Métamorphiques est écrit journellement au cours d’une saison d’hiver. Le livre est d’abord composé de six fois neuf poèmes de même forme. On entrevoit quelques possibilités de deviner l’avenir par les moyens verbaux. Le désir de prédire, autant que le bon sens, étant sans doute les choses du monde les mieux partagées. Ici, les signes à déchiffrer sont recherchés dans un corps souffrant et rêvant ; des coïncidences sont reconnues dans la vie sociale afin de déterminer des décisions. L’exploration des signes est une véritable épreuve de lecture du poème. Et puis, le journal se rompt.
Deux séquences...
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Métamorphiques est écrit journellement au cours d’une saison d’hiver. Le livre est d’abord composé de six fois neuf poèmes de même forme. On entrevoit quelques possibilités de deviner l’avenir par les moyens verbaux. Le désir de prédire, autant que le bon sens, étant sans doute les choses du monde les mieux partagées. Ici, les signes à déchiffrer sont recherchés dans un corps souffrant et rêvant ; des coïncidences sont reconnues dans la vie sociale afin de déterminer des décisions. L’exploration des signes est une véritable épreuve de lecture du poème. Et puis, le journal se rompt.
Deux séquences font suite, formellement en ruine : les mots sont défaits, des sons foisonnent. Une sorte de discours se constitue, son objet est l’anéantissement de tous les enfermements. Dans une oeuvre radicale, qui recourt à la poésie sonore, Luc Bénazet cherche à saisir les paroles : matières composées de souffles et de lettres, dont la page et l’oralité sont les deux horizons sur lesquels elles apparaissent et se désagrègent.
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« Métamorphiques de Luc Bénazet », un article de Myriam Suchet, à retrouver sur la page de Sitaudis.
« Luc Bénazet : « Il faut bien se débrouiller des langages dont la poésie hérite » », un article d’Emmanuèle Jawad, à retrouver sur la page de Diacritik.
« Luc Bénazet : La défiguration des mots », un article de Emilien Chesnot, à retrouver sur la page de Diacritik.
« L’expérimentation discontinue », un article de Marius Loris, à retrouver sur la page de En attendant Nadeau.
Une langue à soi
Dixième livre de Luc Bénazet, Métamorphiques pourrait être le schème d’une démarche ouverte avec le nÉcrit (nous, 2009) puis Articuler (2015) ou Incidents (2019). Le « n » minuscule accolé à la majusculation du fait écrit appelle un effet de négation : désarticulation méthodique de la langue (comme injonction sociale et norme d’appartenance à une classe) et pugnacité par lesquelles l’auteur entend loger dans la matière langagière diverses formes d’accidents (suppression des espaces, lettres et syllabes accolées, agglutinement et tronçonnages divers) ? Ces deux leviers constituent la mire de sa visée poétique. Les six premières sections (d’assaut ?) de « Je parlafin », entre journal spéculatif et programme d’élucidation d’un à venir du sujet parlant, s’amorcent par la situation paradoxale d’un « Ni je m’éveille ni ne m’endors », indice autant beckettien que proche de l’incipit du Compact de Maurice Roche. Cette large partie du livre dévoile le principe d’agglutinement de la langue (« nedescendpas », « dansson », « jentre dansune », etc.), sans que l’on sache pourtant quelle procédure issue d’une contre-grammaire en décide. C’est peut-être davantage ici un marqueur d’oralisation et de prononciation rythmique de la phrase qui se dit, forçant le lecteur à ralentir ou accélérer les inflexions propres des paragraphes. Il n’en reste pas moins que le propos, grave, distancié, affirme puissamment la situation de sujets dont les devenirs, pour reprendre Deleuze, seraient moléculaires (sans modèle préexistant), et comme hors-la-loi. Les situations appelées pariant sur des gestes neufs et vifs, sans mémoire, aux « courtes habitudes » (Nietzsche), rejouant leurs faits avec rage.
La brève seconde partie, « Sympathie des semblables, 1&2 », s’apparente à une véritable volonté de détruire tout reste de sens, voire à celle d’aggraver toutes articulations imaginables jusqu’à en désécrire ou en écrire les formes les plus dégénératives. Façon anarchiste peut-être la plus proche des tentatives conduites dans Progénitures (Pierre Guyotat), mais ici, il s’agit encore autrement de « intérompznt à l’i ét/à l’inét/à l’intérieur d’elles - même : es lzq les proles/p. ae parolqes ».
E.L., Le Matricule des Anges, octobre 2024