Les essais réunis dans ce livre ont été écrits entre 1986 et 2016.
Ils ont tous été publiés dans divers volumes collectifs et revues (très largement dans la revue de cinéma Trafic dont Raymond Bellour est un des responsables). Ils concernent uniquement les films,
le cinéma, contrairement à ses trois recueils antérieurs (L’Entre-Images. Photo, cinéma, vidéo ; L’Entre-Images 2. Mots, images ; La Querelle des dispositifs. Cinéma – installations, expositions) consacrés aux rapports entre le cinéma et les autres images. Ces textes sont nés un par un au gré des chocs provoqués par les films et des questions que...
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Les essais réunis dans ce livre ont été écrits entre 1986 et 2016.
Ils ont tous été publiés dans divers volumes collectifs et revues (très largement dans la revue de cinéma Trafic dont Raymond Bellour est un des responsables). Ils concernent uniquement les films,
le cinéma, contrairement à ses trois recueils antérieurs (L’Entre-Images. Photo, cinéma, vidéo ; L’Entre-Images 2. Mots, images ; La Querelle des dispositifs. Cinéma – installations, expositions) consacrés aux rapports entre le cinéma et les autres images. Ces textes sont nés un par un au gré des chocs provoqués par les films et des questions que les films posent au cinéma. D’où s’ensuivent les deux parties qui les rassemblent : « Les films qu’on accompagne » ; « Le cinéma qu’on cherche à ressaisir ».
Accompagner un film, c’est se tenir dans sa compagnie. C’est à dire, sinon toujours le suivre pas à pas, ce qui s’avère de toute façon illusoire, mais au moins en suggérer une sorte d’illusion grâce à la proximité marquée envers tels ou tels de ses instants, tels de ses traits les plus saillants, quels qu’ils soient pourvu que se révèle ainsi la prégnance du détail attestant la réalité de la capture dont le spectateur a été la proie et qu’il essaie de rendre au fil de l’argumentation, de l’évocation qui lui paraît propre à servir le caractère unique, la valeur, le génie du film auquel il a choisi de s’attacher. (Une micro-partie fait exception, dans ce premier volet, l’ensemble consacré aux quatre films de Philippe Grandrieux, réunis pour cette raison en fin de cette première partie).
Le second volet de ce recueil, « Le cinéma qu’on cherche à ressaisir », redouble en un sens ce que l’approche des films singuliers se trouve déjà engager, tant chaque film qui frappe met en jeu le tout du cinéma. Mais un changement d’échelle est ici visé : soit le fragment de film, resserré sur lui-même, ou le choix d’une composante (ainsi les trois brefs essais consacrés à Alfred Hitchock); soit un cinéaste au contraire approché plus ou moins dans son ensemble (ainsi John Ford ou Vincente Minnelli); soit encore un problème, un niveau de réalité qualifiant le cinéma comme tel (les deux derniers us-ensemble de cette seconde partie). Un sous-ensemble est aussi consacré à trois hommages (Serge Daney, Chris Marker, Harun Farocki).
Mais l’écart ménagé entre ces deux par ties tend aussi à se dissiper dans la continuité d’une
recherche qui voudrait cerner la réalité du cinéma à travers les effets produits par des films très
divers chez un spectateur singulier (le spectateur que je suis, comme tout autre spectateur). Par
là, cet ensemble composé au hasard des rencontres et au fil du temps forme aussi une sorte de
journal de bord suivant la lente élaboration du précédent livre de Raymond Bellour : Le Corps du
cinéma. Hypnoses, émotions, animalités, qui présente sa vision générale du cinéma, avant même
que son dessein ait pu être nettement défini.
Le choix des films comme celui des cinéastes ou des thèmes abordés dans Pensées du cinéma ont pour seuls critères la curiosité comme la passsion de l’auteur de ces textes. Mais faut souligner
la très grande variété des films abordés : du film de série B au grand classique, du cinéma classique au cinéma moderne, du cinéma de fiction au film considéré comme documentaire ou au film d’avant-garde, les deux grandes par ties du livre se décomposent en plusieurs sous-ensembles, chacun déterminé par sa relative autonomie tenant à différents critères (auteur, type de problème, genre de films). Dans chacun de ces sous-ensembles, les textes sont classés selon la chronologie historique des oeuvres abordées.
Enfin, une riche iconographie a été conçue pour ce livre, presque exclusivement composée de photogrammes extraits des nombreux films considérés (à hauteur d’environ 400 images). Le modèle suivi pour la mise en pages est celui utilisé pour Le Corps du cinéma, défini par une variété de tailles des images, elle-même déterminée par les besoins de chaque texte. L’un d’eux fait exception ici, « Le film qu’on accompagne », consacré à L’Etoile cachée du grand cinéaste indien
Ritwik Ghatak : il sera illustré de 105 photogrammes.
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Après la somme théorique du Corps du cinéma et les textes sur les rapports entre film et arts contemporains de La Querelle des dispositifs, le recueil Pensées du cinéma rassemble trente-sept textes publiés entre 1986 et 2016, essentiellement dans Trafic, et exclusivement consacrés au cinéma. Raymond Bellour le souligne dans son introduction, on y retrouve des bases de sa réflexion sur l’hypnose ou l’émotion, ainsi que sur la mémoire du spectateur dans sa relation au dispositif de la salle, par exemple dans un texte écrit avec Marie Redonnet sur une scène de Des jours et des nuits dans la forêt de Satyajit Ray - manière d’évoquer cette expérience particulière « sortir d’un film à deux », échanger avec l’autre sur son souvenir, et reconstruire ainsi par échos l’effet mental d’un moment décisif. Plus largement et à même hauteur que son exigence analytique, Pensées du cinéma est parfois traversé par une mise en scène de soi en spectateur qui frappe par sa nécessaire intimité, comme dans ce texte sur Sobibor débutant avec la sortie de l’hôpital de l’auteur, parce que « c’est par des ouvertures imprévues du corps que des images s’ébranlent et se précipitent ». A travers ces va-et-vient discrets de soi, c’est aussi un style qui se dessine, les phrases de Bellour ne cessant de nuancer dans leurs enroulements de syntaxe le désir d’être autant précis dans la description des films que fidèle à I’impression qu’ils laissent. C’était l’une des missions de Trafic selon Serge Daney, comme Bellour le note dans un beau texte sur le cofondateur de la revue, « pousser l’autre à son style ».
Cyril Beghin, Cahier du Cinéma, 16 décembre 2016