— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Relais des Amis

Christine Montalbetti

Le Relais des Amis, c’est un café dans une petite station balnéaire sur la côte normande, mais c’est aussi le principe ludique qui anime ce roman, où de relais en relais, on suit toute une série de personnages. Simon a loué une maison pour écrire mais il est en panne d’inspiration. Il part se promener jusqu’au Relais des Amis, d’où bientôt ressortent Frédo le maçon et son apprenti, lequel au travers de la vitre d’une agence immobilière aperçoit Lorette et son client Bastien. En sortant de l’appartement qu’il visitera, Bastien posera une question à un chauffeur de taxi qui emmène un couple d’Anglais, Greg et Eva,...

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La presse


Le Relais des Amis


Christine Montalbetti est un des secrets de la fiction contemporaine française qu’on aimerait le moins gardé possible, parce que, dès qu’on a ouvert (et avalé) un de ses romans, on a plus qu’une envie : que tous ceux et toutes celles qui nous sont proches les lisent. Ses intrigues – mais sont-ce des intrigues ? – sont malicieuses, espiègles, bondissantes et d’une rare intelligence. On, se retrouve à courir après les phrases avec cette envie grandissante de tourner les pages et, paradoxalement, de ne pas souhaiter que le texte s’arrête tant il provoque en nous un enthousiasme incroyable et une joie aussi profonde qu’inhabituelle.


Un voyage autour du monde


Bienvenue donc, dans Le Relais des Amis, le genre de café qui était déjà là au siècle dernier, pour ceux qui s’en souviennent, où ça devait discuter sec dans un nuage de fumée bleutée, avec les mégots des Gitanes et des Gauloises qui traînaient, tordus, écrasés jusqu’à la garde, dans de grands cendriers de fer-blanc. Mais ne croyez pas que vous allez y rester, dans ce bar. Vous allez très vite suivre les Worcester, des Anglais qui rentrent au pays, puis Lila et Dylan, dans leur appartement de banlieue, mais bientôt, vous vous retrouverez aux États-Unis avec Warren, au Japon avec Miyuki ou au Portugal. Un voyage autour du monde, d’une conscience à l’autre, en compagnie de Christine Montalbetti, c’est un bonheur toujours renouvelé.


Ce qui frappe avant tout dans les romans de Montalbetti, c’est cette fantastique liberté de ton, cet optimisme ironique, et cette façon primesautière et sautillante de glisser d’un destin à un autre, sans jamais perdre le lecteur qui suit, médusé et hypnotisé, cette Alice qui nous ouvre son Pays des Merveilles. Foncez les yeux fermés. C’est le roman le plus emballant de cette rentrée d’hiver. Faites-moi confiance.


Jean-Philippe Blondel, L’Est Éclair, avril 2023



Un roman qui nous entraîne dans un tourbillon de folles digressions, de la Normandie aux États-Unis en passant par le Japon. Virtuose et drôle.


Christine Montalbetti n’a pas son pareil pour alpaguer le lecteur ou la lectrice à grand renfort d’apostrophes, l’arrachant ainsi à l’immense solitude de la lecture, aussi intense que celle de l’écrivain-e. Ce n’est pas du racolage mais une tentative un peu cinglée de mutualiser nos singularités en quête d’un possible unisson. Comme dans le Rock’n’roll Suicide de David Bowie, la voix de Montalbetti nous fredonne : «  Oh no love! you’re not alone »


Son nouveau roman, à cet égard bien nommé Le Relais des amis, nous prend la main dès sa première ligne. « Une phrase, allons, une bonne petite phrase qui vous donne envie d’entrer dans cette histoire  Une histoire simple délicieusement compliquée. Celle de Simon, un auteur qui, lui, n’arrive pas à trouver la première phrase malgré les conditions a priori idéales d’un retrait dans une maison au bord de la mer. Écrivain « bon qu’à ça », mais en l’occurrence bon à rien. Pour distraire sa défaillance, Simon part en balade qui vire à la ballade poétique. « Marcher je vous le dis pour le cas où vous auriez envie un jour d’écrire, a un drôle d’effet entraînant. »


Nous voilà en effet entraîné-e par exemple quand Simon, au terme de sa randonnée (de l’anglais random, « hasard »), entre dans un café, Le Relais des amis, où on se sent comme à la maison, mais une maison-monde, l’autrice métamorphosant ce microcosme et ses habitant-es (les bavard-es, les taciturnes et l’impromptu Simon) en un univers qui, le temps d’un café noisette, réchauffe le cœur ou ce qu’il en reste. On ne va pas non plus y passer sa vie. Allez hop, le « allez hop! » devient le ricochet allègre qui fait carburer le récit. «  Allez hop! ! » sautons dans un train, puis, de fil en aiguille (plus de fil que d’aiguille), embarquons fissa à bord d’un jet mental qui s’envole vers le Portugal, le Japon, l’Amérique, tel-les des passager-ères clandestin-es précipité-es dans une machine à divaguer au gré des espaces, des paysages et des rencontres.


C’est quoi ce bazar ? Un beau bazar justement. Car « le monde est un réseau inextricable de possibles, qui font autour de nous leur sarabande, et que nous assassinons finalement sans vergogne chaque fois que nous faisons un choix » Christine Montalbetti fait ses choix du côté de la vie, de l’humour et de la bienveillance pour le meilleur du genre humain. Le Relais des amis donne envie de trinquer. Santé>!


Gérard Lefort, Les Inrockuptibles, décembre 2022



Revoir la mer


Avec une liberté intacte, Christine Montalbetti embarque le lecteur dans un réjouissant voyage aux confins du romanesque.


C’est un long travelling, une délicieuse circonvolution à travers les mers. Un voyage littéraire mené tambour battant, dont Christine Montalbetti a le secret – « Ah, les voyages que ça permet, la lecture, cette liberté de circulation inouïe qui fait qu’en une seconde vous passez d’un lieu à un autre »... C’est qu’il en a besoin, Simon, d’avancer, de mettre en marche son récit, mettre en mots son imagination volontiers galopante. L’homme est écrivain et balade son manque d’inspiration sur la côte normande, où il a loué une maison. Jusqu’à ce café, dont il franchit le seuil...


« Notre Simon » est le premier venu du Relais des Amis, il est la fenêtre ouverte sur tous les personnages, toutes les histoires de ce beau roman humaniste. Un regard, une parole, un lieu ou une « atmosphère » – un écran, parfois ! – partagés, et voici que le récit rebondit. Un briquet passé de main en main, un mégot qui roule d’un pied à l’autre, une mouette qui se pose çà et là, et de nouveaux visages s’offrent à nous, de nouvelles destinées s’écrivent autour du monde – du Japon à Paris du Colorado au Portugal : beaucoup de lieux familiers de l’autrice.


Elle a le verbe sûr, Christine Montalbetti, qui prend une fois encore toutes les libertés, toutes les tangentes que la langue permet. Le propos y est joyeux, savoureux, follement visuel – « Le paysage derrière la vitre se donne en format cinéma », écrit la metteuse en scène de talent qu’elle est aussi. Ici, les fauteuils virevoussent, les navires sont encalminés, les mouches zigzaguent et les pensées « caracolent comme des poulains sauvages »... Avec le lecteur pour complice de toujours, pour témoin de son oeuvre en mouvement, «

Son récit est surprenant de véracité, bâti d’instantanés qui orchestrent la valse de ses personnages dans un mouvement perpétuel, « avec tout ce bruissement de choses pas réglées, actives et troublantes ». Elle y pose précautionneusement son regard d’écrivaine, toujours un temps d’avance, chasseuse de papillons et de papillonnages. L’émotion est au coin de chaque phrase, l’exaspération parfois, l’amour peut-être... Et son récit est plein de ces incertitudes qui flottent entre les êtres, de ces idylles de fiction, des vibrantes filiations et des imperceptibles renoncements.


Tatiana la serveuse et Gégé, son patron amoureux ; les touristes anglais Eva et Greg, au bord de la vieillesse ; Vanda la gardienne et son fils Manoel, parti vivre au bord du Douro ; Warren le prof américain et sa femme Marie, flanqués de leurs deux chiens ; Gilles le motard parisien... Contenant tous ces êtres tour à tour croisés, toutes ces situations rêvées, ces tranches de vie et ces « froissements d’âme », son récit protéiforme est un tout. II est, comme un hommage, l’ultime personnage. « Parce qu’au fond, oui, c’est bien ça dont il est question, quand on écrit des romans, le charivari de sentiments qui nous traversent, la foule de sensations qui nous assaillent, tout ce que ça charrie, une personne. N’importe quelle personne, qu’on connaît ou qu’on croise, même un corps qu’on aperçoit pour la première fois et qui bientôt disparaît dans le lointain en emportant entre ses parois de chair un monde. »


Fabienne Lemahieu, La Croix, 5 janvier 2023



Le roman contagieux de Christine Montalbetti


Le Relais des Amis est un roman sur le roman. Présentée ainsi, la chose peut sembler un peu trop roborative :ça sent la platée formaliste, avec des intrigues et des personnages noyés dans l’huile des mises en abyme. II ne faut pourtant pas se méfier. Le Relais des Amis a beau être substantiel, un beau et court texte fourmillant, c’est un roman somme toute léger – détendu même, comme l’annonce la citation de John Steinbeck (1902-1968) en exergue, l’écrivain américain y espérant, à propos de Jours de travail (Seghers, 2019), « un livre détendu » dans un monde « tendu et noué ». Si le nouvel ouvrage de Christine Montalbetti est un roman sur le roman, c’est parce que, des fictions, on passe nos journées à s’en concocter. L’air de rien, en permanence, la pensée s’enfouit dans « des rêveries qui ne mangent pas de pain, juste pour donner aux jours de doux doubles fonds imaginaires ».


Dire que nous avons les pieds sur terre et la tête dans les nuages, ce n’est pas tant pour chérir cette propension à rêvasser que pour mesurer combien nous sommes pris dans un tiraillement entre l’ici et l’ailleurs, sinon entre le lieu véritable et son envers, l’utopie. Le contexte d’écriture du Relais des Amis, semble-t-il - pendant ou dans la foulée des mois de confinement, auxquels la romancière fait référence –, fut précisément le moment d’un télescopage entre le local et le global, le présent et l’avenir : dans nos isolements mijotait la petite fiction d’un monde d’après.


Le « Relais des Amis » du titre est l’emblème d’une telle ambivalence : c’est à la fois un point fixe et une ligne de fuite – un endroit précis, un café normand en l’occurrence, et le principe actif de ce roman où des personnages se passent le relais. On débute avec Simon qui, en mal d’inspiration face à un projet d’écriture, se rend dans le café éponyme. Y travaillent Gégé et Tatiana, patron et serveuse, mais « quand on les regarde tous les deux, comme ça, derrière le comptoir, on se dit qu’il pourrait y avoir du roman dans l’air ». Puis, Frédo et Mathieu entrent en scène. Même relation professionnelle que le duo précédent, mais « il y en a un qui pourrait être le père de l’autre, ou presque, et on sent que ça tremblote entre eux cette idée ». Ils sortent, passent devant une agence immobilière où Lorette s’apprête à faire visiter un appartement à Bastien. Alors, on monte dans la Clio de Lorette et, « dans cet espace exigu », affleure «  une sensation étrange presque conjugale ». Elle y est habituée, mais lui « laisse trembler cette petite fiction de leur couple ».


Les relais se succéderont ainsi, tandis qu’avancent, main dans la main, la situation et ce qu’elle provoque chez les personnages - l’expérience du réel offrant à chaque fois un terreau fertile aux divagations ou à l’introspection. D’un personnage l’autre, le récit s’offre un tour du monde. On quitte la côte française pour cheminer vers la capitale, où l’on se balade à dos de mouche. Puis l’on profite d’un coup de téléphone pour se transporter vers le Portugal. Là-bas, c’est un reportage de télévision qui nous emmène au Japon, où l’on voyage même en rêve. Enfin, ce sont les Etats-Unis, avant de revenir au point initial. On croise des personnages créés pour l’occasion par l’écrivaine, d’autres sont convoqués depuis ses romans précédents, et certains sont, en toute transparence, des amis de Christine Montalbetti.


Il règne une certaine familiarité qui ne se cantonne pas qu’au récit : la romancière multiplie les adresses au lecteur, cultive une connivence qui est sa marque de fabrique. Dans l’ensemble, le geste venez-vous –, mais il n’échappe pas plus que quoi que ce soit d’autre à son époque : « Je voulais plonger avec vous dans la fantaisie, et je me rends soudain compte que cette idée-là du relais, au départ purement ludique, et qui nous permet d’aller joyeusement d’un personnage à l’autre de manière fluide et libre, quand de liberté et de possibilités de voyages justement on manquait finalement la reflète et l’illustre bizarrement, cette épidémie, puisque cette farandole, cette chaîne étrange, aussi bien aurait pu être enclenchée par une seule particule virale qui aurait été de l’un à l’autre en un parcours macabre et délétère. » On peut bien écrire des histoires de voyage, on ne fera que les graver dans le bois du plancher des vaches.


C’est que la profusion à l’œuvre n’est pas une rampe de lancement vers l’infini. On est bien loin des multivers hollywoodiens où les réalités parallèles n’en finissent plus de pulluler, réduisant les personnages à d’insignifiantes particules interchangeables. Au contraire, dans Le Relais desAmis, «. pour chaque bifurcation, à la branche qu’on ne choisit pas, s’en seraient greffées d’autres, qu’on annule dans le même temps sans les connaître. ». Le monde, dans ses limites, est déjà bien assez grand pour y laisser cavaler notre imagination.


Pierre-Edouard Peillon, Le Monde Des Livres, janvier 2023



Christine Montalbetti nous entraîne dans le tourbillon de la vie


« Une phrase, allons, une bonne petite phrase qui vous donne envie d’entrer dans cette histoire. » Et hop là, dès la première page, on suit en confiance Christine Montalbetti dans le tourbillon de la vie, un maelström d’une élégance folle, d’une intensité un peu dingue, comme la romancière sait si bien les imaginer. On croit qu’elle digresse pour composer ce nouveau livre vagabond, mais l’écrivaine emporte les lecteurs dans un « charivari des sentiments » et pas mal de kilomètres au compteur. Voilà Simon qui commande une noisette au Relais des amis, café au décor suranné où travaille la jolie Tatiana depuis que l’usine a fermé. Mais il est déjà l’heure de suivre Lorette dans sa Clio, ou bien Rémi, le chauffeur de taxi qui transporte des sexagénaires anglais jusqu’à la gare. On prend la route, le train, l’avion, on passe par la fenêtre avant de se retrouver, ne demandez pas pourquoi, à Tokyo, au Japon, dans les Rocheuses du côté de Boulder, ou encore dans une modeste station-service.


Le livre est titré Le Relais des amis car tous les personnages entre-aperçus se tiennent la main pour former une ronde, avant de s’achever sur un ricochet. Ils se passent le relais à la perfection, entrent dans le roman sans déranger, en repartent avec la même aisance. Apparemment légère comme une bulle, Christine Montalbetti réveille les mémoires, décrit le travail de l’écrivain en se faufilant dans son bureau et son cerveau.


C’est une leçon de création littéraire qu’elle offre ici, mine de rien, et ça n’a rien d’une promenade de santé. Pas de pensées éthérées dans cette fiction qui respire l’aventure à grandes bouffées, mais une façon de conjurer le sort qui enferma, au temps du Covid, des millions de gens solitaires derrière leur fenêtre. Christine Montalbetti connaît le remède, nous emmène avec elle dans ses jubilations et s’arrête à la plage où quelqu’un est en train d’écrire. Un roman, peut-être ?


Christine Ferniot, Télérama, janvier 2023



Feu d’artifices


La romancière de « Trouville Casino » a ses habitudes sur la Côte fleurie, où « l’air est vif et gentiment iodé », où les pommiers à cidre soliloquent, et que survolent en ricanant des mouettes durassiennes. Elle y fréquente Le Relais des Amis, un café à l’ancienne tenu par Gégé, le fils de Dédé, parti pour l’Ehpad. Bon, rien de très folichon. Une journée comme une autre. Christine Montalbetti s’attable dans ce bistro sans âge et jette un regard circulaire : ici, un écrivain commande une noisette en espérant qu’on lui servira l’inspiration, qui lui manque; là, un client désabusé fait les mots croisés du journal local; au bar, devant un café-calva, un maçon a une « conscience presque philosophique des chagrins du monde ». Pas de quoi en faire un roman ? C’est compter sans l’insolente imagination de la reine Christine, bien décidée à donner le tournis à son lecteur, qu’elle apostrophe et sollicite sans cesse.


Adepte, comme Alejandro González Iñárritu dans « Birdman », du plan-séquence halluciné et hallucinant, l’humour en prime, elle nous saisit à la sortie du Relais des Amis et nous promet bien du voyage. Nous voici au Portugal, sur les rives du Douro, puis dans une salle de pachinko à Tokyo, ensuite dans le Colorado, avant de repasser par les quais de Seine, où l’on abandonne son scooter pour s’envoler avec un goéland et remonter le fleuve vers l’ouest, jusqu’à la plage normande, où cette folle histoire a commencé. Pas de temps mort ni de répit. Il suffit parfois à la plume-caméra de suivre les loopings d’une mouche zigzaguant entre les appartements d’un immeuble parisien, la lente chute d’un mégot qui finit par agoniser à l’entrée d’un bar lusitanien, le parcours satellitaire d’un MMS ou de remonter le long d’une chaise sur laquelle une jeune femme lit un roman russe, pour glisser d’un personnage l’autre, d’une scène l’autre, d’un pays l’autre. Et même pour entrer, en 1895, dans le bureau anglais de H. G.Wells et le manuscrit en cours de « la Machine à explorer le temps ». Preuve que « le monde est un réseau inextricable de possibles, qui font autour de nous leur sarabande, et que nous assassinons finalement sans vergogne chaque fois que nous faisons un choix ». Christine Montalbetti jongle avec tous ces « possibles » dans Le Relais des Amis, où on l’applaudit et en redemande. Avec elle, lire, c’est vivre plus.


Jérôme Garcin, L’OBS, janvier 2023



Christine Montalbetti, quand la fiction entre dans la ronde


Au Relais des amis, les personnages se font des romans, qui se propagent et prolifèrent en liberté. La richesse des péripéties nourrit une réflexion sur l’art de raconter des histoires.


Nous avons tous quelque part, au fond de la mémoire ou à deux pas de chez nous, un café comme le Relais des amis. « Le genre de café qui était là au siècle dernier », si étrangement familier. C’est là qu’entre Simon. II cherche la phrase, la « bonne petite phrase » qui lui permettrait de commencer son roman. II est venu dans cette petite ville de bord de mer pour ça. Mais « rien qui remue, s’agite, que pouic ». La promenade, conseille Christine Montalbetti, peut mettre en marche la « capacité à fabriquer des phrases, à les faire surgir, à inventer des mondes ».


C’est ainsi qu’il pousse la porte de ce café. Entre Tatiana la serveuse et Gégé le patron, quelque chose pourrait avoir lieu. Mais de « ce petit roman qu’il doit bien y avoir » et qui trotte dans les têtes – les leurs, celles du lecteur, de Simon, surtout, « on a vite fait de gamberger » –, nous ne saurons rien. Le relais est pris par Mathieu, un jeune artisan dont le regard s’attarde sur les formes de Tatiana, mais il est timide, et Fredo, son patron, le rappelle à la réalité du « taf ». Déjà, Lorette, de l’agence Lorette Immo, et son client Bastien s’imposent, en attendant que Rémi le taxi et ses clients, Eva et Greg Worcester, fassent un petit tour et puis s’en aillent. Au passage, un mini-roman dans le roman affleure, avec ce qu’il faut de romanesque et de poignant : un cahier d’il y a vingt ans où Eva raconte un amour cassé net. Ne nous attardons pas. Quand la jolie Lila s’installe dans le train en face des Worcester, Christine Montalbetti fait mine de nous donner le choix : rester avec Eva et Greg ou suivre Lila ? Lila, évidemment. Ainsi va le roman, d’Eva en Lila, de Lila en Dylan, puis en une mouche, qui bifurque vers Vanda, Estelle, Alberto. « On attache nos ceintures imaginaires. » De la Manche, on file aux rives du Douro en passant par celles de la Tamise. Bientôt, on sera au Japon, pays cher à l’autrice, qui y a situé deux de ses livres, Love Hotel et l’Évaporation de l’oncle. Louise bouclera la boucle sur une plage normande, en tombant sur un type qui écrit, « notre Simon ».


Celui qui fait les premiers pas de cette course et recueille le bâton témoin rappelle quelqu’un aux lecteurs de Christine Montalbetti. Son premier roman, Sa fable achevée, Simon sort dans la bruine, mettait en scène un écrivain « infertile » venu écrire dans une maison de la côte normande. Bien des similitudes rapprochent les deux textes, l’agencement des lieux, la porte en bas du jardin « du côté de la mer », le Café de la mairie, et d’autres. Le Relais des amis n’est pas pour autant un retour à la case départ. La question de l’écriture d’une fiction – d’une « fable » – reçoit aujourd’hui une nouvelle réponse. On peut mesurer tout le travail d’une écriture passant du huis clos théoricien à la fluidité dansante de la ronde. Un rien suffit à lancer le rêve du lecteur sur une piste, suivie ou abandonnée pour une autre. Le roman se propage, envahit le monde réel comme un rêve éveillé, qui nous tient sous le charme jusqu’au bout.


« "Le pouvoir inouï de créer des mondes" et "entrer dans toutes sortes de mondes" », un article de Christine Marcandier à propos du Relais des Amis de Christine Montalbetti, à retrouver sur la page de Diacritik.


Agenda

Jeudi 21 novembre à 19h
Christine Montalbetti à la librairie Calligrammes (La Rochelle)

Librairie Calligrammes

24, rue Chaudrier

17000 La Rochelle

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Vendredi 29 novembre
Christine Montalbetti à la librairie À la ligne (Lorient)

Librairie À la ligne

11, rue Auguste Nayel

56100 Lorient

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Et aussi

Christine Montalbetti Prix Franz Hessel

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Christine Montalbetti Prix Henri Quéffelec Livre & Mer 2015

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Vidéolecture


Christine Montalbetti, Le Relais des Amis, Le Relais des amis Christine Montalbetti

Son

Christine Montalbetti, Le Relais des Amis , Christine Montalbetti avec Arnaud Laporte Affaires Culturelles 5 janvier 2023