En mars 2014 on a proposé à Patrice Robin une résidence d’écriture dans un établissement Public de Santé Mentale et plus précisément dans le centre horticole implanté en son sein. Il a hésité, d’abord parce qu’il s’imaginait mal écrire sur le jardinage, ensuite et surtout parce qu’il ne se voyait pas passer du temps dans un hôpital psychiatrique à l’heure où sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis huit ans, sombrait dans la démence. Puis il a visité le jardin, rencontré les patients et pensé qu’écrire sur eux lui permettrait peut-être d’écrire aussi sur elle, via...
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En mars 2014 on a proposé à Patrice Robin une résidence d’écriture dans un établissement Public de Santé Mentale et plus précisément dans le centre horticole implanté en son sein. Il a hésité, d’abord parce qu’il s’imaginait mal écrire sur le jardinage, ensuite et surtout parce qu’il ne se voyait pas passer du temps dans un hôpital psychiatrique à l’heure où sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis huit ans, sombrait dans la démence. Puis il a visité le jardin, rencontré les patients et pensé qu’écrire sur eux lui permettrait peut-être d’écrire aussi sur elle, via leur étrangeté commune, d’écrire sur la vie qu’ils vivaient encore un peu ensemble et ainsi, qui sait, de ralentir, un temps, leur irrémédiable éloignement.
Des bienfaits du jardinage dit les allers-retours de Patrice Robin entre elle et eux durant ces quelques mois de résidence, allers-retours entre les vies, celles brisées parfois, tassées souvent, de ces hommes et femmes lourdement médicamentés, celle de plus en plus immobile et silencieuse de sa mère. Des bienfaits du jardinage dit aussi la sienne, déstabilisée, accompagnant sa mère, en fils, vers sa fin, mais aussi l’enregistrant et la prenant en photo, en écrivain, comme il prenait en photo le jardin et recueillait les témoignages de ses usagers. Des bienfaits du jardinage dit son trajet vers ces derniers, lent, difficile, douloureux parfois, puis apaisé enfin, dit surtout comment ils l’ont accompagné, apporté un peu de paix, sans le savoir, tout au long d’un printemps, d’un été et d’un début d’automne.
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Bouquet de roses
Très digne, et touchant, le récit que Patrice Robin nous donne d’une expérience vécue par lui dans le cadre d’une résidence d’écriture assez atypique. Et pour cause : en 2014, un établissement psychiatrique lillois lui propose d’aller à la rencontre de patients que des activités horticoles régulières aident quelque peu à reprendre pied dans la vie. Bref, une thérapeutique de la main verte. Il accepte, non sans hésitation toutefois : « Je me dis qu’écrire ma rencontre avec ces hommes et femmes, dans ce jardin, le temps d’un printemps et d’un été, me permettrait d’écrire aussi l’étrangeté de ma mère, la vie que nous vivons encore un peu ensemble et ainsi, peut-être, de ralentir notre irrémédiable éloignement ». Car l’évocation de la mère de l’auteur, atteinte d’Alzheimer, constitue l’autre versant de ce texte de commande. Vies parallèles, donc, passerelles entre deux réalités, l’une totalement inconnue à Patrice Robin, l’autre douloureusement familière. En fait, tout se passe comme si la démence de sa mère avait préparé le terrain, créant chez Robin les conditions favorables à l’écoute de ceux qui n’ont plus vraiment prise sur le cours des choses. Patrice Robin dit avec une infinie délicatesse la relation qu’il établit, sans la forcer jamais, avec les uns et les autres, accidentés de l’existence. Sans brusquer personne, il tisse du lien autour d’un lopin partagé, dans l’odeur de la terre retournée. Ces instantanées d’une vie en collectivité ramènent continûment l’auteur au chevet de sa mère, « à son déclin qui se poursuit pendant que tout continue de croître et fleurir ». Petit par la forme, ce livre a la force symbolique d’un bouquet de roses tendrement composé. De bien belles fleurs dont les épines, parfois, font saigner le cœur.
Anthony Dufraisse, Le Matricule des anges, mars 2016
Graines d’apaisement
Des bienfaits du jardinage, de Patrice Robin, s’ouvre aux malades mentaux.
Patrice Robin a longtemps hésité avant d’accepter cette proposition : une résidence dans un établissement de santé mentale pour suivre des patients s’adonnant au jardinage. Car sa mère, au terme de plusieurs années de maladie d’Alzheimer, vient de plonger dans cet état qu’on nomme la démence, où elle ne reconnaît plus personne, y compris son fils. C’est cependant pour cette raison qu’il a finalement accepté : « Je me dis qu’écrire ma rencontre avec ces hommes et femmes, dans ce jardin, le temps d’un printemps et d’un début d’été, me permettrait d’écrire aussi l’étrangeté de ma mère, la vie que nous vivons encore un peu ensemble, et ainsi, peut-être, de ralentir notre irrémédiable éloignement. »
Avec un tel sujet, Des bienfaits du jardinage, le huitième livre de Patrice Robin, n’est pourtant pas aussi noir qu’on pourrait l’imaginer, même s’il est évidemment grave. Au vrai, il s’agit d’un livre d’apprentissages : l’auteur/-narrateur y apprend à côtoyer puis à comprendre, autant que possible, les malades mentaux qu’il fréquente ; il emmagasine aussi du savoir sur le jardinage, qui, en outre, regorge d’un lexique dont un écrivain peut se délecter, et auquel, au départ, il ne connaît rien ; son regard sur sa mère, même s’il est douloureux, est sans doute ainsi moins saisi d’effroi.
« Étranger », « À l’approche », « Avec eux », « Accompagné », « Apaisé », « Seul » sont les titres des chapitres du livre, explicites quant à la relation qui s’établit entre l’auteur et les patients dans les jardins où ils se retrouvent. L’apaisement vient de cette activité choisie, créative, et qui exige rigueur et ordonnancement, comme si le jardinage mettait « de l’ordre dans [les] têtes toutes mélangées ». « Il pousse plus de choses dans un jardin qu’on en a semé », dit un proverbe serbo-croate mis en exergue. C’est aussi vrai de ce livre.
Christophe Kantcheff, Politis, 29 juin 2016