La célébrité de Guignol a effacé son créateur, et pourtant quelqu’un a fait Guignol : Laurent Mourguet (1769 - 1844), marionnettiste de foire à Lyon et sa région. Survivant de la Révolution et du chômage. On sait peu de choses sur lui. Les pauvres ne font pas mémoire. Et comme l’écrit Paul Fournel : « Il ajoutait la petitesse de ses personnages à sa propre invisibilité ». La période était agitée, on songeait plus à détruire qu’à archiver.
Pour le 250ème anniversaire de sa naissance, Paul Fournel livre une merveilleuse évocation de sa vie et de son...
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La célébrité de Guignol a effacé son créateur, et pourtant quelqu’un a fait Guignol : Laurent Mourguet (1769 - 1844), marionnettiste de foire à Lyon et sa région. Survivant de la Révolution et du chômage. On sait peu de choses sur lui. Les pauvres ne font pas mémoire. Et comme l’écrit Paul Fournel : « Il ajoutait la petitesse de ses personnages à sa propre invisibilité ». La période était agitée, on songeait plus à détruire qu’à archiver.
Pour le 250ème anniversaire de sa naissance, Paul Fournel livre une merveilleuse évocation de sa vie et de son « oeuvre », dans une langue qui emprunte autant à celle des canuts de Lyon qu’à la poésie et à l’imagination populaires. Un récit tissé de mensonges et de légendes, comme autant de preuves d’amour adressées au « père Mourguet ». Menus faits avérés, croix malhabiles au bas d’actes de naissance, lettres de police, ouverture de café, portraits populaires, chansons, un crâne, et des enfants, de chair et de bois... Mais cette vie imaginaire ou presque de Laurent Mourguet conduit Paul Fournel à se poser deux questions à l’origine de son propre travail d’écriture. Qu’est-ce qu’on écrit quand on ne sait pas écrire ? On emprunte le chemin de Guignol, celui de Laurent Mourguet. Et qu’est-ce qu’on écrit quand on peut tout écrire ? On suit le chemin de l’Oulipo, de Raymond Queneau et de Georges Perec...
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Le roman de Guignol
Il fallait un Paul Fournel pour conter la fabuleuse histoire de l’inventeur méconnu de la marionnette, dont c’est le 250e anniversaire de la naissance : «Tu seras partout. Tu seras doux et juste. (...) tu seras Guignol tout court et tu tiendras bien raide le mât et le bâton.» Ainsi parle Laurent Mourguet (1769-1844), marionnettiste de foire de la région lyonnaise, ancien canut survivantde la Révolution, se retrouvant au chômage, et dont l’acte de décès porte seulement la mention « saltimbanque ». Pas trace de son invention, et pourtant les enfants rient toujours au duo de Guignol et Gnafron ! Le Stéphanois Paul Fournel avait consacré sa thèse à Guignol et partage aujourd’hui le fruit des recherches de toute une vie. Alternant les registres dans une langue incroyablement riche et érudite, qu’il fait palpiter du parler lyonnais, Fournel consigne ce qui, à l’époque, ne fut pas écrit, fait entrer le lecteur dans cette période charnière pour la France, se poste dans les coulisses des spectacles de marionnettes, donnant vie, famille et destin au père de Guignol. Sa créature de « libre parole» serait « tout le monde et personne à la fois, donc lui-même». Ce récit « tissé de mensonges et de légendes » est un voyage historique, humain et littéraire des plus enchanteurs.
Valérie Marin la Meslée, Le Point, 7 Mars 2019
Né sous Louis XV, mort sous Louis-Philippe, tour à tour canut, crocheteur, camelot, arracheur de dents et marionnettiste, inventeur de Guignol dont la renommée est telle qu’il est devenu un nom commun, Laurent Mourguet (1769-1844) eut une vie mouvementée qui méritait d’être racontée. Et Paul Fournel la raconte bien. Avec une bonne humeur en parfait accord avec le sourire goguenard de cette caboche de tilleul, autoportrait de son créateur. Membre de l’Oulipo, grand styliste, Fournel retrace le Lyon de jadis et fait magnifiquement sonner le parler des gones, à mi-chemin d’oïl et d’oc. Et nul besoin de glossaire, le sens des mots se déduit de lui-même. Ce roman est du nanan.
Jacques Nerson, L’Obs, février 2019
Plongée dans la vie rocambolesque du créateur de la marionnette lyonnaise, dont le théâtre de poche aidait les canuts à oublier leur quotidien de misère.
Depuis cinquante ans, Paul Fournel se passionne pour Guignol, marionnette créée par le Lyonnais Laurent Mourguet, façonnée en tilleul, un bois solide, léger et facile à sculpter. L’écrivain d’origine stéphanoise (un étranger, donc !) conserve une fidélité totale à ce personnage, inventé par un fils de canut, pas très loin de la Croix-Rousse, et devenu star internationale. Jeune marié sans travail mais vite pourvu d’une flopée d’enfants, Mourguet est d’abord un sans-le-sou, devenu arracheur de dents au marché des Brotteaux avant de consacrer sa vie à son théâtre de poche. Nous sommes au tout début du XIXe siècle et Guignol, accompagné de son complice Gnafron, chante, danse et clame les mots du parler populaire avec expressions goûteuses pour faire s’esclaffer le public. Les adultes et les « gones » oublient un moment les fins de mois difficiles quand Guignol sort le bâton pour rosser l’autorité. Mais, au-delà du rire enfantin, Guignol n’est jamais indifférent à la détresse des canuts qui ont repris la besogne, refait marcher la « bistanclaque » (le métier à tisser) sans voir rentrer l’argent. Il est aux côtés des meurtris, amusant les plus riches pour qu’ils donnent leur monnaie sans rechigner. A travers ce héros de bois qui parle lyonnais, et son père, le guignoliste de génie qui ne sait pas écrire, Paul Fournel recompose un monde de générosité. Et puisque les mots se sont envolés, le président de l’Oulipo, régent du Collège de Pataphysique, peut librement faire palpiter la langue, chanter le patois, rendre le vocabulaire un peu plus turbulent. Après avoir consacré sa thèse universitaire à Guignol, Paul Fournel a fait descendre le saltimbanque dans la rue pour composer un récit « tissé de mensonges et de légendes ». Il nous fait entrer dans son castelet et vivre un délicieux moment de poésie alerte. « Chance et prix de votre patience, vous êtes les premiers à voir Guignol... Arrêtez de piétiner et tenez-vous bien droit, c’est bon pour ouvrir les yeux et les oreilles. »
Christine Ferniot, Télérama, 13 avril 2019