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Les romans de Nicolas Fargues se suivent mais ne se ressemblent pas. […]
Elle, janvier 2008
Plus qu’un roman, Beau rôle est tout en délicatesse une réflexion acérée sur l’air du temps, le métissage, la célébrité. […]
Le Magazine des livres, avril 2008
Nicolas Fargues manie l’autodérision, la lucidité et l’espérance avec une grande justesse. […]
Muze, février 2008
Sixième roman de Nicolas Fargues, Beau rôle est probablement l’une des meilleures chroniques sociales des derniers mois. […]
Lire, février 2008
Son nouveau livre est sans conteste le roman français de la rentrée […] Beau rôle [est] un roman acide autour de la mixité raciale et de notre époque rompue à la pipolisation.
Les Inrockuptibles, janvier 2008
Nicolas Fargues […] suit les tribulations d’un acteur bas de gamme dans Beau rôle, une satire de la célébrité, épingle toutes les vanités de ses contemporains.
Vogue, décembre 2008
D’une langue vive, directe et mordante, Nicolas Fargues épingle à la fois l’homme qui se cherche et le petit milieu du cinéma.[…]
Ouest France, janvier 2008
Beau rôle s’impose comme un grand roman en trompe l’œil, intelligent et lucide. […]
Luxemburger Wort, janvier 2008
Bon sujet, belle prose, narration parfaite, Beau rôle a tout pour plaire. […]
Le Journal du centre, janvier 2008
L’auteur de One Man show et de J’étais derrière toi poursuit son œuvre, exemplaire. Aussi cruel que Dostoievski, donc, mais moins cynique que Beigbeder, moins sordide que Houelebecq, plus courageux que Modiano, il peint le monde contemporain avec la distance exacte : ni trop près ni trop loin. Sur la racisme et l’antiracisme, il fait dire à ses personnages des vérités admirables. Sur notre rapport au cinéma, au sexe, à la célébrité, il a tout compris et le restitue, d’une manière faussement fictionnelle, dans sa parfaite vérité. Sur l’art contemporain de la manipulation, sur l’aptitude au malheur de chacun d’entre nous, sur l’influence de la France et du français dans le monde, tout est brillamment dit et écrit. Fargues nous tend le miroir de nos médiocrités. Cela ne se refuse pas.
Jean Christophe Buisson, Le Figaro Magazine, 5 janvier 2008
Fargues n’est pas blanc-blanc
Difficile de croire que Nicolas Fargues, 35 ans, est un ancien timide. « Très timide. Avec les filles, c’était catastrophique », insiste ce beau brin de brun. Tellement beau que Chanel l’a choisi pour la campagne de l’eau de toilette Allure. C’était en 2002, juste après la sortie de One Man Show, son troisième roman, mais le premier à lui valoir le tapis rouge médiatique, de Paris Match au plateau de Laurent Ruquier. Dans cette fiction caustique sur le monde des lettres et de la télé, le personnage principal, un jeune romancier, déjà père de famille, lui ressemblait singulièrement. On n’avait pas de mal non plus à le reconnaître sous les traits du mari brimé et fugueur de J’étais derrière toi (2006), autofiction qui a tourné au best-seller. Tout comme lui ressemble aujourd’hui Antoine Mac Pola, le héros de Beau Rôle, son sixième livre, même s’il est cette fois un acteur de cinéma, séducteur assez imbu de lui-même, mais soucieux de n’en rien laisser paraître. Au début du roman, Antoine accepte l’invitation d’un ancien camarade de lycée, devenu prof, à répondre aux questions de ses élèves, occasion pour Fargues de brosser un portrait savoureux de la génération Star Ac’. Très conscient de sa supériorité, l’apprentie star joue à la gentille vedette – et s’admire d’autant plus de sa formidable simplicité. A l’image d’une époque où chacun cherche à être un « people » tout en jouant l’égalitarisme cool. « La bonne conscience ne m’intéresse pas » Ah ! oui, on oubliait : Antoine est un métis, et c’est justement ce qui fait le sel de Beau Rôle. On ne l’apprend d’ailleurs qu’à la page 83, comme si sa petite notoriété acquise après une prestation dans un film à succès, applaudie par Les Inrocks, suffisait à le définir, à l’épanouir. Sauf qu’Antoine n’est pas blanc-blanc, au propre comme au figuré : non seulement parce que sa lucidité le dispute à une évidente fatuité, mais aussi parce qu’il se sent toujours écartelé entre ses racines blanches (sa mère) et noires (son père), entre le deuxième mari de sa mère (médecin) et ses fiers demi-frères (créoles). « Moi aussi je me pose des questions comme si j’étais métis », reconnaît Nicolas Fargues, marqué par son enfance au Cameroun, et ses quatre ans passés à Madagascar, en tant que responsable de l’Alliance française de Diégo-Suarez, expérience au cœur de son roman Rade Terminus (2004). Le métissage, il connaît surtout pour avoir eu deux enfants, de 10 et 6 ans, avec une Zaïroise. Pas de quoi le rendre plus politiquement correct pour autant, au contraire. Le romancier prête à Antoine des propos sur l’immigration qui feront bondir plus d’un bien-pensant. Il décrit aussi, dans la deuxième partie du roman, avec une réjouissante crudité, le foutoir très hiérarchisé des Concordines, îles imaginaires des Caraïbes, à mille lieues de l’hypocrisie du monde blanc, que l’on envie pourtant, secrètement. « Ce n’est pas la bonne conscience qui m’intéresse, mais l’altérité, les confrontations sociales et culturelles », insiste le romancier. Avec cette nouvelle chronique de nos confusions mentales, de l’obsession identitaire vue par le prisme d’un demi-Black et demi-célébrité, naviguant entre complexes de supériorité et d’infériorité, Nicolas Fargues prend place parmi les plus fins observateurs du malaise contemporain. Moins visionnaire et moins fou que Houellebecq, moins fabriqué et moins fils de pub que Beigbeder. À l’image de son héros, l’auteur de Beau Rôle n’a pas son pareil pour jouer sur tous les tableaux : se payer la tête de l’époque, sur un mode plutôt mineur, branché, mais sous la jaquette janséniste des éditions P.O.L.
Delphine Peras, L’Express, 3 janvier 2008
Le Bûcher des vanités
De Nicolas Fargues, on connaît depuis Le Tour du propriétaire, publié en 2000, l’art de brosser des études de mœurs acérées et jubilatoires qui en font l’un des observateurs les plus fins des comportements contemporains. Privilégiant introspection et observation, son écriture épouse un ton faussement relâché touchant chose rare au naturel. L’écrivain, né en 1972, semble, comme beaucoup de son époque, s’être autant nourri de la musique et du cinéma que de la littérature. Il en découle dans ses romans un sens du rythme, des dialogues et de la construction qui en font des objets souvent hypnotiques, des livres que l’on ne lâche pas, distillant longtemps après leur lecture des sons et des images.
Le cinéma, justement, constitue l’arrière-plan de son sixième titre, Beau Rôle, où l’on suit les pérégrinations sentimentales et familiales d’Antoine Mac Pola qui, à trente-cinq ans, a enfin décroché un début de notoriété avec un premier rôle. Antoine jouit de son nouveau statut tout en cultivant un chagrin d’amour mal cicatrisé, mais le malaise cardiaque de son père, à Richeterre aux Concordines, va amener l’acteur loin de Paris pour un retour à ses racines…
Le cinéma, bûcher des vanités et machine à créer des chefs-d’œuvre, permet à l’écrivain de manier les paradoxes qu’il aime tant révéler ou de glisser de brillantes digressions, comme ce développement sur les films de Steven Soderbergh. On savoure aussi une charge contre le cinéma français, charge étendue plus loin aux néobourgeois hexagonaux « si certains de leur intelligence et de leur insurpassable raffinement, avec leur énième second degré, leur esthétisme décalé, leur mauvais goût volontaire, leur hype rétro et leur ironie de rigueur », créatures pathétiques incapables de vivre « sans ADSL ni boutique de fringues vintage à proximité ».
À travers ses décors de cinéma, Beau Rôle dessine un personnage déchiré entre son narcissisme et ses origines, son goût pour la consommation et la conscience de son obsolescence programmée, son romantisme et son cynisme. S’ébrouant dans la modernité et cependant mélancolique à l’idée du peu d’avenir que portent les temps où nous sommes, Antoine sent que le temps de « la vieille culture et du langage » a cédé la place à une époque matérialiste et virtuelle. Paraître, consommer, être célèbre : les rivalités mimétiques façonnent les individus et Fargues élargit son propos aux préjugés raciaux et ethniques pour aborder « les variations de comportement d’une culture à l’autre, d’une race à l’autre ».
Les tartufes sont bousculés
En suggérant que les bons sentiments, l’apologie quasi unanime et antiraciste des différences ne sont parfois que le paravent à un refus de la différence, que le « tous pareils » et le « united colors » des bien-pensants et des publicitaires ne sont souvent qu’une négation de l’autre, Beau Rôle bouscule les tartufes. Habilement, Nicolas Fargues évite les pièges du roman à thèse ainsi que ceux de la pochade branchée plus ou moins autobiographique. Chez lui, les idées circulent sur le ton et la forme de la conversation ou du monologue, mais il est aussi un écrivain du regard.
Nulle surprise alors que cette comédie acide s’achève sur un ultime retournement de perspective autour d’une relation amoureuse qui n’était que l’un des commerces que la quête de célébrité entretient avec la société du spectacle. À l’instar de One Man Show ou J’étais derrière toi, Beau Rôle est une mécanique parfaite dans laquelle souffle néanmoins l’allégresse comique et féroce de la liberté romanesque. Beau roman.
Christian Autier, Le Figaro, 3 janvier 2008
Un beau rôle très inconfortable
Il y a des moments où repêcher, presque par hasard, un bon livre qu’on a failli manquer tempère la déception, et parfois la colère, d’avoir à en lire de mauvais. Le dernier roman de Nicolas Fargues, Beau Rôle, a bien failli passer à la trappe parce qu’il s’était égaré dans une pile de textes superficiels et branchés, au ton désinvolte, à la dérision sans conséquences, au langage cru, à la couleur froide et contrastée des productions télévisées standards. Il leur ressemblait d’ailleurs. Et il a fallu y revenir plusieurs fois, même passer le premier tiers, avant de découvrir qu’il ne s’agissait pas d’une énième balade désenchantée, alternant les remarques pseudo-futées et les audaces sexuelles, dans l’upper-middle-class parisienne.
Antoine Mac Pola est un jeune acteur qui monte. Il reçoit un mail de Bernard Mélikian, un copain qu’il a connu au collège, bon élève, garçon timide et gauche, plutôt lourdaud, faible à la gymnastique et souffre-douleur du trio des meneurs de la classe. Antoine, ami du trio, le gratifiait parfois d’un bonjour. Bernard s’en souvient avec émotion. Il est maintenant professeur dans un collège de la banlieue parisienne. Il organise un samedi par mois une projection suivie d’un débat avec ses élèves. Il demande à Antoine s’il serait d’accord d’y participer. Antoine se dit qu’il va accepter.
Le récit est rapide, avec une couleur nostalgie, télé-cinéma-chanson d’époque, et sauts d’un sujet à l’autre. Antoine reçoit un coup de téléphone des Concordines, une île qui ressemble à la Martinique ou à la Guadeloupe; son père vient d’avoir une syncope et il est hospitalisé. Il est ensuite sur le chemin de l’appartement de Bernard Mélikian qui l’a invité à dîner. Il se prépare à l’ennui des soirées où l’on n’a rien à se dire mais où l’on parle avec excès. Il est occupé par un léger sentiment de supériorité dont il mesure la bêtise mais qu’il affiche avec constance de l’apéritif au dessert. Mélikian et les amis qu’il a conviés pour rencontrer l’acteur sont du genre ciné-club, phobie de l’argent, refus des mégaproductions et de la culture populaire qu’ils jugent populiste et sans qualité. Antoine défend le cinéma hollywoodien et les auteurs qui savent se tirer des griffes de l’hydre médiatique grâce à leur talent. Bref, banalités. On s’ennuie autant qu’Antoine, qui lève une jeune femme invitée en lui proposant de partager son taxi au moment de s’en aller.
Jusque-là, c’est le ton à la coule qui fait des ravages sur Canal+, entre les mondanités acides des talk-shows et la dérision des Guignols. Antoine est hâbleur, mais mal dans sa peau. Il est de surcroît amoureux d’une dénommée Elvira à laquelle il pense beaucoup pendant qu’il est avec d’autres femmes. Nicolas Fargues joue sur le sentiment du décalage. Rien ne s’ajuste, ni les idées, ni les personnes. Un procédé narratif qui fait fureur ces temps-ci. Sauf que, dans le cas d’Antoine, le décalage est réel, visible pour les personnages du récit mais habilement dissimulé au lecteur jusqu’à la page 83. On le comprend au détour d’une phrase que prononce l’invitée levée chez Bernard Mélikian, dans les draps encore froissés par ses ébats avec Antoine : « N’y vois rien de personnel, comme tu dis si bien, je ne suis pas raciste, loin de là. Mais j’ai déjà eu des copains black, ou métis comme toi. Et, à chaque fois, je ne sais pas pourquoi, mais vous n’y mettez pas les formes. C’est culturel ou quoi ? »
Culturel, et même un peu plus. En fait de beau rôle, et du rôle qu’il convoite de jouer auprès de la célèbre Aliénor Champlain avec laquelle il passe une audition et un moment au lit qui tourne à la panne et à l’humiliation, Antoine ne sait pas où se mettre et quelle est exactement sa place. Est-il Français, élevé au grain et aux préjugés nationaux ? Doit-il encore rêver à Elvira, au grand amour ? Ne songer qu’à la baise facile, à sa carrière et à son entrée parmi les clients VIP des clubs de luxe ? Est-il d’ici ou d’ailleurs ? Des Concordines, par exemple. Où il se rend pour revoir son père, découvre le mauvais goût, les appétits ostentatoires et le désordre qui règnent dans la cour de la maison familiale, et ne pense qu’à repartir pour rejoindre Aliénor Champlain à Saint-Pétersbourg. Antoine est élégant, séduisant, mais flou, indécis, sans position fixe, ou plutôt embarrassé par les multiples positions qu’il occupe à la fois et par les multiples regards sur le monde qui en découlent. Il souffre d’être confronté à des gens, hommes ou femmes, qui sont unidimensionnels (pour reprendre un qualificatif qui eut son heure de gloire il y a presque un demi-siècle). Sous le vernis de la facilité et du langage direct, il hésite, il rumine. Demi-Français, demi-Noir, pas tout à fait vedette de cinéma, content d’être reconnu dans la rue, sensible au ridicule de sa vanité.
Nicolas Fargues, 35 ans, Français de souche, a grandi un peu partout, du Cameroun à la Corse. Il a dirigé l’Alliance française de Madagascar. Il se glisse avec brio dans la peau d’Antoine Mac Pola, science du jeu de rôle peut-être et de l’insouciance feinte; mais on sent qu’il ne joue pas même si son livre est encombré par les tics d’écriture que l’on rencontre à la pelle dans les parutions récentes. Nicolas Fargues est moins frivole que son style. Car la contradiction est partout et la légèreté, qu’il pratique avec une plume encore trop zélée, n’en viendra pas à bout.
Le Temps ,19 janvier 2008
Humour, justesse d’observation,Beau Rôle est une savoureuse critique sociale
Nicolas Fargues, un regard puissant et féroce
Français de souche mais ayant grandi un peu partout, du Cameroun à la Corse avec une halte de quatre ans à Madagascar, Nicolas Fargue, 35 ans, prend place parmi les écrivains français les plus doués et les analystes les plus cruels des mœurs d’aujourd’hui. Voilà que paraît Beau Rôle, un roman qui privilégie à la fois l’humour, dérision, justesse d’observation, critique des milieux du cinéma et de la télé, charge contre les « people » et contre les milieux branchés, lieux de rencontres entre VIP, narcissiques, toujours en quête de célébrité.
Le narrateur est Antoine Mac Pola, un jeune acteur métis qui, la quarantaine approchant et après des années et des années de galère – gardien de nuit à Carrefour pendant quatre ans, médaille d’argent aux championnats de « boxe thaï » de l’Essonne, serveur à l’hôtel Costes, top model dans un spot de pub pour Agnès B. – il décroche enfin in petit rôle dans un film à succès. On le reconnaît dans la rue. Des inconnus le félicitent. Toutes ces choses qui lui redonnent courage et le laissent espérer que sa carrière allait démarrer. Il le croira jusqu’à l’heure de lucidité finale vécue à Saint-Pétersbourg où désenchanté il réalise que son premier et unique film n’aura pas de suite et que sa carrière est un échec. « Je pensais queWhite Stuff allait m’ouvrir la voie… comme je l’avais cru et comme on l’avait écrit dans la presse. »
Un roman en trois parties correspondant à trois expéditions proches ou lointaines. La première entraîne le narrateur auréolé par son succès médiatique et cinématographique, en grande banlieue où un condisciple de l’époque du lycée lui demande d’animer une séance de ciné-club dans le lycée où il enseigne. Antoine est conscient d’être « une imposture bien d’époque ».
Le récit de sa rencontre avec les profs et les élèves, « les sans style, les rappeurs à capuche et à survêt, les filles, les minets avec leurs jeans délavés par des zébrures » sont une scène vue par un écrivain au regard puissant et parfois féroce. On n’oubliera pas ce portrait.
La deuxième expédition amène Antoine aux Concordines, un archipel imaginaire des Caraïbes où vit sa famille. Antoine a eu la révélation de son métissage. Il est né d’une aventure entre un père Antillais et une mère Niçoise qui a été Miss French Riviera 1967. Ce métissage permet au narrateur d’exploiter avec infiniment de délicatesse le thème du continuel « entre-deux » – enter deux couleurs – et cette manière qu’ont les métis de considérer en terme de Noirs et Blancs.
La troisième expédition conduit Antoine en Russie où se termine ce roman et ses pérégrinations amoureuses. Dans la neige et dans la froideur des nuits russes, ses dernières illusions s’envolent. C’est un roman en prise directe avec notre époque.
De ces livres qu’on ne lâche pas.
Edmonde Charles-Roux de l’Académie Goncourt, La Provence, 23 février 2008