Attends voir
Paul Fournel
« Pendant longtemps on a cru que le méchant était Ray Duluc. Il faut dire qu’il avait le profil : des meurtres, des vols de pâtisseries (cookies, flans), des faux en écriture, des rôdes sur le darknet et les sorties d’école. Mais comme a dit la cheffe : Ça n’en fait pas pour autant un coupable – en tout cas pas coupable de ça. »
Attends voir se présente comme un thriller noir raté. Une parodie désopilante qui devient progressivement inquiétante à mesure que le récit de Paul Fournel joue sur les codes, les différents registres, les énigmes. Le héros est impuissant, le monde dans lequel il espionne lui...
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« Pendant longtemps on a cru que le méchant était Ray Duluc. Il faut dire qu’il avait le profil : des meurtres, des vols de pâtisseries (cookies, flans), des faux en écriture, des rôdes sur le darknet et les sorties d’école. Mais comme a dit la cheffe : Ça n’en fait pas pour autant un coupable – en tout cas pas coupable de ça. »
Attends voir se présente comme un thriller noir raté. Une parodie désopilante qui devient progressivement inquiétante à mesure que le récit de Paul Fournel joue sur les codes, les différents registres, les énigmes. Le héros est impuissant, le monde dans lequel il espionne lui échappe, il n’a pas de prise sur les êtres et sur le déroulement des choses. Il suit, il guette, il note et quand il participe, c’est malgré lui. C’est un follower. L’action se trame à son insu et c’est donc sans surprise qu’il est followé à son tour (lui ou son avatar). Il entre en action sans le désirer. Parfois il est plongé dans le noir des bordels chinois, et dans les secrets d’un très réel darknet.
Il surveille une petite fille convoitée par les pédophiles obscurs du parc Reverdy. Il se trouve impliqué dans une chasse où le méchant Ray Duluc, tueur froid et voleur de pâtisseries, semble mener un bal noir. On lui tire dessus. Il s’ensuivra une apocalypse.
Délivré de toute forme de logique dans le crime, Attends voir déroule ses incompréhensions ludiques et terreurs sans objet. On croirait le passage au réel d’un monde virtuel auquel on ne comprend rien mais dans lequel on circule volontiers (ou forcé et contraint).
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La presse
Amorces de roman noir
«On est toujours déçu quand on a construit toute une histoire, qu’on pense tenir un coupable et qu’il est innocent, est-il souligné au début d’Attends voir. C’est tout le roman qui s’effondre d’un coup. » Le lecteur du nouveau livre de Paul Fournel n’aura pas à craindre pareille mésaventure : le romancier a bien pris soin de ne construire aucune intrigue. Est-ce encore un roman ? Assurément ! Et on en tourne les pages, ainsi que le souhaitait Georges Perec, comme on le fait avec ces «livres qui se dévorent à plat ventre sur son lit».
A vrai dire, il se passe tout de même pas mal de choses dans ce récit, bien qu’on peine à voir, au début, de quelle façon les éléments s’agencent entre eux et dans quelle direction ils nous conduisent. Quand on sait regarder, comme le héros d’Attends voir, espion de profession, la vie d’un quartier regorge de micro-actions, d’amorces de romans noirs ou de récits d’aventures, de péripéties.
Qu’il s’agisse d’une petite fille que le héros craint de voir croiser un pervers, d’un vendeur de kebabs qui vous «grille », d’un «bordel chinois» qui se cache derrière une porte dérobée ou d’une «cible» du héros qui change de vêtements plusieurs fois par jour, les raisons de vouloir connaître le dénouement de l’histoire ne manquent pas. Surtout lorsque la machine se détraque insensiblement. L’agréable roman, vif et loufoque, poétique et joueur, se révèle ainsi discrète fiction critique. Parce que le jeu est toujours une affaire sérieuse.
FL. B., Le Monde Des Livres, 15 avril 2022