Le 10 septembre 2001, pour ses trente ans de carrière, Michael Jackson chante The Way You Make Me Feel avec Britney Spears – émouvante de jeunesse dans sa petite robe verte, et perchée sur des talons vertigineux. Le lendemain, le monde aura d’autres chats à fouetter que la performance de Michael et Britney, et on peut y voir une forme d’ironie tragique. À moins que le tragique ne soit ailleurs – et qui sait si Michael n’a pas reconnu en Britney une autre enfant privée d’enfance et sacrifiée sur l’impitoyable autel du show-business ? Elle est en tout cas la seule artiste avec laquelle il fera un duo ce soir-là. Un duo où tout est faux, les postures viriles comme le sex-appeal...
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Le 10 septembre 2001, pour ses trente ans de carrière, Michael Jackson chante The Way You Make Me Feel avec Britney Spears – émouvante de jeunesse dans sa petite robe verte, et perchée sur des talons vertigineux. Le lendemain, le monde aura d’autres chats à fouetter que la performance de Michael et Britney, et on peut y voir une forme d’ironie tragique. À moins que le tragique ne soit ailleurs – et qui sait si Michael n’a pas reconnu en Britney une autre enfant privée d’enfance et sacrifiée sur l’impitoyable autel du show-business ? Elle est en tout cas la seule artiste avec laquelle il fera un duo ce soir-là. Un duo où tout est faux, les postures viriles comme le sex-appeal de la belle du Sud, comme si ces deux-là étaient voués à l’imitation, à l’artifice et à la contrefaçon d’eux-mêmes.
Quatorze ans après la mort de Michael, ils se retrouvent (dans les limbes ?) pour reprendre The Way You Make Me Feel, sans qu’on sache s’il s’agit vraiment d’eux ou de leurs avatars déglingués. Dans l’intervalle, le monde a changé. Dans sa furie vengeresse, Opinion Mondiale poursuit Michael pour pédo-criminalité, menace d’annuler ses chansons et de l’effacer des mémoires, en une sorte de damnatio memoriae contemporaine. Michael et Britney ont beau arguer de leur enfance dévastée et de leurs pères abusifs, Opinion Mondiale ne veut rien entendre. Un·e fan survient, pour s’opposer à cette sentence, et dire sa dévotion et ses extases. Annuler les chansons de Michael, c’est priver le fan de ce qui le tient en vie, c’est le vider de son sang. Ce fan se présente à nous avec humilité : il se veut le représentant des obscurs, des humiliés et des opprimés.
Dans Autopsie mondiale, il est question de désirs inadmissibles, de l’impossibilité d’être, quand tout conspire contre vous, y compris votre propre corps, et d’un début de millénaire vécu comme un déclin ou une déperdition. Michael est le prisme qui permet ici d’envisager ce déclin : du roi de la pop radieux des années 80, au spectre livide et décharné des années 2000. Il est traversé par tout ce qui agite notre époque : la question raciale, du genre, de la préférence sexuelle, la frénésie du divertissement, le réchauffement climatique, la cancel culture, la dépendance aux opioïdes… La crise d’angoisse est mondiale et la culpabilité est collective – comme le sera peut-être la punition, si ce n’est la damnation.
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