— Paul Otchakovsky-Laurens

Thriller

Iegor Gran

Les faits divers sont les soupapes cachées de la civilisation. Voici qu’un certain Norman, professeur d’économie à l’Université de Berkeley, dérobe le portefeuille d’un clochard. Coup de folie ? Envie de jouer au surhomme ?… Ses proches sont perplexes. Et Norman, qui a toujours étalé sa probité de gauche, patauge maintenant dans un fâcheux bourbier moral.
L’incident aurait été un simple dérapage vite oublié – qui se soucie d’un clochard ? –, si au même moment, s’emparant de l’affaire, un journaliste à la déontologie moribonde n’avait bidonné un article pour...

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La presse

Escrocs de Hot vol


Un universitaire, sa femme, son amant et son meilleur ennemi se livrent à un petit jeu très morbide, mais tellement réjouissant … Iegor Gran signe ici le livre le plus drôle de la rentrée.


On connaissait l’écrivain visionnaire (Specimen mâle), le satiriste (Le Truoc-Nog), voici à présent l’humoriste. Oui, Iegor Gran s’amuse…à nous amuser. Dans Thriller, il tire le portrait d’un professeur d’économie de Berkeley, tellement distrait qu’il ne se souvient plus d’avoir dérobé un portefeuille à un clochard. Lorsque lui parvient la nouvelle d’un assassinat dans un terrain vague, il se demande si, dans un moment d’égarement, il n’en serait pas l’auteur. Son épouse en est persuadée, et cela ravive son intérêt sexuel, la détournant de son amant, le doyen de l’université. Chacun livre à son tour sa version des faits, plus exactement de ses fantasmes.

On se retrouve plus dans la farce que dans la vaudeville, et beaucoup plus dans l’absurde que dans le polar ! Mais ce qui pousse à dévorer chaque chapitre riche d’un nouveau rebondissement hilarant, c’est l’écriture impeccable de Iegor Gran, qui réussit son pari : créer un univers délicieusement paranoïaque autour d’un canular. Léger, malin et irrésistible.


Héléna Villovitch, ELLE, 28 août 2009




Non, ce roman n’est pas un hommage à Michael Jackson, mais un « thriller », au sens américain du terme, avec suspense, hémoglobine et serial killer. Près du cadavre d’une blonde étranglée dans un terrain vague, on a découvert le livre d’un éminent professeur d’économie sociale. Le paisible Norman, à la recherche de l’équation qui résoudra toutes les inégalités humaines, est-il un tueur impitoyable ? Dans le doute, un psychopathe désorienté par la déloyauté de la concurrence sous-traitera ses meurtres à un métro, tandis qu’une épouse adultère redécouvrira la frénésie conjugale, ce qui arrondira les fins de mois d’un adolescent trop doué en informatique. Style neutre, dialogues imperturbables, soigneuses notes de bas de page : Iegor Gran excelle dans le burlesque sobre. Trois ans après son dernier roman, il dézingue les codes du polar traditionnel avec loufoquerie.


Laure Mentzel, Le Figaro, 29 août 2009




Un « Thriller » en forme de farce


« C’est par la salade que tout commence », écrit Iegor Gran en ouverture de son huitième roman, un Thriller « néo post-moderne » à ses yeux, sans rapport, aux nôtres, avec la mort de Michael Jackson. La salade en question est au saumon. Suzanne, ménagère de moins de quarante-six ans, l’a préparée pour le repas auquel participent son mari, Norman, un prof d’économie à l’université de Berkeley, son amant, Lorch, le doyen de ladite université, et Lafayette, un journaleux plutôt qu’un journaliste.

La femme, le mari, l’amant et celui qui allume les incendies. On croit savoir où veut en venir l’auteur. Surtout que très vite est avancée l’affaire d’un portefeuille dérobé par Norman à un clochard. Sauf que le prof ne s’en souvient absolument plus. Sauf que ses proches auraient sérieusement tendance à l’accuser. Sauf que sa femme, la Suzanne de la salade au saumon, celle qui ignore encore que lui manque la ceinture de son peignoir, trouve tout à coup un nouvel intérêt à son mari. Et le lui fait savoir lors d’étreintes passionnées qui l’éloigneraient même de son amant.

Dans ce roman en trois parties et un épilogue, Iegor Gran nous amuse de bout en bout en même temps qu’il s’amuse lui-même et mène une intrigue en forme de thriller. Car le livre se complique, non seulement parce que l’auteur nous abreuve de notions d’économie pure et dure, qu’il ne déteste pas les notes en bas de page, mais aussi parce qu’il ajoute l’assassinat d’une blonde dans un terrain vague, par strangulation. Pour commencer. Et que son excellente idée de faire raconter les mêmes événements par ses différents personnages ne clarifie rien. Au contraire. Mais quelle maîtrise dans sa façon d’apparemment embrouiller les situations tout en les faisant évoluer vers une finale magistrale où tout deviendra clair, même les identités du serial-killer et des adeptes de la webcam. Et quel plaisir que de se faire berner de si belle manière. Iegor Gran n’a appris le français qu’à dix ans !
Evidemment, il faut faire confiance au roman, s’abandonner à son cheminement zigzaguant remarquablement pensé, ponctué de dialogues et de rebondissements. On est dans la farce, dans le loufoque, dans le burlesque. Mais au-delà du style explosif, l’architecture du livre est impeccable. Suspense et pintes de bons rires font de Thriller qui épingle notre époque, de ses ados à ses quasi-retraités, comme le ferait un chasseur de papillons, une des très bonnes surprises de la rentrée.


Lucie Cauwe, Le Soir , 4 septembre 2009


On aime parce que c’est une mécanique implacable, au style déjanté.
Voilà un roman chorale ébouriffant ! Avec style, l’auteur nous embarque dans la vie de Norman, un prof sérieux qui passe son temps à analyser la vie d’un point de vue économico-social. Il a d’ailleurs écrit un ouvrage pointu de micro-économie appliquée. C’est ce livre que l’on retrouve auprès d’une jeune femme étranglée avec une ceinture en éponge. Norman serait-il un meurtrier ? s’interroge son épouse qui ne retrouve plus la ceinture de son peignoir. Du suspense, de l’humour… Notre coup de foudre.


Brigitte Kernel,Femme actuelle, 31/08/09




Voilà le genre de livre impossible à lire discrètement, tant les pouffements de rire jaillissent souvent. Thriller n’est pas un hommage opportuniste à Michael Jackson. Si ce roman était une chanson, ce serait plutôt Marcelle, de Boby Lapointe. Caustique et poivrée, l’écriture de Iegor Gran n’a de toute façon pas d’égale. Pleine d’apartés cinglants et de trouvailles métaphoriques, elle s’intéresse au ridicule qui tue. Ça saigne, ça transpire, ça pérore : tout ce qui sort des êtres ferait mieux de rester caché. Y compris les idées, toujours plus désastreuses.

Procédons aux présentations. Norman, professeur d’économie à l’université de Berkeley, qui plombe les dîners mondains en accusant les salades vertes de puer la démagogie. Suzanne, son épouse, dont l«  la tête est une vieille chaussure, on dirait un sac dont le vernis a pelé ». Syd, leur fils, cyber-Tanguy décidé à les exterminer. Le doyen Lorch, amant de Madame, «  prévenant, charmeur et légèrement soporifique ». Un crime se produit sur le terrain vague d’en bas, et ce petit monde s’ébouriffe avec une mesquinerie pathétique.

Irrévérencieux et visionnaire depuis son premier livre sur la bureaucratie (Ipso Facto, paru en 1998, chez P.O.L.), Iegor Gran épingle la mollesse passive, issue de l’échec conscient, subi, intégré, digéré. Il décrit les rouages d’une époque qui souffre de « la stratégie du smiley ». Une maladie qui voit les émotions se restreindre de jour en jour, pour ne plus s’exprimer que par stéréotypes dévastateurs. Pour survivre, docteur Gran préconise l’humour noir. La prescription n’est pas nouvelle, mais il y avait récemment comme une rupture de stock, à laquelle il remédie avec une impertinence bienvenue.


Marine Landrot,Télérama, 5 septembre 2009




« La vie a tout fait pour me beurrer la tartine ». Norman Mayfield ne compte pas parmi les tristes « rameurs du quotidien ». Professeur d’économie sociale à Berkeley, où ses travaux sur la modélisation du bonheur lui semblent près d’aboutir, marié à Suzanne, « la femme idéale » à ses yeux, il s’éveille chaque matin « épanoui comme pas deux ». Son moral serait moins au beau fixe pourtant s’il savait ce que pensent de lui son épouse, encline à jouer la femme adultère, le doyen Lorch, amant éperdu de la précédente, ou son ami Lafayette, improbable anarchiste de droite. « Médiocre au long cours », « neuneu tricheur », parfait et agaçant exemple de « contentement de soi », tel est en effet Norman aux yeux de ses trois convives en ce vendredi soir... Il est loin de s’en douter, le naïf, comme de l’extravagante tournure que son existence, jusque-là si ordinaire, s’apprête à prendre...

Car dans le huitième livre du brillant Iegor Gran, « c’est par la salade que tout commence », cet aliment a priori inoffensif et n’ayant pour seule raison d’être que de « créer l’apparence de volume », pouvant, sous l’effet d’un esprit joyeusement azimuté, se révéler propre à déclencher un Thriller. Norman l’apprend ici à ses frais, qui de moutarde en vinaigrette se voit accusé de détrousser les sans-abri puis bientôt soupçonné d’être un psychopathe meurtrier, selon un scénario ourdi par une plume pire qu’imprévisible.

À 40 ans passés, dont neuf dans sa Russie natale et quelques-uns à l’École centrale, Iegor Gran a su cultiver cette surprenante inventivité qui lui valut l’estime des lecteurs pour son premier roman (Ipso facto, 1998), puis le Grand Prix de l’humour noir 2003 avec O.N.G. !, avant de dézinguer l’institution littéraire avec Le Truoc-nog (« Goncourt » dans le désordre, « petit bijou d’irrévérence  » pour Le Point). Récit polyphonique savamment déjanté, ce Thriller est un régal. Promis, on ne vous raconte là aucune salade.


Élodie Marillier, Le Point, 24 septembre 2009



C’est par la salade que tout commence


Iegor Gran a concocté un irrésistible menu à base de « petites fraises »


Un bon livre commence par une phrase qu’on aurait aimé écrire. Aussitôt lue, la première phrase rend son lecteur agréablement jaloux. Une phrase comme celle qui ouvre Thriller de Iegor Gran : « C’est par la salade que tout commence ». Autrement dit : le livre est aussi bien une salade, tout est bon pour l’attaquer. En l’occurrence, c’est une salade avec de vrais morceaux de réel dedans, comme l’indique un avertissement au lecteur : « L’histoire qui suit est une reconstitution de plusieurs faits divers qui se sont télescopés en 2005, à Berkeley, Californie. »Et pour autant, il y a marqué « roman » sur la couverture. A table. On veut en savoir plus : on rentre dans le livre.

Ça commence comme un bon vieux vaudeville des familles, à table, un vendredi soir. Autour d’une salade au saumon, précisément, discutent : le mari (l’intellectuel, tout entier absorbé par sa recherche, « l’équation de l’économie sociale », la femme en mal de romance, le vieux beau en Volvo (dont on apprendra dans quelques pages qu’il est l’amant de la maîtresse de maison) et le dandy tête à claques. Ajoutez deux personnages périphériques (pour plus tard) : un ado nerd (prononcer « neurde », jargon informatique désignant un jeune collé à son écran), spécialiste des webcams, et un psychopathe fortement imbibé d’alcool de gentiane. Voilà la situation.

Très vite, le ton monte qui donne l’élan, la couleur du récit, à propos d’une grave question : verdure ou saumon ? La salade représente soudain un enjeu économico-social majeur qui rappelle étrangement une certaine politique d’ouverture : « Ces feuilles vertes mettent le luxe et la plèbe dans un même sac égalitariste », s’énerve le dandy, laissant aux autres la salade, « elles puent la démagogie, elles voteraient à gauche que ça ne m’étonnerait pas. » Et d’un argument l’autre, le doux mari socialiste, s’inquiétant que chacun soit également pourvu en verdure et saumon, se retrouve accusé de vol par l’invité poil à gratter. Pas n’importe quel vol. Le monument de vertu que vous voyez là, s’indigne le dandy, a spolié un démuni, absolument, il a volé le portefeuille d’un clochard. Voilà l’intrigue : la salade devient politique.

Ce qui réjouit dans ce thriller qui, on l’aura compris, ne se contentera pas d’être un « roman à suspense, conçu pour provoquer des émotions fortes chez le lecteur » (selon Le Trésor de la langue française informatisé), c’est la manière impertinente (non pas décomplexée), pétrie d’humour, avec laquelle l’auteur attrape son intrigue par les détails, le fait divers par les personnages, le roman par la salade. Imaginez, dans un grand saladier : Les Grandes Blondes, de Jean Echenoz, et Jeux de maux, de David Lodge, à la sauce punk (pimentée). Voilà le ton.


Dialogues jubilatoires


Précisons. Iegor Gran fabrique son roman à la manière d’un thriller, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur les habitudes mentales du genre (repérer les indices, ne pas lâcher le livre jusqu’au dénouement de l’intrigue, tenu, à la lettre, par le suspense) pour produire de l’écriture, une épaisseur romanesque (des personnages qui évoluent, des énoncés d’une poésie inouïe, des scènes dialoguées jubilatoires, le tout rigoureusement enchâssé dans le récit). On apprend notamment, à la faveur d’un fait divers, toutes sortes de considérations sur les femmes blondes, la couleur rose ou les sensations très spéciales liées à la strangulation. Ou bien : comment un crime, dont on ne sait pas bien s’il est réel ou imaginaire, va réinventer la vie des gens dans le livre.

Disons encore (on aurait pu commencer par là) que le roman est écrit dans une langue presque déroutante de simplicité qui participe de l’efficacité du récit. On pense à cette réponse d’Édouard Levé, exaspéré par une question récurrente de journaliste : « Vous êtes gourmand de mots, vous, non ? » À quoi l’écrivain répondait : « Les mots ne m’intéressent pas plus que des pigments dans une boîte. »

Iegor Gran, lui, met dans la bouche de son antihéros idéaliste (dont les recherches s’efforcent de « quantifier le bonheur industriel ») cette phrase adorable : « Le bonheur est fait de petites fraises. » C’est aussi pour ce genre de phrase que le lecteur continue à tourner heureusement les pages.


Aurélie Djian, Le Monde des livres, 16 octobre 2009



Le crime était presque imparfait.


Iegor gran, dans Thriller (P.O.L), s’amuse avec des « gens bien » pour détraquer un peu plus le monde : réconfortant.


Nous sommes à Berkeley, Californie. À l’université de cette ville. Il y a des doyens, des profs, des étudiantes, des journalistes et l’atmosphère insubmersible de ce genre d’endroit. Les événements se seraient déroulés en 2005. Iegor Gran, déjà connu pour ONG ! et Jeanne d’Arc fait tic-tac, est un facétieux. Avec quelques éléments insolites, il parvient à destabiliser le réel. À faire douter du moindre fait. Et, lorsque’il s’accroche aux psychologies de ses personnages, c’est un éclatement somptueux.

Norman Mayfield est auteur d’une thèse inoubliable, La micoréconomie sociale appliquée, sa femme Suzanne travaille dans l’édition, leur fils adolescent est féru de Toile et de Webcam. Il y a aussi l’ami Lafayette, le doyen Lorch et un pédant docteur Lane, « »petit bureaucrate de la verrue plantaire ». Il habite l’immeuble des Mayfield, et sa précision assommante des détails pourra amener le drame.

Tout commence par un dîner organisé par Suzanne et par une salade de saumon. Mais Lafayette s’emporte contre les feuilles vertes : « ...elles mettent le luxe et la plèbe dans le même sac égalitariste, elles puent la démagogie, elles voteraient à gauche que çà ne m’étonnerait pas. » Faut-il prendre au sérieux Lafayette, cet « anarchiste de droite » ? il y a plus grave : Norman est accusé d’avoir volé le portefeuille d’un clochard ! L’accusateur Lafayette n’en démord pas, Norman a des trous de mémoire.

Comme ce fameux jeudi où, selon lui le doyen Lorch, il aurait lutiné avec la folie d’une étudiante Veronika. Tout irait pour le mieux du monde si Lafayette, jaloux, plaisantin, ne faisait écrire un faux fait divers par un ami journaliste : tout près de la demeure des Mayfield on trouve une femme blonde assassinée, sur son corps est posé un exemplaire du livre illisible de Mayfield. Alors ? Tout s’emballe. On accuse ce dernier. Il s’accuse. Tout le monde y perd son latin. L’enquête est ébouriffante. Où se niche la vérité ? Entre-temps, un psychopathe apparaît qui vient encore compliquer l’affaire.

Ne pas oublier les Webcam du fils Syd. Il en installe partout, même dans la chambre des parents : « Leur performance, je le dis franchement est un éblouissement. On a rarement vu pareil feu d’artifice, même, et surtout, sur les sites consacrés, qui puent le préfabriqué. »

Iegor Gran casse tout avec le sourire aux lèvres en proclamant quelques solides vérités : « Le bonheur est fait de petites fraises » ! Pour les fêtes qui arrivent, un roman qui ne fera pas prendre les illuminations pour le réel…


André Rollin, Le Canard enchainé, 2 décembre 2009.