— Paul Otchakovsky-Laurens

Une Mauvaise maire

Jacques Jouet

La vie quotidienne dans une mairie de gauche et de banlieue au temps de Chirac est un mélange d’affaires courantes et de situations cocasses.
Marie Basmati, qui n’est pas indienne, est madame la maire. C’est une femme adorable, amoureuse, citoyenne, honnête, pleine de générosité et d’initiative, totalement dévouée au bien public. Dans « sa » ville et dans son bureau, elle vit pleinement ses convictions et ses amours.
Nous la suivons pendant quelques jours, jusqu’à l’éclatement d’un scandale au centre duquel elle va bien malgré elle se retrouver.
On peut dire de ce roman qu’il est actuel, inscrit dans une réalité sociale que...

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La presse

Marie Basmati, maire et mère



Elle s’appelle Marie Basmati mais n’est pas Indienne – notez le calembour. Mange-t-elle du riz, Marie ? Épouse d’un petit-fils de maçon des Abruzzes, Marie Basmati est maire – notez l’anagramme. Elle est aussi mère – notez l’homonymie –, de deux enfants majeurs. A se fier au titre du roman de Jacques Jouet, elle serait Une mauvaise mère! Ce n’est pas l’auteur qui le dit, mais un boucher, M. Somport – autre patronyme de rêve. Âgée de 48 ans, Marie Basmati exerce depuis 2001 sa « fonction de proximité » à La Chapelle, près de Paris. Localité sans chapelle mais avec église et mosquée. Amusant pour une élue qui a le cœur à gauche et « est cartée au Parti communiste français. Une femme consciente d’avoir de belles jambes et désireuse d’en jouir : pantalon un jour sur deux au maximum, « talons hauts un jour sur quatre ».


Une mauvaise maire, Marie Basmati ? Tout au long de pages légères où les mots pétillent comme des bulles de champagne, l’auteur va s’amuser à nous prouver le contraire. Membre depuis 1983 de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle fondé par François Le Lionnais et Raymond Queneau), Jouet mène le jeu.

Le lecteur suit son tempo et passe d’agréables journées en compagnie de la maire. Lever matinal, jogging, arrivée au bureau, café, croissants parfois. Réunions au fil de la journée, rendez-vous, déjeuners, banquets le soir. L’équilibre à trouver avec les adjoints, des hommes, qui savent, qui en veulent, qui supportent finalement mal cette femme qui jongle avec son temps et sa vie. La paix à retrouver après avoir vu un jeune beur, Masmaïl, attaché à un arbre et terrifié. Une bande ? « Chaque jour, Marie est provoquée par des phénomènes trop humains qui heurtent ses convictions », note l’auteur. Alors elle relativise, sans s’empêcher de vivre. Mais elle va de l’avant.

La plus belle qualité de ce roman est qu’il dit tout, sans lourdeur, sans même parfois avoir l’air d’y toucher. Le quotidien d’une ville de province, entre problèmes de trottoir, commerçants grincheux, cité des Garnerets, « dite des Garnements », trafics et drames. Les élans du cœur de Marie, si humaine en tout, empathique avec ses administrés, amoureuse de Masmaïl, « au si beau sourire », dont elle fait son amant, malgré les questions qu’elle se pose à son sujet et qui ne se résoudront qu’en finale.

Jacques Jouet nous offre, sans rien imposer, le très fin portrait d’une femme dont la fonction pèse parfois lourd sur la vie. Plaisant à lire de bout en bout, même si tout n’est pas drôle à la mairie, tant Marie Basmati brille de l’intérieur.


Lucie Cauwe, Le Soir, 26 octobre 2007




Sainte Marie la bonne maire



L’oulipien Jacques Jouet a réussi une parabole politico-sociale pleine d’humour, de tendresse et de fraternité.



Éclectique et prolifique, le talentueux Jacques Jouet, par ailleurs membre distingué de l’Oulipo, a réussi un des romans les plus attachants de cette rentrée, politique sans slogans ni mots d’ordre, drôle et tendre à la fois.


Une mauvaise maire (c’est ainsi qu’un boucher opportuniste la remercie de ses services après que le scandale a éclaté et que Marie a décidé de prendre du recul pour savoir ce qu’elle doit faire), à la fois parabole politique sur notre système comme il ne va pas, et appel à la fraternité, à la tolérance, est un livre nécessaire, tonique. Du grand art, tout en finesse. Et les bons sentiments, une fois n’est pas coutume, font la bonne, l’excellente littérature.


Jean-Claude Perrier, Livres-Hebdo, 24 août 2007




Prête-moi ton jouet !



Comme on s’amuse à lire le roman de Jacques Jouet ! Normal pour un membre de l’Oulipo, ce groupe d’hurluberlus mené autrefois par Georges Perec. Une mauvaise maire raconte les tribulations d’une maire d’une commune de banlieue, La Chapelle, élue communiste qui doit lutter contre les mille et uns tracas du quotidien tout en gardant une certaine foi dans ses idées. Les choses se compliquent quand elle prend pour amant un jeune Beur…Ne cherchez pas dans ce roman du tragique, du psychologique, de l’étude sociale. Jacques Jouet ne fais pas partie des tireurs de sonnettes d’alarmes professionnels. Ses phrases sont courtes, rebondissent drôlement entre elles, comme des billes de couleur et, on doit l’avouer, cette façon de jongler légèrement avec le « problèmes des banlieues » nous fait un bien fou.


Pour autant, Jacques Jouet n’est pas un cynique. On sent qu’il éprouve de l’empathie pour son héroïne, mais il a l’élégance de n’en rien dire et de nous laisser seulement l’éprouver. À la lutte des classes, il a substitué la lutte de classe. Gagné.



P.W, Elle, 3 septembre 2007



Marie Basmati. Drôle de nom et de jeu de mots pour celle qui dirige, depuis 2001, le conseil municipal d’une commune de la grande banlieue parisienne, qui lutte pour ne pas être qu’une cité-dortoir. Femme de gauche dans l’âme, proche du PC, madame le maire tente pourtant de gouverner loin des idéologies et des dogmatismes, ce qui ne va pas sans lui poser quelques problèmes. Sa vie est celle des inaugurations de crèches, des repas associatifs, des rencontres musclées avec le préfet, des petits et grands drames qu’il faut gérer au quotidien.


Mais madame le maire est aussi une femme, qui ne veut pas résister au charme d’un jeune beur mystérieux. Elle ne le sait pas quand l’idylle se noue, mais cette liaison interdite lui coûtera cher. Une mauvaise maire est avant tout le portrait d’une femme attachante, qui veut tout concilier, considérant le monde avec un humanisme réconfortant. Pas certain que Marie Basmati soit faite pour le pouvoir et ses petits arrangements, qu’elle préfère finalement laisser aux hommes, sans doute moins regardants d’eux-mêmes, le matin dans leur miroir. Pas si mauvaise que ça, au fond, simplement humaine.



Journal du Médoc, 7 sept 2007



Jacques Jouet épingle avec légèreté les petites bassesses ordinaires à travers les difficultés d’une femme devenue maire.


Il faut être un oulipien culotté pour appeler son héroïne « Marie Basmati ». Jacques Jouet n’a peur de rien, et s’il se permet un aussi calamiteux calembour, ce n’est pas pour s’attirer la faveur souriante d’un trop bon lecteur. Non. Si Marie s’appelle Basmati, c’est le signe qu’elle doit aller contre le destin de son nom facétieux – comme de son sexe supposé faible – pour faire admettre ses qualités. Car Marie est maire (ainsi que mère, d’ailleurs, mais l’anagramme marche moins bien) élue – de gauche – d’une commune moyenne de l’Essonne, où elle essaie de résoudre au mieux les problèmes de ses administrés. Ce qui ne va pas de soi : chômage, frictions de quartiers, rivalités des adjoints, petit trafic de drogue et peut-être bientôt de viande…


Marie est volontaire, rigoureuse, plutôt belle mais pas invulnérable : elle va se laisser piéger par ses sentiments et vivre l’enfer, relatif, d’une sorte de polar municipal. Difficile d’en dire plus pour ne pas éventer le suspens émouvant et farceur de cette fable qui croque avec une justesse un peu cruelle les travers, humains et politiques, de la société contemporaine.


Le charme du roman tient à la légèreté de sa charge, qui vise les bassesses ordinaires, les éternels préjugés de race (ou de classe) et les tics dans l’air du temps, tout en livrant une assez réjouissante galerie de portraits. Loin des effets de plume tapageurs de la chronique sociale telle qu’elle s’écrit souvent dans les pages des quotidiens, Jacques Jouet réussit ainsi à faire vivre une famille française d’aujourd’hui : le père jeune retraité impliqué dans le milieu associatif, les enfants étudiants un peu mous, et cette mère pas si mauvaise, au fond, même si elle s’égare dans de drôles d’aventures…


L’ensemble du tableau finit du reste par excéder le cadre de la simple chronique, pour ressembler à un apologue qu’on imaginerai assez volontiers signé par un Marcel Aimé du XXIe siècle, moins noir, moins anar, mais pareillement perspicace dans son étude de l’âme humaine. Une sorte de moraliste sans lourdeur, qui sait aussi voir le monde comme un jeu (de mots).



Fabrice Gabriel,Les Inrockuptibles, 18 septembre 2007