C’est le deuxième volume des œuvres complètes, après un premier tome paru en 2013. Génie divin, LxiR et Nicolas Pages (Prix de Flore 2000), publiés aux éditions Balland dans la collection « Le Rayon » entre 1999 et 2002, forment la trilogie de ce nouveau volume. Les trois livres marquent un tournant décisif dans l’œuvre de Guillaume Dustan. Là où la première trilogie déroulait un thème unique (le sexe) dans des cadres strictement définis (la chambre, la boîte de nuit, les back-rooms), ces trois livres, notamment Nicolas Pages, prouvent que Dustan n’est pas seulement un pornographe accompli, mais aussi...
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C’est le deuxième volume des œuvres complètes, après un premier tome paru en 2013. Génie divin, LxiR et Nicolas Pages (Prix de Flore 2000), publiés aux éditions Balland dans la collection « Le Rayon » entre 1999 et 2002, forment la trilogie de ce nouveau volume. Les trois livres marquent un tournant décisif dans l’œuvre de Guillaume Dustan. Là où la première trilogie déroulait un thème unique (le sexe) dans des cadres strictement définis (la chambre, la boîte de nuit, les back-rooms), ces trois livres, notamment Nicolas Pages, prouvent que Dustan n’est pas seulement un pornographe accompli, mais aussi « un capteur du sentiment amoureux », comme l’explique l’écrivain Thomas Clerc qui dirige cette édition, auteur d’une longue préface. La pensée et les textes de Dustan contrastent fortement avec l’époque de moralisation et de régression qui est la nôtre. La première trilogie exposait un mode de vie essentiellement axé sur le plaisir sexuel, Dustan prolonge cette revendication pour en faire un programme de vie, une sorte de projet politique. Il relie politique du désir et progressisme social, sur le double modèle du libéralisme et du libertarisme.
« Qu’un jeune écrivain quasiment inconnu, auteur de livres d’une frontalité hors du commun, perçu comme homosexuel provocateur, issu des élites mais traître à celles-ci, soudainement propulsé dans les medias en raison d’un look outrancier et d’une polémique scandaleuse sur le sexe sans préservatif puisse être porteur d’un projet politique global, détonne dans le champ culturel français. » (Thomas Clerc)
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Un bordel monstre partout
La dimension politique de Dustan, en creux dans les trois premiers livres, éclate en plein dans ses trois livres suivants, Nicolas Pages (1999), Génie divin (2001), LXiR (2002), republiés et rassemblés aujourd’hui dans Œuvres II — c’est l’actu — qui vient de sortir, toujours chez P.O.L. Près de 800 pages serrées et tendues, 29 euros, excellent rapport qualité-prix, pensez-y pour la fête des Mères, des Pères et la vôtre, surtout. Le premier intérêt de cette (re) publication tient à ce que Nicolas Pages, Génie divin et LXiR ne se trouvaient plus, si ce n’est quand on avait de la chance et à force d’obstination, sur le marché de l’occasion. Le deuxième, c’est les publiant en un même volume, d’en faire voir l’unité, de la même manière qu’œuvres I faisait voir celle des trois premiers livres et, avec le recul du temps, leur portée, présentée avec érudition par Thomas Clerc qui en signe la/les préface (s).
Ces trois livres forment un bloc, en effet. Dustan le savait. Le voulait. Il construisait non seulement ses livres mais aussi son œuvre. S’il rangeait les trois premiers dans son « Autobiopornographie », il classait les trois suivants dans la catégorie « Bordelmonstrepartout » (Dustan est drôle, on a le droit d’être drôle, aussi), à laquelle donc correspond Œuvres II. Bordelmonstrepartout, ça parle de quoi ? Ça parle toujours de sa vie, amoureuse, sexuelle, personnelle, surtout dans Nicolas Pages, mais de moins en moins et de plus en plus d’autres choses (surtout dans Génie divin, ou GD, comme Guillaume Dustan) : la littérature, le droit, l’histoire, la politique, les femmes, l’homosexualité, la bourgeoisie, etc. C’est la même chose et ce n’est pas la même chose, l’œuvre de Dustan. Ça avance par bloc, chaque bloc étant lié aux autres et non pas posé à côté de lui. C’est pour ça que la réédition découpée en Œuvres I, Œuvres II et Œuvres III (à venir) est passionnante, parce qu’elle fait voir l’évolution et la logique de la construction en moins de dix ans de l’œuvre littéraire intellectuelle politique et esthétique (« J’ai toujours été pour tout être », Génie divin) de Dustan.
La bascule du bloc I au bloc II se fait au milieu de Nicolas Pages, quand Dustan écrit « Je suis de moins en moins déprimé. De plus en plus politique ». Il revient sur le travail précédent, s’appuie dessus et se déploie. Ses phrases s’allongent, ses livres prennent du poids, son propos de l’ampleur. Il ne se contente plus d’énoncer, il explique, démontre, dénonce, propose — et s’amuse, ce qui peut-être aussi est nouveau (« de moins en moins déprimé »). Il passe des faits aux discours. Il dit tout. Ne s’interdit rien (cf. LXiR, bordélique oui oui et alors ? Range ta chambre c’est ce qu’on dit aux enfants, et Guillaume est contre).
Constance Debré, Les Inrockuptibles, 17 février 2021
"Au milieu trash de la vie", un article de Claire Paulian à l’occasion de la parution du second tome des œuvres complètes de Guillaume Dustan Œuvres II, à retrouver sur la page de En attendant Nadeau.