— Paul Otchakovsky-Laurens

El Clínico

Kiko Herrero

Début 2015, à la fin de la nuit de l’épiphanie (prétexte à de grandes festivités en Espagne), alors qu’il rentre dans l’appartement qu’on lui a prêté Plaza Mayor à Madrid, Kiko Herrero est terrassé par une violente douleur au poumon. Transporté d’urgence à l’hôpital un interne diagnostique un cancer au dernier stade. Que l’on se rassure : il s’agissait d’une erreur de diagnostic. Si l’auteur de ¡ Sauve qui peut Madrid ! est effectivement très malade, il ne s’agit « que » d’une pneumonie et ses jours ne sont pas en danger. Il n’empêche, pendant quelques jours,...

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Traductions

Espagne : Dos Manos

La presse

L’hôpital madrilène et ses fantômes


Après ¡ Sauve qui peut Madrid !, Kiko Herrero poursuit une autobiographie éclatée, entre fantasmes et réalité.


« Voulez-vous connaître la vérité ? » demande au narrateur le médecin des urgences de l’hôpital de Madrid. Cette brutale question inaugurale pourrait aussi bien être adressée au lecteur d’El Clinico, deuxième roman, écrit en français, de l’Espagnol Kiko Herrero. Comme dans ¡ Sauve qui peut Madrid !, ce qui importe n’est pas tant le matériau autobiographique que sa transfiguration fictionnelle en de multiples histoires tragi-comiques ou fantastiques.
Né à Madrid en 1962, Kiko Herrero a revisité dans son premier roman son enfance sous le franquisme et ses errances nocturnes pendant la Movida. Fuyant la terrible gueule de bois qui a suivi ce mouvement de libération de la jeunesse madrilène, il est arrivé en 1985 à Paris. Il y a exercé de nombreux petits boulots, a travaillé pour le théâtre et le cinéma, avant d’ouvrir, avec Serge Ramon, la galerie EOF, dans le quartier des Grands Boulevards, en 1996.


L’histoire d’un départ, d’une errance, d’un exil volontaire


C’est sur des retrouvailles manquées avec Madrid que s’ouvre El Clinico. Venu fêter l’épiphanie en Espagne, le narrateur est terrassé par une violente douleur au poumon et se retrouve au « Clinico », le bâtiment « colossal et rectangulaire » où il est né, une cinquantaine d’années plus tôt, et où est mort son père. Suspendu à l’annonce d’un verdict qu’il pense fatal, attendant l’extrême-onction administrée par un prêtre rwandais, il devient le spectateur du « film jauni » de sa vie, « l’histoire d’un départ, d’une errance, d’un exil volontaire, des multiples stratégies de survie d’un jeune homme de vingt-cinq ans ». Pendant trois jours de divagations fiévreuses et narcotiques, s’assemblent les souvenirs, les mensonges et les illusions en un collage surréaliste.
La chambre d’hôpital est une scène de théâtre où se pressent les amis et l’encombrante famille, où s’entrechoquent les verres et les bribes de discussions et où flotte une odeur persistante de nourriture. Car les Espagnols, « alchimistes de l’âme, savent transformer le drame en kermesse ». Surtout s’il a eu lieu pendant la fête des Rois Mages, qui coiffe au poteau Noël et ses psychodrames almodovaresques ». C’est au milieu de ce joyeux carnaval que Kiko, entre deux visites d’un sculptural infirmier, se remémore son arrivée à Paris, son éphémère carrière de réparateur pour vieilles dames, la géographie éthylique et érotique des capitales européennes qu’il traverse brièvement.
Portraitiste hors pair, Kiko Herrero fait défiler une galerie de fantômes extravagants : clochards, escrocs, prostitués d’un âge certain et estropiés en tous genres. On se croirait dans un tableau de Goya ou un film de Buñuel. Au pied de la butte Montmartre, où vit son ami Juan, il rencontre ainsi Mlle Congora, une Andalouse aussi dévote qu’entretenue, Roland, un concierge polonais saoul du matin au soir, Mme Flor de Azahar, une gigantesque Colombienne qui compose à l’orgue des mélopées pour ses trente-deux chats. A Londres, temple du punk frappé de plein fouet par la politique thatchérienne, il participe à un happening libertaire à l’ambassade de Libye qui se termine par une virée échevelée en Rolls Royce.
A Madrid, Kiko Herrero a bien failli mourir. Rescapée d’une terrible tempête intérieure, animée à son lit comme Ulysse à son mât, il voit à son réveil le visage rassurant de son éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens, disparu prématurément en janvier dernier. C’est à lui qu’est dédié ce roman drôle, lucide et élégant : l’histoire d’une renaissance.



Par Sophie Joubert, L’Humanité, 26/4/18



L’équation picaresque



Comment ne pas penser à Jorge Luis Borges ? Avec « Le Miracle secret », une des nouvelles de « Fictions », l’auteur argentin imaginait un condamne à mort qui, face au peloton d’exécution, transmutait ses derniers instants de vie en une éternité qu’il mettait à profit pour écrire... un roman ! Dans sa chambre d’hôpital, à Madrid, c’est ce que fait le narrateur de El Clinico alter ego de Kiko Herrero. Lorsqu’on lui annonce que son poumon abrite une tumeur « grosse comme une orange », et qu’il ne s’en remettra pas, il se lance aussitôt dans la résurrection d’une collection de souvenirs, de rêves et de fantasmes. Y passent sa naissance au sein du même hôpital, ses errances de jeune punk, ses rencontres bigarrées qui évoquent la movida et les films d’Almodovar des années 1980, ses amours lumineuses à Paris. Des personnages étranges font leur apparition, tel ce prêtre rwandais venu lui administrer l’extrême-onction, bientôt promu compagnon de voyage intérieur. « Picaresque » est l’ad|ectif qui s’impose, et pas seulement parce que l’auteur, qui écrit en francais et vit a Pans, est d’origine espagnole. C’est aussi que cet antihéros porte sur chacun des lieux et des personnes qu’il rencontre sa vision satirique et poétique, qui embellit et moque à la fois le monde. Le plus beau de cette collection de miracles est sans doute que Kiko Herrero soit revenu d’entre les morts pour livrer ce deuxième roman qui confirme un talent unique en son genre.



Par Hélèna Villovitch, ELLE, 25 mai 2018



Paris est une fièvre



Kiko Herrero poursuit l’entreprise autofictionnelle inaugurée avec ¡ Sauve qui peut Madrid ! (P.O.L, 2014), où il relatait son enfance madrilène et sa vie de jeune adulte électrisé par la movida. El Clinico confirme son talent pour peindre avec une tendre ironie des scènes et des portraits hauts en couleur, à mesure qu’il raconte son arrivée à Paris après qu’il eut quitté Madrid, les petits boulots et les rencontres saugrenues dont a été jalonnée sa découverte de la ville. Vibrant de l’intensité hallucinée de ses souvenirs, le récit dévoile les sentiments contrastés d’un exilé volontaire. « Chacun construit sa vie comme il peut, écrit-il. Parfois sur un mensonge ou sur plusieurs mensonges. (...) Dès notre naissance, nous sommes jetés au hasard dans une tragicomédie vieille d’environ sept millions d’années. Nos personnages composent alors leur rôle sans répétitions, sans lectures préalables. » La langue de ce roman est moins audacieuse que celle de ¡ Sauve qui peut Madrid ! Mais le texte, qui se déploie sur les trois jours durant lesquels le narrateur, hospitalisé à Madrid, s’est cru condamné à mort, vibre d’une fièvre qui le teinte d’une tonalité chamanique propre à exorciser les fantômes et à conjurer les mauvais sorts.



Par Florence Bouchy, Le Monde des Livres, le 8 juin 2018.



Los desastres de la vida


« El Clínico » n’est pas le surnom narquois d’un baron de la drogue. C’est le nom de l’hôpital madrilène où l’auteur de cette danse macabre est né cinquante ans plus tôt, et où il vient d’être hospitalisé. Les médecins pensent qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre. « Délire de fièvre. Reconstitution », et voilà le lecteur entraîné dans une série de chapitres alternant entre le présent de l’hôpital et le passé de Kiko Herrero qui a fui l’Espagne de la transition démocratique sans rien, pas un sou, un ou deux contacts à peine, attiré par la France dont il a appris la langue au lycée français.


Retrouvez l’intégralité de cet article de Cécile Dutheil sur le site de En attendant Nadeau.

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Kiko Herrero, El Clínico, Kiko Herrero El Clinico mars 2018

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