à commettre.
Ainsi, tout en décrivant avec férocité les relations humaines au sein d’une France qui semble entraîner les...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Le Culte de la collision

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Crash test



Dans son troisième roman, Christophe Carpentier suit l’itinéraire destructeur d’un ado fugueur et serial-killer. Une odyssée violente et nihiliste.



Que se cache-t-il derrière les portes closes des proprets pavillons de province ? La folie discrète mais réelle de la petite bourgeoisie. Tanguy, le fugueur de 18 ans qui vient de passer quatre semaines à errer en forêt, l’apprend à ses dépens. Pour avoir osé frapper à l’une de ces portes, il se fait cruellement molester par deux frères qui le rouent de coups et le fouettent avec un sadisme bestial. C’est Orange mécaniqueà l’envers. Mais Tanguy a beau être la victime de ce déchaînement de haine, on a du mal à le prendre en pitié. Il émane de lui quelque chose d’inquiétant, une maturité glaçante qu’il doit à « son enfoirée de mère ».

Recueilli après son agression par une famille dont la gentillesse «  navrante » dissimule un sérieux déséquilibre, Tanguy change d’identité pour devenir Hadrien. Très vite, le confort lénifiant que lui prodiguent ses parents de substitution l’étouffe. Tanguy/Hadrien a besoin de « s’épanouir dans le sordide », de mettre à l’épreuve sa puissance destructrice. Toujours à la recherche de chocs existentiels, de collisions de plus en plus violentes.

Avec ce troisième roman, Christophe Carpentier, auteur venu du milieu de l’art contemporain, nous entraîne dans un voyage au bout de l’enfer et de la morale. On suit Tanguy dans son odyssée furieuse, qui le mène de la banlieue parisienne à Dijon, de Chamonix à El Ejido, en Andalousie, point de chute désertique pour sans-papiers.

Á chaque étape, Tanguy change de nom et même de visage. Mais cela ne modifie pas ce qu’il est vraiment : un assassin doublé d’un matricide. Épopée nihiliste, Le Culte de la collision alterne scènes d’action et méditations métaphysiques. Lorsqu’il se retrouve en pleine nature, dans la forêt ou sur les cimes enneigées, Tanguy fait « l’autopsie de ses pulsions de mort », ausculte ses crimes sans châtiments. Les rêveries d’un serial-killer solitaire, malsaines et paranoïaques.

Habité par un idéal presque survivaliste, comme si pour lui la fin du monde était déjà advenue, Tanguy se met sciemment en danger, affronte des conditions extrêmes – le froid, la faim –, lancé dans une quête de soi éperdue. Est-il un « bon sauvage » perverti par la société et par une mère malade et obsédée par le choc des civilisations, ou bien est-il un tueur-né ?
Sans jamais trancher, Christophe Carpentier regarde son personnage tomber, s’enfoncer toujours un peu plus dans les abîmes du mal. Et le lecteur assiste à cette chute vertigineuse, à la fois fasciné et pétrifié. Même si quelques facilités d’écriture viennent parfois en amoindrir l’impact, la force de choc de ce Culte de la collision, roman crash-test qui éprouve ses propres limites, secoue profondément.


Élisabeth Philippe, Les inrockuptibles, 6 février 2013



Étrangler le réel


À travers l’errance d’un jeune psychopathe à la suite du meurtre de sa mère, Christophe Carpentier déploie une folle théorie de la liberté.


Lors des attentats du 11 Septembre, Tanguy Rouvet a 9 ans. Sa mère, effarée par les images de la catastrophe diffusées à la télévision, se signe chaque fois qu’un corps se jette des tours en flammes. C’est le renouveau d’une foi qui frise la folie. Depuis, sa mère, acquise à la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, est devenue une croisée de l’Occident chrétien. Le père de Tanguy quitte le foyer et l’enfant se retrouve élevé par une mère fanatique et castratrice. À 18 ans, Tanguy est vierge et vit à la maison. Un jour qu’il est en train de se masturber devant un film porno, l’inquisitrice maternelle fait irruption dans sa chambre et se déchaîne contre ce fils « possédé ». La colère du garçon est telle qu’il en oublie la relation et l’identité de la personne en face de lui. « Tanguy sent le corps de sa victime se remplir de néant sablonneux, et le laisse s’écrouler à terre. Ses mains restées en suspension dans l’espace continuent d’étrangler le monde entier ». Après le matricide, Tanguy détruit sa carte d’identité et prend la fuite. Ainsi commence la longue errance que constitue Le Culte de la collision de Christophe Carpentier. Le troisième roman de l’auteur et plasticien, né en 1968, possède un ton tout aussi étrange que son premier Vie et Mort de la cellule Trudaine (Denoël, 2008). On ne sait pas ce qui est du vrai ou du fantasmé dans la succession d’aventures dans laquelle nous entraîne Tanguy. Parti de la capitale et arrivé à Dijon, Tanguy est passé à tabac par deux types à qui il demandait assistance. Laissé pour mort au bord de la route, il est recueilli par une famille dont tout l’amour frustré pour un fils en fugue se déverse sur l’inconnu. Les Hadray le cajolent. Le père ingénieur, qui a des connections avec un hacker criminel, lui propose même de changer d’identité et de devenir leur fils sous le nom d’Hadrien Hadray. Tanguy ne supporte aucune chaîne, surtout pas celle d’une affection si morbide. Il s’échappe à nouveau et parcourt la France. Mais avant, il prend soin de traquer les salopards qui l’ont tabassé afin de les égorger…

Christophe Carpentier imagine une existence sans entrave, sans culpabilité, livrée à la sauvage collision avec le réel. La narration exacte des faits et gestes du héros psychopathe raye la surface du réel et réussit grâce à ses accents grinçants à nous glisser dans la tête de l’adolescent rebelle et dérangé. Du rocambolesque trash qui se déroule sur le rythme haletant de la survie.


Sean James Rose, Livres hebdo, 1er février 2013




Vidéolecture


Christophe Carpentier, Le Culte de la collision, Christophe Carpentier Le Culte de la collision 28 janvier 2013