— Paul Otchakovsky-Laurens

César et toi

Marianne Alphant

C’est un chef, une légende, un conquérant qui traverse le paysage comme le vent. Jules César soumet la Gaule et en dicte le récit que nous traduisons encore deux mille ans plus tard, pour y découvrir notre défaite et ce que nous sommes : courageux, batailleurs mais désunis, changeants, légers, impulsifs, crédules, sans ressort dans l’épreuve. Des Gaulois aux noms improbables, tirés de la barbarie par César et grâce à lui latinisés, pacifiés, prospères, avec voies romaines, temples, aqueducs et amphithéâtres.

 

La narratrice reprend aujourd’hui cette histoire de guerre et de vitesse. Elle comprend que c’est...

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La presse

Sur les traces de Jules César, un roman gigogne qui rend honneur et mémoire aux vaincus.


Toi aussi ma fille ! Tel Brutus au féminin, Marianne Alphant participe à l’assassinat de Jules César au terme d’un récit labyrinthique, parfois très drôle et à coup sûr endiablé. Lui filant d’abord le train lors des fameuses guerres des Gaules dont Jules fit un récit patrimonial devenu passage obligé pour qui apprend la langue de Cicéron. Sa version (latine) des faits ? Bousiller Herlvètes, ravager les Vénètes, etc. , pour en finir avec la canaille barbare qu’il appelait, comme en crachant, les Gaulois. César le boucher fascina d’autres tyrans massacreurs, dont fatalement Napoléon. Mais aussi, plus pacifiques, de Montaigne et Shakespeare à Stendhal, des visiteurs de l’auto-hagiographie.
Car Jules s’adorait tant il se trouvait formidable. Marianne Alphant ne mégote pas sur sa propre fascination, ponctuée de détails « merveilleux » — par exemple l’invention d’un code dont il usait pour crypter ses missives —, jusqu’à, retournement en forme de ras le péplum, prendre le parti des vaincus. César et toi est un agrégat (« Tu peux tout faire entrer dans cette histoire ») qui réveille bien des fantômes de notre culture occidentale, notamment ceux qui gisent dans des sépultures mystérieuses, comme celle des cavaliers celtes, « silencieux et inexplicables », exhumés dans le Puy-de-Dôme en 2002, qui inspirent à Marianne Alphant un lamento de haute poésie.


Gérard Lefort, Les Inrockuptibles, 17 février 2021



Marianne Alphant dévoile le Code Jules César


Sur la piste du vainqueur de la guerre des Gaules, l’autrice suit son empreinte dans notre géographie, notre histoire et notre imaginaire politique et littéraire


« Parler avec ses amis par chiffres de lettres transposées », telle fut, selon Plutarque, une des inventions de Jules César, dont il faisait usage « quand il n’avait pas loisir de parler de bouche avec eux pour la pressive nécessité de quelque affaire ». Quelle « pressive nécessité » contraint Marianne Alphant à se parler, à nous parler de César ? Le « toi » du titre, c’est évidemment elle, qui se décrit sur la piste du proconsul lancé aux trousses des Helvètes à travers la Gaule, de la Suisse à la Bourgogne. Mais c’est au lecteur qu’elle s’adresse, histoire de « parler avec ses amis ». Le Code Jules César n’est qu’un jeu pour les cryptographes, mais il est étrange de constater que son nom peut servir de mot de passe à tant de rêves et d’aventures.


Inventeur du Blitzkrieg


César est inscrit dans le temps des historiens, mais c’est dans l’espace que Marianne Alphant choisit de le suivre. À partir de ses Commentaires sur la guerre des Gaules, le fameux De bello gallico sur quoi s’échinèrent des générations de latinistes. Ce qui frappe, note-t-elle, c’est sa vitesse. Et, rappelant Michelet : « Il n’y a que les esprits de nos vieilles légendes qui aient jamais voyagé ainsi. » César serait-il l’inventeur du blitzkrieg ? On pourrait le penser, à lire les instructions qu’il donne à ses légions. « Celeriter », vite. « Celerimme », le plus vite possible. Napoléon Ier, héritier césarien s’il en fut, dicta à Sainte-Hélène un Précis des guerres de Jules César. Mais c’est son neveu, Napoléon III, qui fut de tous les monarques de France le plus obsédé par lui. Ou plutôt par son rival vaincu, Vercingétorix. On sait qu’il s’est passionné pour la localisation d’Alésia, quitte à déclencher une guerre entre les partisans d’Alise-Sainte-Reine et ceux d’Alaise. On apprend qu’il a missionné un officier d’artillerie pour reconstituer l’itinéraire de César à la poursuite des Helvètes qui voulaient s’installer en Gaule. Cet événement étrange fut le prétexte de l’intervention de César, puis de sa conquête totale et définitive du territoire. Puis c’est l’ensemble de ses déplacements à marche forcée qu’il faut retracer : bataille navale dans le golfe du Morbihan, traversée de la Manche, Alsace, Jura, Ardennes, « César est partout. ».


Shakespeare et Mérimée


Marianne Alphant, qui suit César comme un veneur son cerf, entraîne son lecteur dans une interprétation des territoires où les gués, les passages, les retranchements, l’espace de manoeuvre dessinent une carte stratégique des évolutions des dizaines de milliers de légionnaires, de leurs approvisionnements, et de celles de leurs adversaires. Elle y rencontre une sorte de double récurrent, un « géotrouveur», adepte du « géocaching », sorte de course aux reliques historiques assistée par GPS et ordinateur, avec qui se noue une complicité incongrue. Mais c’est dans les livres que la traque se joue, les auteurs antiques, ceux qui disent pis que pendre de César, génial, cruel et dépravé, et aussi, de Shakespeare à Stendhal et Mérimée, tous ceux qui témoignent de ce que nous devons à « nos ancêtres » et à ceux qui les ont conquis. Les Monty Python donnaient une hilarante leçon de latin dans la Vie de Brian. Corneille faisait déclamer à Horace « si vous n’êtes romain, soyez digne de l’être ». En se passant de la sonorité puissante de l’alexandrin, Marianne Alphant nous donne le désir de le redevenir, le temps d’une promenade.


Alain Nicolas, l’Humanité, 7 janvier 2021



Promenons-nous dans les bois, sans avoir peur du loup, c’est-à-dire de Jules César, avec Marianne Alphant et son si singulier roman qui nous entraîne à débusquer l’invisible à l’œil nu, ramasser, non des silex, mais les vestiges les plus baroques et improbables qu’ont pu laisser les guerriers des conquêtes romaines. Qu’importe le passage des siècles, pourvu qu’on ait l’ivresse ! C’est un roman hallucinatoire et ludique, qui n’exige aucun savoir particulier sauf celui de la liberté et du lâcher-prise pour se laisser capter par une écriture scandée et musicale. César et toi, annonce le titre, toi, lecteur, et elle, l’écrivaine marcheuse qui, à travers un « enchantement de détails», d’un brin d’herbe ou d’un fleuve ressuscite une mémoire qu’on ne savait pas avoir, un empilement d’histoires réelles et inventées, en déployant un bonheur de savoirs jamais pédants, et pourtant érudits. Que reste-t-il quand il ne reste rien ? Vertigineux.


Sylvia Jorif, Vogue, Mars 2021



« L’Histoire est en lambeaux, il nous faut l’assumer », un article de Johan Faerber à propos de César et toi, à retrouver sur la page de Diacritik.



« Nous, César », un article de Fabrice Gabriel à propos de César et toi, à retrouver sur la page de AOC.




« César buissonier », un article de Yaël Pachet à propos de César et toi, à retrouver sur la page de En attendant Nadeau.

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