Dans ce livre, il y a des ruines et des martyrs, des vestiges, des temples, des sanctuaires, des portiques, il y a des tombes, des cercueils, des mausolées, des cimetières, des épitaphes. Il y a des sépultures mythiques et des fosses communes. Il y a des résistants tués, des révoltés abattus, des leaders assassinés, des enfants massacrés, des partisans torturés, des nationalistes pendus. Il y a des rebelles héroïques. il y a des saints, des prophètes, des dieux, des vierges, des archanges, il y a des victimes et des assassins. Il y a aussi des châteaux forts, des citadelles, des basiliques, des mosquées, des dômes, des minarets, des phares, des miradors, des...
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Dans ce livre, il y a des ruines et des martyrs, des vestiges, des temples, des sanctuaires, des portiques, il y a des tombes, des cercueils, des mausolées, des cimetières, des épitaphes. Il y a des sépultures mythiques et des fosses communes. Il y a des résistants tués, des révoltés abattus, des leaders assassinés, des enfants massacrés, des partisans torturés, des nationalistes pendus. Il y a des rebelles héroïques. il y a des saints, des prophètes, des dieux, des vierges, des archanges, il y a des victimes et des assassins. Il y a aussi des châteaux forts, des citadelles, des basiliques, des mosquées, des dômes, des minarets, des phares, des miradors, des barbelés, des carcasses d’hôtels, des camps, des prisons. Et des détenus, des captifs, des séquestrés. Il y a des condamnés à mort.
Il y a des miliciens et des dictateurs, des fédayins et des moudjahidines, une infirmière kamikaze, une miss univers et un prince rouge, des émirs, des pachas, des califes, des patriarches et des poètes.
Il y a l’élégance, la classe, le style, la manière, la touche, la griffe, il y a la flamme, la passion, l’idéal, la cause. Il y a Septembre Noir et la bataille de Kerbala, la corniche de Beyrouth et le discours d’Alexandrie, la tête de Jean-Baptiste et celle de l’imam Hussein, la fiancée de Naplouse et l’artificier de la Casbah, la prisonnière de Khyam et la dactylo d’Alger, les Boeings de la Pan Am et l’automobile du Roi d’Irak, le minaret de Jésus et le rocher de Mahomet. il y a aussi un imam disparu, un cheikh caché, un ayatollah inspirant, un mufti éliminé et un mufti ambigu. Il y a des keffiehs, des treillis, des lunettes noires, des turbans, des sahariennes, des drapeaux, des uniformes, des journaux, des slogans.
Il y a la plume, le mot, le verbe, l’éloquence, le discours, l’étendard.
Il y a des attentats, des enterrements, des processions, des funérailles, des cortèges, des pleurs. Et aussi des colonnes, des chapiteaux, des gisants, des sarcophages. Des tombeaux phéniciens, des cénotaphes sumériens, des nécropoles romaines, des pyramides égyptiennes. Il y a le Saint Sépulcre, le temple de Salomon et le dôme du rocher.
Il y a des massacres, des tueries, des boucheries. Il y a des blasts d’explosions. Il y a du sang, des soupirs, des larmes, des lamentations, de la poussière, de la fumée, de la boue, des bris de verre, des décombres, la désolation, la tristesse, l’agonie, le drame, la tragédie, le deuil, les couronnes, les fleurs, les rubans, les chants, les youyous, le paradis. C’est une danse macabre.
Dans ce livre, il y a un siècle au proche orient.
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Les mille et un mondes arabes
A travers un récit illustré, la Franco-Libanaise LAMIA ZIADÉ raconte, depuis l’intérieur, l’histoire du monde arabe. Un très beau livre désenchanté.
« PENDANT DEUX ANS, JE N’AI FAIT QUE ÇA. » Voilà ce que nous dit Lamia Ziadé le jour où on la rencontre, chez elle a Paris, et on la croit sur parole. Elle publie Ma très grande mélancolie arabe - Un siècle au Proche-Orient. Recueil de textes illustrés de dessins, ou l’inverse, ce livre s’inscrit dans la droite ligne de ses précédents, Bye Bye Babylone ou elle racontait son enfance dans la guerre civile à Beyrouth, et Ô nuit, ô mes yeux, hommage aux grandes divas du monde arabe comme Oum Kalthoum. Mais ce nouvel opus est d’une toute autre envergure que les précédents, et bien plus ambitieux. Lamia Ziade, née au Liban et installée en France depuis trente ans, retrace l’histoire récente du monde arabe, d’un pays à l’autre et d’un cimetière à un autre, mais son livre est impossible à résumer. Ici se succèdent dans le désordre ses déambulations au Sud-Liban, à Beyrouth ou au Caire, les témoignages d’inconnus croisés en chemin, les vies de jeunes combattants ou de personnages politiques, rappel des évènements clés et des conflits qui ont endeuillé la région, avec parfois un détour vers l’histoire ancienne ou la mythologie. Et, toujours, le propos est suivi ou précèdé d’illustrations réalisées par l’auteure, qui a été dessinatrice pour Jean Paul Gaultier puis pour la littérature jeunesse. Toutes sont des reproductions de photos, parfois privées, plus souvent parues dans la presse. « J’aime bien le terme de récit illustré plutôt que de roman graphique » confie Lamia Ziadé. Ce livre n’appartient en fait à aucun genre littéraire. Pour dire la complexité du monde, Ziadé a créé une nouvelle forme qu’on peut toutefois apparenter, par son souci d’échapper à la chronologie et son art de la juxtaposition, à la structure de certains romans arabes. « C’est vrai qu’au Liban quand on raconte quelque chose, on fait deux cents digressions. Chaque nouveau sujet en apporte un autre, voire trois qui arrivent de front. Et quand je lis Naguib Mahfouz, l’écrivain égyptien, effectivement il y a des ramifications incessantes. »
Si l’on est touché par les mille destins tragiques qui traversent ce livre, on l’est tout autant par les illustrations, émouvantes de simplicité, et leur façon de faire surgir tout un monde oublié. Elles constituent la véritable originalité du travail inclassable de Lamia Ziadé et créent un lien entre toutes ces histoires disparates. Reste le contenu dense et surtout très engagé. Ziadé s’efforce par son livre de déconstruire certains clichés qui circulent ici. « Cette façon de présenter les choses, résume-t-elle. L’Occident serait le bien et là-bas un lieu où tout le monde n’a pas la clairvoyance et la tolérance des Occidentaux. Je commençais à en avoir ras-le bol alors j’ai voulu raconter les choses vues de là-bas. » Et pour cette auteure qui n’est pas une historienne, il était fondamental de s’en tenir aux faits : « Je ne fais pas de suppositions ni ne rapporte de rumeurs. Je cite la presse et montre comment les évènements ont été ressentis là-bas. Sadate, les Occidentaux le voient comme un héros. Si vous lisez les journaux libanais de l’époque, y compris ceux de la droite chrétienne, ce n’était pas ça II existe une autre façon de voir un même fait. C’est énorme. » De ce travail titanesque, l’illustratrice dit avoir pris conscience de beaucoup de choses jusqu’à modifier parfois son regard, par exemple sur la façon dont, au Liban, les religions cohabitent. « Si au Liban il n’y avait pas cette façon de décider que tout le monde a sa part, ce serait le plus fort qui dominerait les autres. En lisant des analyses d’historiens sur ce modèle libanais, j’en ai compris l’intérêt. Du coup j’en étais fière et j’ai fait un chapitre là-dessus. Il y a encore dix ans, j’en avais assez de ce pays où tout est décidé selon la religion des gens et j’aurais milité pour un Liban laïque. J’en suis revenue. » Enfin, Lamia Ziadé rappelle que si elle critique les agissements de l’Europe et des Etats-Unis au Proche-Orient, elle ne peut pour autant être taxée d’anti-occidentalisme. « Je suis la plus occidentalisée des filles. Et je ne suis pas la seule à dire ce que je dis. Je me suis d’ailleurs nourrie de travaux d’historiens ou de journalistes occidentaux qui commencent à reconnaître que ce qu’on a fait là-bas n’était pas bien. »
Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles, novembre 2017
Le livre qui voyage: Un siècle de feu
On s’était extasié il y a deux ans devant la beauté de O nuit, O mes yeux, revisitation en mots, gouaches et aquarelles du Caire des années 1920 et du Beyrouth des années 1950, alors cités d’épanouissement intellectuel et artistique. C’est avec émotion que l’on découvre la nouvelle œuvre graphique de Lamia Ziadé, illustratrice née à Beyrouth en 1968 et installée en France. Face sombre du précédent, ce livre singulier retrace un siècle de fureur au Proche-Orient à travers un reportage dans l’espace et dans le temps. « Ton voyage dans le deuil et la destruction ne fait que commencer. Il va être funèbre et merveilleux... » écrit-elle dès ses premiers pas à Tyr, dans le Sud-Liban. Et en fournit la preuve immédiate avec de tragiques portraits de femmes kamikazes. Des martyrs, il en sera beaucoup question dans cette évocation historique d’une terre en feu, du Liban à Jérusalem, en passant par la Palestine, l’Irak, la Syrie et l’Egypte. Lieux saints de l’islam, musées et vestiges, funérailles grandioses, figures légendaires (Nasser, el-Sadate, Arafat, Georges Habache, Abou Hassoun, Abou Jihad...), l’album de Lamia Ziadé déroule la grande Histoire en lui donnant de la chair et des formes.
Marianne Payot, L’Express, novembre 2017
Les Statues meurent aussi
Depuis le Liban-Sud, Lamia Ziadé dessine un roman graphique qui raconte l’histoire intime d’un siècle de violence au Moyen-Orient. Ma très grande mélancolie arabe est bouleversant.
Une danse macabre. C’est elle qui le dit, vers la fin du livre, puis une seconde fois, en quatrième de couverture, quand il faut, tant bien que mal, tenter de résumer ce qui se refuse à la raison : Ma très grande mélancolie arabe est un livre intime sur l’histoire semi-récente du Liban, mais aussi de l’Egypte, de l’Irak, de la Palestine ou de la Libye. C’est un livre sur la folie et sa petite sœur, la passion. C’est un livre qui ne peut être dans le vrai qu’en flirtant avec la violence pure, avec la mort en face, avec le soleil qui efface tout et permet de tout recommencer à zéro, même les erreurs. Surtout les erreurs. C’est un livre qui bégaye le désastre. II commence avec une fille, très jolie fille. Chaque année, son visage refleurit sur les murs de Beyrouth, de Saïda, de Jezzine ou de Tripoli. On la voit, toute bouclée, en treillis militaire et béret rouge. On la voit aussi en couverture du livre, cheveux mi-longs détachés, rouge à lèvres et regard rêveur. Elle a 16 ans. Elle est chiite. Elle s’appelle Sana’a Mehaidli. Au plus fort de la guerre du Liban et de l’occupation du Liban-Sud par Tsahal, elle a inventé, au volant de sa Peugeot 504 chargée de 200 kilos de TNT, l’attentat-suicide. Elle fut la première à se conduire elle-même à la mort, contre un convoi de l’armée israélienne. C’était le 9 avril 1985. C’est avec elle que débute cette histoire intime de la mélancolie arabe, de la tristesse infinie, de la rage recommencée, de la mort qui nous tue. Et elle se termine sur l’imam Moussa Sader, leader chiite Amal, disparu lors d’un voyage en Libye le 31 août 1978, alors qu’il tentait de convoquer un sommet d’urgence pour arrêter la violence qui prenait feu au Liban-Sud. On n’a jamais retrouvé le corps de l’imam chiite et le sud du Liban a basculé- aujourd’hui encore, il est un territoire où on ne s’aventure pas. On ne fait pas là de tourisme. Ce nouveau livre, Lamia Ziadé l’a entrepris après un voyage dans le Sud. Elle accompagnait un Egyptien qui cherchait son père devenu fou d’une Palestinienne, puis devenu fou tout court dans Sabra et Chatila, le camp palestinien de Beyrouth où eurent lieu, il y a trente-cinq ans, trois jours de massacres abominables, une honte, une horreur. Lamia revenait d’un précédent livre, lui aussi croisement hybride entre roman graphique et texte littéraire à la première personne. C’est, pour elle, la seule forme possible pour retrouver un sens à ces images qui poussent partout dans les rues de ce Moyen-Orient qui perd la tête à chaque guerre, à chaque mort. Ce précédent livre, Ô nuit, ô mes yeux, racontait une région qui avait les chanteuses les plus magnétiques du monde (Asmahan, Fairuz, Oum Kalthoum) et ne savait plus comment les regarder - trop de cheveux, trop de musique, trop de sensualité. Celui-là est d’une intensité autre, même s’il est son prolongement... Il est un abîme. « Mélancolie »... le mot est faible mais sans doute il n’existe pas, celui qui dirait la contradiction d’une région, multiculturelle, multireligieuse, qui n’aime rien mieux que partager ses morts et qui, pour vivre au jour le jour, imagine qu’elle a aussi le génie de pouvoir tout oublier.
Philippe Azoury, Grazia, novembre 2017
Lamia Ziadé et la beauté tragique d’une danse macabre
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Le devoir.Ralph Elawani, Le devoir, décembre 2017