— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Copropriétaires

Raphaël Majan

Les voisins, voici une engeance à laquelle nul n’échappe. Surtout pas le commissaire après une réunion de copropriétaires où personne n’est d’accord pour qu’il fasse la police. Il trouve plus efficace que des mots pour dire au syndic ce qu’il pense de lui mais il serait légitime que le monsieur du sixième, le couple du rez-de-chaussée et la dame du premier paient aussi les pots cassés. L’ascenseur marche mal (pas tant que ça, en fait), des dégoûtants utilisent des paillassons à mauvais escient et la concierge n’est légère que côté morale : jusqu’en prison ou au cimetière, ça va...

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La presse

L’assassin a des principes


Le retour du commissaire qui enquête sur ses propres crimes.


Si on a l’esprit un peu mal pensant et du goût pour l’absurde, il faut lire Raphaël Majan, auteur chez P.O.L de romans policiers dont le héros, le commissaire Liberty, est un justicier atypique qui enquête sur des meurtres qu’il commet lui-même.


Les Copropriétaires, quatorzième volume de la série, s’ouvrent par l’assemblée générale de l’immeuble parisien où demeure l’officier de police. Tout ce qu’on pense tout bas de ses voisins et de son escroc de syndic dans des circonstances similaires, l’auteur le dit tout haut à ses personnages. Le commissaire, lui, est plutôt placide et courtois ; mais il est également sanguin ; et, comme il assume ce qu’il pense, contrairement au commun des mortels, il va au bout de ses envies de meurtre… Attention, Raphaël Majan (pseudonyme d’un homme de 44 ans dont l’éditeur précise seulement qu’il a travaillé au ministère de l’Intérieur) n’a pas créé un quelconque personnage de cynique. Le commissaire est un tueur qui a des principes. Dans ses carnets intimes, il théorise ce qu’on pourrait appeler « un assassinat dans les règles », regrettant que les romans policiers classiques « ne daignent pas s’intéresser aux meurtriers sans a priori moraux. » Il explique pourquoi le choix de la victime ne doit pas obéir à des motivations affectives : rien de plus dangereux que « d’avoir des mauvais rapports avec les gens qu’on assassine. » Alors, pourquoi étrangler un tel et pas un autre ? Le commissaire est catégorique : « C’est comme l’amour, imprévisible et ça ne se discute pas. »


Notre homme n’est pas dénué de scrupules. Il ne faut pas qu’un meurtre tourne au sordide. Il s’interdit de tuer des enfants (même si une fois ou deux, ça l’a démangé). Refuse de voler. Répugne au viol : « Ce n’est pas parce qu’on tue des gens qu’on n’est pas puritain », note-t-il. Sans ironie, il estime qu’il rend service à la société en assassinant des emmerdeurs. En plus, il prend la peine de trouver un coupable et de le faire coffrer afin que ne se développe pas un sentiment d’impunité. Or, ce n’est pas la partie la plus facile de l’affaire : trouver quelqu’un qui n’a pas d’alibi, lui fourrer l’arme du crime dans la poche ou l’amener discrètement à poser ses empreintes sur le cadavre demande beaucoup de doigté et d’audace. L’auteur a quelques formules savoureuses, par exemple pour expliquer le goût de son héros pour les revolvers : « Il a le sentiment de mieux s’exprimer une arme à la main. » Certaines scènes sont hilarantes. Mais il vaut mieux s’abstenir de rire devant le commissaire. Il déteste qu’on le prenne pour un Marx Brothers. Il ne tue pas pour rigoler… Un roman cathartique.


Astrid de Larminat, Le Figaro, jeudi 16 août 2007.