C’est le début des vacances d’été dans le Cotentin. Après une vie d’échecs divers, John, 55 ans, voudrait se mettre à la littérature. Mary, sa fille, lui annonce son arrivée prochaine, avec son compagnon et une nouvelle amie italienne. Jean, lui, est sur le point de partir en retraite de son emploi de soudeur de coques de sous-marins à la DCN de Cherbourg. Il est marié à Claudine. Ils ont un fils, Frédéric, employé à la SOREDA, l’usine de retraitement de déchets nucléaires de la région. Le rêve de Jean : percer une ouverture dans le mur de sa maison pour voir la mer. Seulement, le bâtiment étant construit en...
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C’est le début des vacances d’été dans le Cotentin. Après une vie d’échecs divers, John, 55 ans, voudrait se mettre à la littérature. Mary, sa fille, lui annonce son arrivée prochaine, avec son compagnon et une nouvelle amie italienne. Jean, lui, est sur le point de partir en retraite de son emploi de soudeur de coques de sous-marins à la DCN de Cherbourg. Il est marié à Claudine. Ils ont un fils, Frédéric, employé à la SOREDA, l’usine de retraitement de déchets nucléaires de la région. Le rêve de Jean : percer une ouverture dans le mur de sa maison pour voir la mer. Seulement, le bâtiment étant construit en bordure du terrain de John, il faudrait l’accord de ce dernier. Chassés-croisés entre les deux familles sur fond de petites manœuvres politiques du député-maire du village. Malentendus, quiproquos, instrumentalisation des uns par les autres, incommunicabilité intrafamiliale et interculturelle, amours déçus. Sur le ton de la comédie de mœurs, Nicolas Fargues s’est attaché, comme dans tous ses livres précédents, à faire tomber les masques. Pour dire en riant, que, malgré les liens qui nous unissent les uns aux autres, nous sommes et resteront toujours tous seuls au monde. Pour également brosser un tableau de la société française contemporaine à la fois incisif, précis, ample et sans appel.
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Le romancier de l’automne, c’est Nicolas Fargues
Nicolas Fargues aurait pu se contenter d’être le beau gosse de la littérature, une place à laquelle les critiques jaloux l’auraient volontiers laissé. Avec son septième livre, Le Roman de l’été (P.O.L), l’un des meilleurs de la rentrée, Nicolas Fargues finit de prouver que les belles gueules ne sont pas toujours vouées à la figuration.
Pour la première fois, il ne situe son histoire qu’en France, dans le Cotentin, sur les longues plages de La Hague à la centrale nucléaire de Flamanville. Le roman, normand et choral, entrecroise la vie de deux familles voisines liées par une épineuse histoire de fenêtre : entre beaufs et bobos, manuels et intellectuels, famille Groseille et Parisiens pur jus, c’est le choc des civilisations.
Le roman de Nicolas Fargues sent bon notre époque : de la chasse à la place de parking à l’hypermarché au dîner de notables chez le maire, tout sonne juste. Le secret tient d’abord à la langue, irrésistiblement précise : les tics de langage, les expressions révèlent mieux que des pages de description les caractères et le milieu social des personnages. La dextérité pleine de grâce avec laquelle il tisse cette histoire légère et malicieuse témoigne de la maturité d’un écrivain qui n’a pas encore dit son dernier mot.
Karine Papillaud, 20 minutes, 1er septembre 2009
Le Balzac du Facebook, Fargues et attrapes
C’est le tableau d’un couronnement : celui de notre époque par la bêtise et l’idolâtrie. Farceur et massacrant
Décrire un couple entre deux âges au centre commercial (la femme pousse le Caddie tandis que le mari essaie de garer la Clio devant la galerie marchande), il faut rudement de talent pour rendre drôle un sujet aussi insipide. Les personnages les plus originaux ou singuliers de Nicolas Fargues sont habités des mensonges les plus ordinaires : un écrivain à sec qui transporte sa table sur une terrasse au bord de la mer, soi-disant pour y noircir quelques feuilles, alors que son seul souci est de perdre du ventre pour draguer les minettes avec quelque chance de succès ; un maire de village de Basse-Normandie qui fait semblant d’aider à ramasser les détritus sur la plage ; un jeune homme qui secoue sa guitare en se donnant des airs de mâle meurtri ; un garçon doué pour le foot est embobiné pour faire le sale boulot de tuteur auprès d’un groupe de jeunes délinquants en vacances; des jeunes filles obsédées par leur maquillage et leurs fringues.
Il y a là tout un petit monde de ratés et de minables mis en scène avec beaucoup d’habileté, en de courts chapitres dont chacun encadre un épisode différent, un élan d’amour avorté, une scène de ménage, une dispute entre deux voisins au sujet d’une fenêtre à ouvrir dans un mur, une tentative de séduction lesbienne, les retrouvailles désabusées d’anciens amants qui ne songent qu’à vérifier si leur pouvoir de séduction n’est pas tout à fait éteint. Alors, demandera-t-on, pourquoi se taper un tel livre ? Pour le langage, surtout. Fargues excelle à faire parler ses personnages comme parlent les gens d’aujourd’hui. Il possède cette faculté « balzacienne » du mimétisme oral. Le directeur des ressources humaines, qui prépare son pique-nique avec des copains : « Ben, on se prend pas la tête, padsouci, on se la fait sandwiches-club et salades légères. » Le vieux dragueur rigolard, à sa partenaire plus trop fraîche : « Tu le tires, ton coup, de temps en temps ?… Tu t’en prends souvent, des longueurs dans la figue… Une bonne grosse queue à te carrer dans le mou, ça te branche encore, à ton âge canonique ? » Le jeune égoïste, qui réclame aigrement un morceau de sucre à sa compagne dévouée : « Il est un poil trop strong, le café. »
Chronique douce-amère des idolâtries et niaiseries de notre époque ? – le Facebook, les supermarchés, l’aquagym, les « centres culturels » qui organisent la présentation de livres bidons – avec quelques scènes plus fortes, comme l’épisode raciste dans la petite gare normande, Le Roman de l’été n’a pas la même tension dramatique que J’étais derrière toi, jusqu’à présent le meilleur roman de Fargues, mais confirme néanmoins la place de cet auteur dans le peloton de tête des jeunes écrivains. Beaucoup de chair, peu de « littérature », un regard sûr, une oreille juste, le sens comique : que vouloir de plus ?
Dominique Fernandez, Le Nouvel Observateur, 20 septembre 2009
Comédies de la médiocrité, l’amour-propre et la bonne conscience sociale au menu du jeu de massacre de Nicolas Fargues et Iegor Gran
Le Roman de l’été se passe l’été en province, ce lieu où les gens ont un cancer à la qualité de vie. Sur des plages normandes, près d’une centrale nucléaire, avant et pendant une visite de Sarkozy. On retrouve les caractères que Fargues aime explorer : faux-culs enduits de veulerie, lâches à ressentiment, brutes faibles évoluant dans un monde sans authenticité ni générosité. Rien ne donne mieux le ton qu’une réflexion de la jeune Mary, émue par son ami, un sous-artiste aigre, depuis qu’elle a bénéficié d’un article dans Elle : « C’était donc ça, l’amour ? Aimer par amour de soi ? »Eh oui, Mary, il arrive que ce soit ça.
Chacun se surveille, se ment, se demande ce qu’il faut dire ou faire pour avoir l’air de ceci ou cela. Comme tout le monde est obsédé par son image, nul ne croit en celle de l’autre. Rien n’est naturel, tout est amour-propre. Tout baigne dans une phrase tiède et sans pitié. L’acte de naissance et de décès des personnages, c’est l’exergue des Maximes de La Rochefoucauld : « Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés. »
Il y a du petit-bourgeois provincial et envieux, un maire à la vulgarité clinquante, un animateur télévisé qui écrit par nègre interposé son roman à succès, un chef d’entreprise écologique frelaté, un groupe d’ados de banlieue complexés et paranoïaques, des éducateurs sympas. Le personnage central est John, fils d’un peintre mort et célèbre. Il a la cinquantaine et s’est retiré pour écrire, sans y arriver. Il a bien trouvé cette phrase qui lui semble profonde : « Je suis un animal qui se nourrit de la foi des autres. »Mais la deuxième ne vient pas. Fargues s’amuse comme personne avec John : quoi de mieux pour un écrivain réussi que la figure d’un écrivain raté ?[…]
John est comme Nicolas, simplement il n’écrit pas. Lui aussi est intimidé par Échenoz. Et, quand il parle avec l’amie de sa fille, une bombe italienne à fragmentation arrogante, c’est à Duras et à ses Petits Chevaux de Tarquinia qu’il pense : « Le genre de roman idéal, avec l’été en toile de fond. Avec une maison de vacances, des couples en crise et un crescendo d’érotisme entre les lignes. Le genre de roman qui exprime très précisément tout ce que vous avez toujours pensé sur tout, mais que vous ne serez jamais capable d’écrire. » L’imagination de Fargues vit de ses propres complexes.
Le résultat serait lassant s’il ne réussissait à faire vivre son petit monde, et surtout à le faire entendre. Le langage des personnages, drôle, circonstancié et précis, semble avoir été inventé pour justifier la complainte de Renaud Camus ( qui publie chez le même éditeur ) : leur misère et leur mépris des autres se manifestent d’abord par la pauvreté du vocabulaire et le négligé de la syntaxe sous toutes ses formes. Fargues est un bon musicien du médiocre et de la brutalité. Sa partition est rythmée par des « chus pas venu »,« c’est esprès », « ch’tai dit », « ben, je sais pas », « keskejéfé », et ce gimmick du chef d’entreprise, « yapadsouci », qui rappelle le « merci bio » répété sans fin par les crétins écologistes de O.N.G. !, un roman de Iegor Gran. […]
Philippe Lançon, Libération, 10 septembre 2009