— Paul Otchakovsky-Laurens

Cinq contes fantastiques

Claude Ollier

« Il est dans l’un et l’autre paysages à la fois, là à la même place, sans remuer. Il les sent tous les deux, les sent bien dans son corps tous les deux, tout autour de son corps, aussi loin qu’il puisse appréhender le monde.


Pour une fois !


L’univers s’offre à lui dans une dualité insoupçonnée, séductrice, jusqu’à ce jour celée dans la coïncidence.


L’impression est universelle.


Cela dure un bon moment.


La métamorphose se prolongeait, le randonneur se sentait pris au jeu et jouissait sans retenue de la faculté nouvelle à lui octroyée pour prix de sa...

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La presse

Claude Ollier est né en 1922, il est l’un des derniers représentants du Nouveau roman, mouvement auquel il n’a appartenu que de biais pour ainsi dire, développant une oeuvre profondément singulière, échappant aux normes de l’ancien comme du Nouveau roman.


Ce recueil de cinq récits, censé clore l’oeuvre de ce grand écrivain méconnu, manifeste à nouveau cette « étrangeté » de l’écriture d’Ollier. Les cinq récits sont intitulés : « Choses... », choses déclinées en « vues », « lues », « tues », « sues », « dues », puis plus précisément circonstanciées à des lieux, des lectures, des moments. Il est difficile pour un lecteur même attentif de repérer le fil d’une histoire à travers ces cinq instants d’une écriture fragmentaire, qui réduit parfois un paragraphe à une phrase - « Ce sens serait celui d’une matinée d’avril » - non nécessairement liée à ce qui la précède ou lui succède, procédant plutôt selon une cohérence musicale, une résonance dispersive mais concertée. On repérera pourtant les aléas d’une marche dans un jardin, la découverte du journal écrit par un personnage fictif, des souvenirs de films ou de photographies, mais guidées, racontés, par une voix que ne soutient pas l’assurance d’un je, le je devenant soudain un il impersonnel, inconnu, mais au plus près de l’enregistrement d’une sensation ou d’un souvenir, avec une précision que ne désavouerait pas un philosophe phénoménologue : « Mon corps dans le sombre qui perdure, tourne et retourne - s’approche du palier où les choses reprennent place sous la clarté venue je ne sais d’où, sans direction marquée, visée ni source ». Cette précision perspective et introspective fait le « fantastique » des contes, lequel « n’a rien de l’irréel » ou du « surnaturel » mais renvoie au vertige provoqué par la proximité inhabituelle avec le vécu sensoriel et / ou intellectuel du « narrateur » - davantage un expérimentateur.


Sébastien Hoet, Cahier Critique de Poésie, 2014




[...] Les oeuvres exigeantes et, disons-le, difficiles de Claude Ollier font partie de ces buttes-témoins. De certaines étapes d’une production romanesque (et indissolublement poétique) considérable, j’avais rendu compte dans La Quinzaine. Mais depuis plus d’une décennie, l’entrée progressive du Nouveau Roman dans le cône d’ombre d’un purgatoire médiatique immérité avait joué son rôle et j’étais passé, comme tout le monde, à autre chose.


Cinq contes fantastiques vient à point nommé rappeler aux amateurs de littérature authentique la vitalité d’une écriture qui s’est toujours située à l’interface du réalisme le plus apparemment photographique (précision extrême des descriptions d’objets, de lieux, de couleurs) et de la plus libre imagination. Cette capacité étrange et fascinante de déporter le monde des phénomènes enregistrés et restitués en toutes leurs nuances vers la construction d’espaces entièrement modelés par le rêve éveillé, Claude Ollier ne me semble pas la partager qu’avec bien peu de créateurs, des créateurs qu’il faudrait plutôt chercher d’ailleurs dans le cercle restreint de la meilleure bande dessinée (je pense aux cités de mots et d’iamges de Peeters et Schuiten par exemple).


Ainsi le terme d’« arrière-monde », appliqué dans Outback à une randonnée hallucinée à travers le veldt australien est-il singulièrement pertinent pour cerner le sentiment de déroutante familiarité que procure la lecture d’une prose nourrie de voyages, mais où les voyages, comme chez Claude Simon les photographies, occupent une fonction de « générateurs », d’inducteurs d’imaginaire, et non de reportage journalistique. On est bien là, en effet, dans le fantastique à l’état naissant, lequel, selon la définition canonique de Tzvetant Todorov, naît d’une coalescence indue entre effet et certitude (dû à l’acuité visuelle notamment) et évidence du doute quant à la réalité tangible de la chose vue.


Or le titre du dernier opus de Claude Ollier est d’autant plus provocateur qu’ici le conteur est clairement immobile (coincé par l’âge ou pour toute autre raison) en quelque point haut de sa maison, et que les matériaux dont il dispose pour fantasmer, écrire, créer son art, sont pauvres : un jardin banal avec ses repères attendus, des arbustes, une grille, d’abord appréhendé comme un tout puis exploré en aveugle ; un horizon de plage, de mer et de désert qui doit venir de la mémoire ; des fragments de lettres d’amis ; une foule de souvenirs sensibles (visuels, olfactifs, sonores) que tantôt il revendique pour siens, tantôt attribue à des ébauches de personnages, Morris, Borodine, une femme innomée [...]


Maurice Mourier, La Quinzaine Littéraire

Et aussi

Claude Ollier est mort.

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