— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Elégies

Emmanuel Hocquard

Rassemblées pour la première fois en livre, ces sept élégies ont été écrites de 1969 à 1989. Durant ces vingt années, elles ont accompagné et ponctué le travail d’écriture d’Emmanuel Hocquard, en prose comme en vers. Les élégies n’ont évidemment pas pour fonction d’éclairer le lecteur sur un passé individuel mais, au contraire, de le faire assister à un arrachement du biographique, c’est-à-dire du culturel, et de ce qui nourrit, au départ, toute écriture lyrique : le narcissisme, les états d’âme, la douleur, l’amour, les souvenirs, les soupirs et les regrets.

 

Consulter les premières pages de l'ouvrage Les Elégies

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

Emmanuel Hocquard : Les élégies



Dans Cette histoire est la mienne, on lit que l’élégie est un genre poétique sans forme ni longueur déterminées. À feuilleter ce volume rassemblant sept textes écrits de 1969 à 1989, on constate une évidente disparité : les mots et les blancs, tout aussi signifiants, se répartissent diversement au niveau du vers et dans l’espace de la page ; apparaissent deux listes ; apparaissent, également, des éléments de poésie visuelle - le dessin d’un palmier pour désigner un point cartographique, une alternance de points et d’espaces pour figurer une ligne de démarcation. On constate, en outre, des différences de longueur : notamment, entre l’élégie 1 III, qu’on peut citer entièrement

peuc peuc peuc peuc
le moteur à un cylindre d’une barque dans le détroit

et l’élégie 7 II qui occupe cinq pages.
On lit que l’élégie, qui « se range dans la rubrique Poésie lyrique », est un poème autobiographique, souvent écrit à la première personne, qui parle du passé en exprimant de la mélancolie ou encore de la nostalgie. En « élégiaque inverse » (voir les points 6 à 9 de l’opus cité), Emmanuel Hocquard n’a recours ni aux images ou métaphores, ni à l’expression de sentiments : « l’idée / n’a d’existence que dans la chose matérielle » - « No ideas but in things » (W.C. Williams). L’autobiographie relève souvent de l’anecdote - « De ma fenêtre le matin, je voyais les collines en traduisant Lysias. / Tu fumais des Camel et conduisais toi-même une Nash vert eau » - ; les livres lus, par ailleurs, appartiennent au matériau autobiographique - « J’écris (...) Élégie 3 (où je m’identifie pour la dernière fois à Ovide) » : un « je » multiple, donc.

Pourquoi avoir recours à l’élégie ? Parce qu’écrivant des élégies, Emmanuel Hocquard en redéfinit les objets : le souvenir, par exemple, qui n’est pas du passé, mais du langage ouvrant une « piste au présent ». Et « le monde est un assemblage de lettres ». Parce que l’élégie est le lieu d’une enquête et que son élucidation permet à Emmanuel Hocquard de poser l’essentiel des jalons de son art poétique.




Par Mathilde Azzopardi, Cahier Critique de Poésie, 26 janvier 2017