Jugeant que le marché du polar en milieu urbain est saturé, Gérard Gabert, écrivain modeste, décide de se consacrer au polar rural. Accablé par le prix des loyers et de la vie à Paris, il décide d’aller s’installer dans le village de Chamoison en Haute-Loire. Il quitte la grande ville et ses habitudes de citadin pour faire l’apprentissage de la campagne et écrire sous la dictée du pays. Il n’a aucune peine à inventer les horreurs campagnardes qui nourrissent ses livres à couvertures bariolées, mais il est plus perplexe devant les réalités de la vie au village. Il est encombré de lui-même et doit se faire accepter, se faire une place sans jouer...
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Jugeant que le marché du polar en milieu urbain est saturé, Gérard Gabert, écrivain modeste, décide de se consacrer au polar rural. Accablé par le prix des loyers et de la vie à Paris, il décide d’aller s’installer dans le village de Chamoison en Haute-Loire. Il quitte la grande ville et ses habitudes de citadin pour faire l’apprentissage de la campagne et écrire sous la dictée du pays. Il n’a aucune peine à inventer les horreurs campagnardes qui nourrissent ses livres à couvertures bariolées, mais il est plus perplexe devant les réalités de la vie au village. Il est encombré de lui-même et doit se faire accepter, se faire une place sans jouer des épaules, tenter de comprendre pourquoi la jeune Lune recrute des cohortes d’hommes sur internet, pourquoi Marsou le Preste tire si bien à la pétanque, pourquoi Bandelmas fait hurler les moteurs de ses bolides sur les routes de montagne. La petite Magali, sa voisine lui donne quelques conseils et la terrible grosse Claudine lui assène quelques vérités villageoises. Il travaille. Cependant, loin de là dans la capitale, son amie de collège, celle qu’il a surnommée Jeune-Vieille et qui est devenue une romancière célèbre, pense à lui et en parle avec son éditeur Robert Dubois. Elle pense qu’un autre « livre de Gabert » se cache dans les forêts.
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Avez-vous lu Gabert ?
Je l’avoue : je n’ai jamais rien lu de Gérard Gabert. Ni « la Rage verte », ni « Les Doigts dans l’étau », ni « Atroce douceur », ni « Dépeçage rose ». Il est vrai que les Editions Sans Espoir, où Gabert publie sans illusion, ne font pas de services de presse et que les librairies mettent rarement ses romans en bonne place. Ce sont des polars ruraux, qui tirent vers le gore, l’horreur dans le pâturin, le massacre à la débroussailleuse. Des noirs au vert, présentés sous des couvertures criardes. Gabert les écrit comme on débite du petit bois. Pour se chauffer. Célibataire bedonnant, il loue une maisonnette à Chamoison, en Haute-Loire, située entre un éleveur de moutons et un céréalier-garagiste. Ancien Parisien, chassé de la capitale par le coût exorbitant de la vie et la modicité de ses droits d’auteur, il s’est installé à la campagne pour « écrire à pas cher », faire le plein de silence, peindre sur le motif et donner de l’air pur à son inspiration. Sa seule distraction est la fréquentation du bar PMU, où l’on boit, mange, et joue à la belote devant la télé allumée. Ses seuls compagnons de chevet sont Lao Tseu, Jacques Jouet et Maurice Pons. Ses seules visiteuses sont la petite Magali, neuf ans et demi, à laquelle il raconte des histoires horribles, et Adèle, alias Lune, la fille du boucher, qui tient les gens du pays pour de « doux dingues étriqués » et choisit ses amants sur les sites de rencontres. Parfois, Gabert quitte le village, où il fait aussi l’écrivain publie, pour se rendre en 2CV dans des Salons du livre et vendre ses polars comme des fromages bio. C’est ainsi que, à Moulins, il a croisé Geneviève Roy, ou plutôt Jeune-Vieille, avec laquelle il était au lycée. Les retrouvailles furent tendres, lascives et prometteuses. Jeune-Vieille organise en effet une rencontre entre Gabert et Robert Dubois, éditeur à l’ancienne bien connu de nos services, qui va le convaincre d’arrêter de fournir à un margoulin des polars à la chaîne pour donner enfin son grand livre. Il s’intitulerait « le Jour où on a changé le jour ». Gabert relèvera-t-il le défi ?
Après « la Liseuse » et « Jeune-Vieille », le pince-sans rire Paul Fournel spécialiste du Guignol lyonnais, titulaire de la chaire de vélocipédie au Collège de Pataphysique et ancien président de l’Oulipo, poursuit, dans les champs, sa chronique cocasse de l’édition (où il a longtemps travaillé), passée de l’artisanat à l’industrie, et son portrait de l’écrivain moderne, de plus en plus seul, de moins en moins désiré. Ce roman en abyme, dont le héros « demande à l’écriture de lui dire ce qu’il veut écrire », est drôle, touchant, désenchanté et surtout édifiant. À rebours de l’époque, Paul Fournel veut croire encore qu’éditer, c’est planter des arbres. La terre est meilleure et plus riche à la campagne que chez Bolloré.
Jérôme Garcin, L’OBS, avril 2023