— Paul Otchakovsky-Laurens

Finale Fantaisie

François Cusset

Quatre vieux personnages en fin de parcours, à Paris, décident de vivre ensemble dans une sorte de phalanstère bancal et joyeux, près de Reuilly-Diderot, pour éviter l’Ehpad ou l’exil au soleil dans des villas médicalisées. Ils nomment ce refuge Finale Fantaisie. Il y a Bob, un colosse, Leïla, une mystique, Suzanne, une inquiète, et le narrateur qui vivent perchés au dernier étage de cet immeuble sans âge, avec un caddie rouillé dans l’entrée et des herbes rares sur la terrasse. Ils ont choisi de vieillir ensemble. De là-haut, rien ne leur pèse. On vaque, il râle, elles clopinent, le narrateur les raconte - comme si leurs rituels infimes allaient...

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La presse

Finale Fantaisie



Un récit désespéré qui analyse, vingt ans plus tard, les renoncements de notre époque, à travers la voix d’un octogénaire



Ils et elles étaient quatre nouveaux-elles retraitées en 2020 lorsque leur colocation a débuté. Ces sexagénaires aimaient l’amitié, les idéaux politiques de leur jeunesse, la culture et les bons repas. Vingt ans plus tard, les octogénaires bravement vaillant-es- « Tant qu’on est là. tout est possible »- sont conscientes que leur temps est désormais compté. Le narrateur, l’un des colocataires, tient le journal de leurs dernières saisons à vivre. François Cusset réussit à évoquer les corps vieillissants et les débuts de démence sénile sans être caricatural. Ce qui n’empêche pas l’humour, son narrateur faisant preuve d’une salutaire autodérision. Mais le rythme s’accélère à mesure que les jours passent, le propos devient très noir alors que la peur de la mort grandit, Historien des idées, l’auteur d’À l’abri du déclin du monde (2012) - récit d’une nuit d’émeute dans Paris - choisit d’aborder son sujet sous un prisme politique. Observant les conséquences des bouleversements sociétaux sur ses personnages, il propose une analyse très fine du statut social de ces intellos appauvri-es par la retraite, et confronte leurs partis pris idéologiques aux éléments de langage qui se sont imposés depuis leur jeunesse. Autour d’eux-elles, le chaos menace. Cusset a écrit un roman d’anticipation où les engagements d’aujourd’hui sont regardés depuis l’avenir. Et l’avenir n’a rien de rassurant.


Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles, mars 2022



Tranches de (fin) de vie


Dans le refus des maisons de retraites ordinaires, Finale Fantaisie de François Cusset, livre un tableau jubilatoire de la vieillesse


Commençons par Suzanne. À la retraite après une longue carrière d’iconographe de presse, à faire se poiler ses collègues et «les engueuler pour leur zèle, à s ’enflammer contre l’irruption progressive des managers et des cost-killers et la lâcheté des journaleux qui laissent arriver chez eux ce qu’ils dénoncent dans leurs papiers ». Suzanne, et sa « cambrure callipyge intacte », cuisinière à l’instinct, soucieuse du ménage bien exécuté, la main verte et son pas de danse affaibli. A ses côtés, Leïla, calée dans l’humilité, fille d’un garagiste séfarade et d’une institutrice jordanienne, passée par l’architecture et le design, avant d’entretenir deux marottes, le sport et la religion. Leïla et Suzanne sont deux « colocas ». Deux colocs cocasses. Pas du genre « marâtres épaissies ni mégères en déclin ». S’ajoute Bob, Robert pour l’état civil, passionné de révolution, d’un pessimisme truculent sur l’émancipation collective, ancien médecin des prolétaires, au service des pouilleux, bricoleur à l’infini. Présentation faite, se dresse un quatrième larron, le narrateur, surnommé Frizou, chroniqueur du quotidien, « pour ne pas mourir », pour se faire « une petite gym de mots », arc-bouté sur ses contemporains qu’il emmerde, avec qui «il n’a rien d’autre en commun qu’une vague date de naissance, une date de mort probablement concomitante, et tout ce qu’on aura vu s’écrouler entre les deux, de notre vivant ». Voilà quatre colocataires installés dans un vaste duplex, rue Érard, dans le douzième arrondissement parisien, à deux jets de pierre de Reuilly-Diderot. Quatre bougres d’ânes et d’andouilles qui ont choisi au grand âge la vie collective plutôt que le mouroir d’une maison de retraite. Quatre personnages qui ont opté pour une « finale fantaisie » (d’où le titre du livre), nom de baptême du duplex, pour mieux se marrer peut-être, mieux en finir dans cette dernière demeure, ce « communisme amical ». Ça reste un appartement de vieillards « qui ne savent pas qu’ils le sont». Ensemble, on se paye le luxe, «un peu snob, d’être à contre-courant, non seulement du monde à venir mais aussi du tout venant de nos contemporains ». Refusant l’empathie et le chant du cygne, c’est une tranche de fin de vie que relate ici François Cusset. Mis à part un passage au ralenti, au diapason des protagonistes dans leurs mouvements, Finale Fantaisie s’avance ainsi, en un long soliloque dans un décor original, au comique atrabilaire, tantôt coquin et salace, tantôt désabusé, avec ses doutes, ses hésitations, ses colères, ses goûts peu nombreux et ses dégoûts en masse. Pour son âge, pour ces seniors qui encombrent, lui-même personnage en vrac « contre l’impudeur pathétique qu’il ya à entamer un journal intime, une sorte de récit de soi, à un âge pareil». À la manière d’un Thomas Bernhard, fin observateur du monde alentour. À grands coups de phrases longues, qui fouillent le souffle, rompues par des phrases nominales qui sonnent comme des sentences. A son troisième roman, après À l’abri du déclin du monde et Les Jours et les jours, l’écrivain, historien des idées, essayiste a trouvé son style. Le parti pris de la jubilation.

Jean-Claude Renard, Politis, juin 2022


Vidéolecture


François Cusset, Finale Fantaisie, Finale Fantaisie François Cusset mars 2022

Son

François Cusset, Finale Fantaisie , Grande Table Critique France Culture: Finale Fantaisie 11/02/2022

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