— Paul Otchakovsky-Laurens

Cahier des fleurs et des fracas

Claude Ollier

Ici, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, un homme enregistre en alternance les images publiques de l’effondrement violent d’un monde, celui de l’utopie communiste, et les vibrations secrètes du jardin clos où il se tient. C’est l’année de la chute du Mur, de la mort de Sakharov et de celle de Beckett. Le cahier reprend, dix-huit ans plus tard, au début du nouveau millénaire. Transit du temps sur le corps du scribe aux limites de ses forces, transit du temps par la matière sur la scène du monde.

 

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La presse

[...] il s’agit pour Claude Ollier, à partir de cette trame, d’inventer une forme pour saisir le réel multiple : ce dont il peut témoigner dans sa proximité physique et ce dont il n’a connaissance que par les médias. Le résultat est magistral, à preuve les époustouflantes phrases de plus d’une page, plans-séquences tout en finesse (sens et son) qui rappellent que, cinéphile, l’écrivain est aussi musicien [...]


Jean-Marc Baillieu, Cahier Critique de Poésie, février 2011



[...] court, pensif et poétique, Cahier des fleurs et des fracas, est construit en quatre parties rédigées de décembre 1989 à décembre 2008. Dans « Cahier...I », on croit d’abord lire un « simple » choix de notations quotidiennes retenues à partir d’une double thématique. D’un côté, les convulsions de l’Histoire, les « résonances courant le tour de la planète plusieurs fois dans la journée (...) », de l’autre les pulsations minimes et saisonnières du jardin de l’auteur. Des éléments posés en quasi-alternance, qui se font écho discrètement. Au loin, ce sont des « événements très rapides et tempétueux », la chute du Mur, la sécheresse de la mer d’Aral ou l’exécution de Ceaucescu... Chez soi, tout bouge également, avec lenteur quand « les tiges de menthe percent la terre », avec excès quand un « séisme restreint » fait se disloquer les tombes du cimetière. De part et d’autre, des dégâts, des pertes : « la disparition des fleurs de champs », « le visage interte ensanglanté d’un homme », la mort de Sakharov...


Puis le texte prend une autre direction, abandonnant le « cahier » pour laisser la place à deux parties très différentes. « Errance », où l’auteur chemine, fin 1997, sur des chemins de terre et de cailloux, autour de son village des Yvelines, pour méditer sur le « transit de la matière de par les siècles » ; « Wandern » (marche à pied), où il évoque quelques déambulations citadines, effectuées de 1997 à 1999, dans des villes de l’Est, Köln, Heidelberg, Berlin... Les dates sont trompeuses, car c’est un passé plus lointain qui est convoqué ici : un premier séjour effectué en 1965, un manuscrit de Kafka, le gothique (« déprimant »), le président de la RDA en poste lors de la chute du Mur... Puis il reprend le « Cahier... » dans une partie II, écrite en 2008, soit vingt ans après la première. Même opposition micro et macro-événements, inquiétude plus marquée face à « l’infiltration au jour le jour imperceptible » qui « ruine » son village où toute distance « s’est peu à peu étriquée ». Mais cette fois s’exprime le désir de « se pelotonner, se colmater, se concentrer ». Pour laisser le lilas bourgeonner en paix, pour faire « taire les échos de la mascarade » extérieure. Repli sur soi, retour à la terre ? Non, car Claude Ollier, grand arpenteur du monde, continue d’être à l’écoute, de regarder par-delà la grisaille et le brouillard. Ce qui resurgit, comme « le figuier enfoui durant treize ans », c’est l’évidence que tout pour lui transite par l’écriture. « Comment se rappeler sans dans l’instanter noter (...) cent bouts de phrases par ta tête » ? A peine évoqué au début du livre, le travail de l’écrit, ici, éclate, et avec quelle « fulgurance » ! L’enjeu, c’est d’être « chaque jour en grande forme pour gratter le papier, noircir l’écran », même si « les os marquent le coup » [...]


Pascal Jourdana, Le Matricule des Anges, février 2000

Et aussi

Claude Ollier est mort.

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