Ce nouveau « Journal » de Charles Juliet couvre les années 2004 à 2008.
Il est dans la veine des précédents, plein de sagesse, d’expériences, d’ouverture au monde et aux autres. Des rencontres, beaucoup de rencontres qui sont autant d’occasions de récits de vie brefs, souvent bouleversants car la personnalité de Charles Juliet est telle que l’on se confie volontiers à lui qui est toujours à l’écoute, aux aguets de l’humain. Beaucoup de lectures et de relectures (notamment Camus, ici), des voyages (surtout en France, à l’occasion de manifestations autour de l’auteur), de peinture, et de cinéma. Et toujours cette écriture...
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Ce nouveau « Journal » de Charles Juliet couvre les années 2004 à 2008.
Il est dans la veine des précédents, plein de sagesse, d’expériences, d’ouverture au monde et aux autres. Des rencontres, beaucoup de rencontres qui sont autant d’occasions de récits de vie brefs, souvent bouleversants car la personnalité de Charles Juliet est telle que l’on se confie volontiers à lui qui est toujours à l’écoute, aux aguets de l’humain. Beaucoup de lectures et de relectures (notamment Camus, ici), des voyages (surtout en France, à l’occasion de manifestations autour de l’auteur), de peinture, et de cinéma. Et toujours cette écriture précise et sensible, prête à tout accueillir de l’expérience intérieure comme des choses de la vie.
Le précédent volume de son journal : Apaisement est paru en 2013.
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Quête intérieure et quête de l’autre : dans ce « carnet de vie », l’écrivain au style dépouillé et solaire émeut par sa pudeur et son humanité.
«Chaque fois qu’un livre m’empoigne, l’ébranlement que j’en reçois est trop fort et il désorganise la pensée», consigne Charles Juliet dans son journal le 13 août 2005. A-t-il conscience que ses écrits peuvent provoquer le même choc? Imagine-t-il le carambolage intérieur que produit son travail de diariste auprès de ceux qui traversent sa route ? Ce neuvième tome, qui couvre les années 2004 à 2008, ne déroge pas à la règle. II ébranle, décape et révèle à soi-même. Impossible de ne tirer qu’un seul fil, dans ce nid que Charles Juliet construit à partir de tout ce qu’il récolte, au gré de la quête intense qui dirige son existence. Tant de pistes défrichées, de gouffres forés et d’horizons scrutés dans ces mots choisis au jour le jour. Pourtant, nulle impression de fouillis ni de désordre. Au contraire, une grande clarté, de langue et d’esprit. Fidèle à exigence de vérité et d’humilité qui sous-tend toute son oeuvre, Charles Juliet explore l’infini du monde. Le sien, mais aussi celui des autres, artistes qu’il admire, passants qu’il observe, élèves et professeurs qu’il rencontre, inconnus des faits divers. Longtemps il s’est refusé à employer le mot amour dans ses textes au cordeau, confesse-t-il. Et voilà qu’il surgit, en toute plénitude, en toute simplicité, fruit d’un travail d’acceptation qui a pris des décennies. A force d’aller au coeur des choses, il a fini par aller au coeur des gens, quels qu’ils soient, touché par leur humanité dans toutes les situations. La plupart du temps, les événements relatés sont tragiques. Mais à force de chercher le mot juste, parfois même des nuits entières, Charles Juliet leur offre le secours invisible de son écriture pour faire briller leur lumière interne, car tout est à l’intérieur de soi, telle est sa conviction motrice.
Un autre mot volette comme une feuille morte à l’intérieur de ce journal : ego. Toute l’oeuvre de cet écrivain assoiffé de simplicité court après l’éradication de cette conscience narcissique encombrante. Ce ponçage de tout orgueil est le secret de son style épuré, clair et lisse. Souvent ascétique, au plus près de ce qu’il appelle le «spirituel», pour lui en dehors de toute croyance religieuse mais lié au «besoin de s’élever, de faire grandir le meilleur de soi», Charles Juliet pratique aussi l’humour autocritique avec grand talent. Réjouissante est l’évocation de l’arnaque dont il fut victime par excès de compassion, qui le poussa à vider une partie de son compte en banque pour secourir un faux vendeur de blousons en daim soi-disant licencié par son patron. Jamais de rancoeur ni de colère chez cet auteur qui cultive la paix intérieure. A la manière de Chet Baker, qu’il aime écouter, et dont il cite cette belle phrase : «Jouer, c’est jouer du silence. »
Marine Landrot, Télérama, septembre 2017
Charles Juliet en son chemin de sagesse
Journal. Le poète et écrivain lyonnais livre le tome 9 de son long travail d’élucidation intérieure qui l’a mené d’une profonde souffrance à une sereine lumière.
Ce qui monte du tréfonds exige d’être écrit dans une langue nue. Si elle n’était pas d’une absolue nudité, j’aurais l’impression de trahir l’essence de ce qui cherche à venir a jour » Datée du 23 janvier 2004, cette note exprime tout de la démarche de Charles Juliet, 83 ans dans quelques jours. Depuis 1957 et le premier tome de son journal Ténèbres en terre froide, l’écrivain se soumet, sans jamais faiblir, a cette nécessite intérieure «Une exigence est là, intraitable. Elle me possède et je dois lui obéir. II s’agit d’une exigence éthique dont la racine est logée au plus profond de l’être. » Depuis un demi-siècle sans aucune impudeur, l’auteur de Lambeaux et de L’Année de l’éveil s’évertue à décrire, au plus juste, l’exigeante aventure intérieure qui l’a mené du morcellement et du désespoir vers cette Gratitude née d’un incessant travail d’unification. II lui a fallu abattre les murs du faux-semblant, combattre les diktats de I’ego toujours renaissant, traquer en lui-même la moindre complaisance avant de dépasser la souffrance et gagner peu a peu cet état de «gravité légère » qui l’habite aujourd’hui.
Apres Apaisement, tome 7 de ce lournal unique au monde, et Au pays du long nuage blanc (chronique d’un séjour de six mois en Nouvelle Zélande désormais considère comme le tome 8), Gratitude couvre donc la période 2004-2008 Souvenirs, rencontres, anecdotes du quotidien, évocation de gens connus et d’anonymes, morts ou vivants, émaillent ces notes. Mais aussi des lectures, des spectacles, des émissions de télévision ou de radio. Cette matière, que l’on pourrait presque dire commune, ne l’est en réalité jamais. D’abord parce que aucune boursouflure du moi ne vient en gâter l’intérêt. Ensuite parce que chaque note, sous l’effet d’une écriture juste et limpide, transforme cette matière en un précipité de vie qui ramène le lecteur à l’essence de son être Jusqu’à lui en faire ressentir la précieuse part commune - au sens, cette fois, d’universelle.
En cela, l’oeuvre de Charles Juliet a toujours été « transformante» pour celui qui la côtoie. Le jugement n’a pas sa place dans ces lignes qui accueillent au contraire, sans un mot de trop, la fragilité, la souffrance, l’espoir de l’autre «L’âme... je n’emploie jamais ce mot. Je lui ai substitué le spirituel. En dehors de toute croyance religieuse, ce mot désigne pour moi : - l’aventure de la connaissance de soi, - la mutation de la naissance à soi-même, - l’observance d’une éthique, - le besoin de s’élever, de faire grandir le meilleur de soi. » Enoncé ici avec concision, cet affûtage de l’être mène à des éclats d’humanité parfois tapis dans le minuscule. Jamais Charles Juliet ne triche ni ne transige, même avec cette candeur assumée qui l’expose parfois à l’appétit des profiteurs. Par deux fois, ce tome 9 en témoigne dans une douce autodérision. Aucune amertume pourtant. Aucune colère. Compassion et gratitude. 21 décembre 2008 : « Je n’avais aucun désir de me tailler un sentier à coups de serpe dans le fouillis du monde (...) La main se refusait à saisir, à s’affirmer. Elle ne savait que s’ouvrir et recevoir ce qui lui était accordé. Ainsi, ma vie durant, j’ai été soumis à cette règle : ne rien demander, accepter ce qui m’est octroyé. »
Arnaud Schwartz, La Croix, 28 septembre 2017.