Je travaille avec Bernard Noël depuis 1972, alors que je dirigeais la collection « Textes », chez Flammarion. Je pourrais dire qu’il m’a appris à lire, qu’il m’a appris à éditer. Aussi, après qu’il m’ait confié pour P.O.L dix-neuf autres de ses livres dont certains ont été repris de nos aventures passées, la parution ici du premier tome de ses œuvres, revêt-elle à mes yeux une importance toute particulière. Comme si quelque chose s’affirmait encore plus et se fixait d’un travail et d’une amitié qui ont traversé les années.
Ceci est donc le premier tome d’une série dont le but est de...
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Je travaille avec Bernard Noël depuis 1972, alors que je dirigeais la collection « Textes », chez Flammarion. Je pourrais dire qu’il m’a appris à lire, qu’il m’a appris à éditer. Aussi, après qu’il m’ait confié pour P.O.L dix-neuf autres de ses livres dont certains ont été repris de nos aventures passées, la parution ici du premier tome de ses œuvres, revêt-elle à mes yeux une importance toute particulière. Comme si quelque chose s’affirmait encore plus et se fixait d’un travail et d’une amitié qui ont traversé les années.
Ceci est donc le premier tome d’une série dont le but est de rendre compte de la diversité et de la richesse de l’œuvre de l’un des écrivains les plus importants de notre temps. Bernard Noël est en effet un poète, mais aussi un romancier, un reporter, un polémiste, un sociologue, un historien, un critique d’art. Chaque volume, centré sur une des thématiques de l’œuvre rendra aussi compte de cette grande diversité d’approche et de la non moins grande variété formelle des modes.
On l’aura compris, Les Plumes d’Éros reprend les écrits érotiques de Bernard Noël, part importante, voire déterminante de son travail puisqu’elle lui a permis – les textes réunis ici s’étalent sur cinquante ans – d’expérimenter très tôt les rapports qu’entretient le corps avec la langue, avec les mots, et à quel point la phrase, la pensée, les sens forment ensemble une réalité qui dépasse chacun des éléments qui la constituent.
Il y a dans ce volume des récits, des disputes et discussions, des poèmes, des essais, des textes aussi qui mélangent les genres et les subliment. Il y a, évidente et troublante, une écriture dont la sensualité donne à la pensée qui l’anime une présence et une épaisseur bouleversante alors même que l’humour comme la plus grande profondeur n’en sont jamais exclus.
Paul Otchakovsky-Laurens
Sommaire
Un jour de grâce (introduction)
L’amour blanc
Le cri et la figure
L’oiseau de craie
Une messe blanche
L’été langue morte
L’enfer, dit-on
La moitié du geste
Les choses faites
L’espace du désir
Des formes d’elle
Les plumes d’Éros
Le nu
Poèmes pour en bas
Le mal de l’espèce
Histoire de Frêle
Histoire d’un ange
La Petite Âme
Le tu et le silence
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Quarante-cinq ans de mots extraits du corps
C’est un premier volume indispensable pour entrer dans l’oeuvre. Un recueil dont le thème était " une évidence ", pour son auteur, comme pour son éditeur. Dix-neuf textes qui ont en commun leur densité, leur brièveté mais dont la juxtaposition révèle aussi la remarquable diversité formelle. Le plus ancien, Une messe blanche, date de 1965. une bibliographie détaille les pérégrinations éditoriales de ces écrits dont certains (La petite âme, Histoire d’un ange, Histoire de frêle ou Poèmes pour en bas) n’avaient fait l’objet que de tirages limités et confidentiels. Les choses faites, resté en suspens pendant trente ans, et Des formes d’Elle sont inédits, de même que Le mal de l’espèce mise en ligne par le site Remue.net tandis que Les plumes d’Éros a été initialement publié dans une version différente et plus courte à la suite de L’Enfer, dit-on. C’est peut-être dans ces deux textes, inclassables et puissants, que s’affirment avec le plus d’envergure théorique sa conception de l’érotisme et son rapport direct à l’art comme à la politique. On trouvera donc dans ce recueil le poète (tant pis pour le ghetto) mais aussi l’essayiste, l’auteur de récits… toutes les plumes de Bernard Noël. Et si les textes les plus violents ne figurent pas dans la sélection, l’énergie " excessive ", la sensualité véhémente et radicale sont bien là. Mais l’enfer de Bernard Noël est surtout lumineux. Jusqu’à la blancheur. Lumineux comme la grâce. Un jour de grâce, récit d’ouverture, livre une clé de lecture, en liant l’érotisme à une expérience mystique originelle, à ce jour d’adolescence où " libéré de la foi par l’excès ", le futur écrivain a dû " changer de posture pour extraire de [son] corps la seule transcendance véritable : celle que développe la langue ". Et a eu la révélation de cette certitude : " Le sacré ne descend pas, il monte. "
Matérialité sensible du spirituel, caresse sur " la peau des yeux ", " toucher du regard ", recherche de l’unité du coeur et du sexe…, ce premier volume pose toutes les bases d’une quête vitale et littéraire naturelle, puisque Bernard Noël l’affirme : " Eros n’est pas le dieu qu’on croit/Eros est le dieu de la fiction. "
Véronique Rossignol, Livres Hebdo, 8 janvier 2010