— Paul Otchakovsky-Laurens

Amusements de mécanique

Suzanne Doppelt

À peine arrivés dans une pension de famille villageoise, le narrateur Witold et son compagnon Fuchs tombent sur un oiseau mort qui pend au bout d’un fil. Ce n’est que le début d’une série « d’indices » que les deux compagnons vont chercher à décrypter. Cosmos, ce magnifique pseudo-roman policier, de Witold Gombrowicz, qui se décrit là comme un « déchiffreur de nature morte », sert de prétexte à ce livre, Amusements de mécanique, qui tourne autour, et plus précisément autour de ce tableau qui se peint, se compose et se décompose au fur et à mesure du récit, non pas un tableau de...

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Traductions

Uruguay : Forastera

La presse

Boîte à malice



C’est une partie de cache-cache, un jeu de piste, « qu’on peut suivre tel le somnambule, l’oeil magnétique mi-clos, entre la flânerie et l’errance ». Le prétexte ? Un roman pseudo-policier de l’écrivain polonais Witold Gombrowicz, Cosmos (1965), dans lequel deux détectives amateurs tentent « d’ordonner un chaos ». A son tour, Suzanne Doppelt, photographe et poète, compose un inventaire passionné, un rébus à déchiffrer. Le moineau, le chat, le bout de bois, le scarabée : « Un beau mélange où se trouve la vraie vie, un songe que l’on fait quelquefois les yeux grands ouverts. » Que voit-on du monde lorsqu’on change de point de vue ? Par exemple, à l’envers, dans un miroir ? Ou, en miniature, dans une bulle de savon ? Rythmant l’« enquête », de petits cadrages photographiques font de ce poème unique un fascinant « tableau à secret », une délicieuse « boîte à malice et à double fond ».

Monique Petillon, Le Monde, décembre 2014


Le sens du brouillard

Le brouillard nous empêche de bien voir, il nous fait voir qu’on ne voit pas, il nous égare et en cela nous renvoie à nous-même, à la frontière entre le jour et la nuit, l’ombre et la lumière, voire la vie et la mort, il est le lieu du passage et de la métamorphose. Il peut dissiper le dieu au regard des humains, il se répand sur les yeux de celui qui meurt, semblable au chagrin qui envahit un regard parfois, au voile qui ternit son éclat. Mais il envahit tout de la douceur et nous trouble.

Perdu dans le brouillard on ne sent nulle part, on peut aimer ne pas s’y retrouver et d’ailleurs s’y laissent voir des éclats qui lui échappent et s’y transforment. Il s’ajoute au réel, échappe à toute prise et nous embrouille, quant à nos désirs mêmes. Il est un voile jeté sur la vérité et n’attend que d’être déchiré. [...]

Suzanne Doppelt développe de livre en livre un art du sfumato très envoûtant. Avec Amusements de mécanique, elle nous propose un drôle de vertige pas si drôle, lent glissement du regard en surface d’un texte apte à saisir la permanente métamorphose de toutes choses, l’infini mouvement de la matière, les déformations des nuages, tout ce qui apparaît toujours et toujours disparaît. Le panorama est mouvant, et la machine tourne, qui conduit le lecteur à tout voir et rien, comme dans un brouillard qui lui révélerait, à mesure de sa progression, chaque détail du monde pour aussitôt le dissoudre.

Citant Cosmos de Witold Gombrowicz, et la tentative qu’y font ces personnages hallucinés de démêler un sens à l’énigmatique prolifération du réel, ce poème policier témoigne peut-être de ce que pourrait voir un regard qui serait sans regard, où rien ne se fixerait jamais, où tout apparaîtrait , jusqu’au plus infime, où à force de voir on deviendrait soi-même semblable à une image, image fantôme, fantôme soi-même, fantôme de soi-même : un mort vivant les yeux vides, la bouche cousue et sans expression mais qui va à pas comptés d’un point à l’autre, une expérience muette et sans lendemain. Les images de Suzanne Doppelt sont des récits muets, ses textes font des images et en cela ne disent rien. La magique mécanique de ses amusement est absurde comme la vie, elle est triste et joyeuse. [...]


Xavier Person, Le Matricule des Anges, janvier 2015

Agenda

Vendredi 15 novembre à 19h
Suzanne Doppelt à la Maison Victor Hugo (Paris)

Maison de Victor Hugo

6, place des Vosges

75004 Paris

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Suzanne Doppelt, Amusements de mécanique, Amusements de mécanique novembre 2014