— Paul Otchakovsky-Laurens

s&lfies

Anne Portugal

« Collection de poèmes de circonstance, sous forme de chromos fictifs, pensés comme des selfies. Dans leur cadre graphique les textes tremblés sur deux colonnes plus ou moins conjointes se veulent fidèles à l’émoi et à l’hésitation du preneur d’images, reproduisant sur la page l’effet du ‘Cheek to Cheek’, la complicité d’une union factice et fugitive, efficace dans l’à-propos. Quelque chose du rapprochement syntaxique aura eu lieu, quelque chose de l’alliance aura filtré, quelque chose de la rencontre sera restitué. Ou comment aller vers de la figuration tout en versifiant l’abstraction. »


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La presse


Prises de vues de Suzanne Doppelt et d’Anne Portugal


Se distinguer, rester proches


[...]Dans un cadre, deux colonnes de mots, l’une collée à droite, l’autre à gauche, comme si elles voulaient s’écarter, sans se séparer. Elles se touchent parfois. C’est ce qui arrive quand nous prenons un selfie avec quelqu’un d’autre. Se distinguer, rester proches, contenus dans cet espace limité. Anne Portugal nous offre dans son dernier ouvrage ces «selfies de texte», autoportraits solitaires ou de groupes. Poèmes « de circonstance », est-il précisé sur le site de son éditeur, comme les clichés que l’on fait sans y penser, et qui témoignent d’une rencontre, d’une présence, d’un plaisir de voir ou d’être là, ces textes rejouent sur le papier le car net de notes abandonné pour la collection d’images.


Préparation du selfie, circonstances, description de l’image ou motivation de la prise de vue : on pourrait s’attendre à ce que le texte encadré se lise comme ces commentaires qu’on fait en tournant les pages d’un album. C’est compter sans l’effet de condensation imposé par le dispositif, la brièveté des notations et la répartition entre la gauche et la droite des vers. La contrainte formelle est forte et conduit au bord du minimalisme, bien que la raréfaction ne soit pas le but recherché. On trouve pourtant des effets nés du jeu avec le cadre, comme ces débuts et fins de vers manquants, comme coupés par un cadrage trop serré, que l’on repère à des indices comme les parenthèses non refermées ou jamais ouvertes.


II y a du jeu, bien sûr, dans tout cela. Anne Portugal aime cet usage de la page où des régimes d’écriture se font face, comme dans Formule flirt. Ici, la symétrie dans le cadre se duplique en un texte en page opposée, d’une disposition plus « classique ». Faut-il voir là la raison de l’énigmatique « & » qui s’invite dans le titre, signe imprononçable du double ? Commentaire, méditation? Ces textes donnent au monde encadré une résonance qui fait de cet ensemble de selfies un univers qu’on ne se lasse pas d’imaginer.


Alain Nicolas, L’Humanité, juin 2023



Article À la frontière (17) paru dans Diacritik à retrouver en cliquant ici : Diacritik (article du 31 mai 2023).

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