— Paul Otchakovsky-Laurens

Giacometti

Charles Juliet

Cet ouvrage est la réédition d’un livre paru aux éditions Hazan en 1985. Charles Juliet y décrit l’œuvre et la vie de Giacometti en y privilégiant, bien sûr, ce qui, lui, l’émeut. C’est-à-dire, principalement la quête, la recherche du plus profond et d’une vérité intérieure que révèlent les sculptures et les dessins de l’artiste. Aussi de temps à autre l’exposé, qui n’en est pas vraiment un mais plutôt une méditation à peine cachée, est-il interrompu, et relancé, par un poème, ou des notes visiblement prélevées du journal de l’auteur.

 

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La presse

Douter avec Giacometti


Parce qu’il partage avec lui « impuissances, doutes, déchirements », et que cela a stimulé leur pouvoir créatif à tous deux, l’écrivain Charles Juliet se sent en connivence avec Giacometti. Il ui consacre un recueil où se côtoient des extraits des écrits du sculpteur et son propre commentaire, poétique sans être flou. Après la parenthèse surréaliste, qui n’est pas à négliger, Giacometti en revient à son obsession pour un modèle qui ne cesse de se dérober : « Je m’égarais, tout fondait, la tête du modèle, devant moi, était comme un nuage, indéfinie et sans limites... » D’où les personnages filiformes, d’où l’apparence famélique du Chien auquel l’artiste se sentait parfois ressembler.


Au passage, Juliet conte une ou deux anecdotes qui pourraient être des clés, comme l’histoire de la mort, sous les yeux du très jeune artiste, d’un vieux bibliothécaire rencontré dans le train, image de la précarité du réel. Inconnu et rendu proche par cette expérience, tel était le vieil homme, tels resteront les modèles plus familiers, comme Annette l’épouse ou Diego le frère : « C’est un inconnu frémissant que modèlent ses mains, et non la vie réduite à l’épure d’une idée. »


Laurence Chauvy, Journal de Genève, décembre 1995



Un grand artiste vu par un grand écrivain


[...] un Giacometti merveilleux, où s’exprime toute la lucidité de Charles Juliet, toute sa ferveur, toute son intelligence. Peu de critiques ont perçu à ce point l’homme au travers de ses oeuvres. Il fallait ce bonheur d’écriture qui lui est propre pour nous faire partager l’humilité et la grandeur de cet artiste exceptionnel.


Coexistence des contraires, constate Charles Juliet. Coexistence en l’être humain des données et des aspirations les plus contradictoires. Pour Giacometti qui s’était proposé d’exprimer « la totalité de la vie » il fallait dire l’angoisse, la solitude, la mort qui menace, la blessure d’une existence à jamais coupée de l’absolu, mais tout autant les forces, la beauté et le mystère de la vie.


Toutefois, comment faire cohabiter en une oeuvre des éléments difficilement conciliables, qui se contrarient, voire s’excluent ?


C’est au terme de quelque vingt-cinq ans de recherches que Giacometti trouva une solution à ce problème. Mais avant d’en arriver là, que d’études, d’investigations, d’échecs, de crises et de recommencements.


Regard, pensée, vie intérieure - lesquels en réalité ne font qu’un - ne cessent de scruter, interroger et engranger, ce sera pour Giacometti une règle de vie. Dans son travail, il bute sur cette difficulté : traduire tout à la fois la réalité et l’émotion qui l’avait engendrée.


Pour preuve, cet étrange récit : En 1940, à ma grande terreur, mes statues ont commencé à diminuer...dit-il à Charles Juliet. Toutes mes statues inexorablement finissaient par atteindre un centimètre. Un coup de pouce, et hop ! plus de statue. C’est seulement plus tard que j’ai réfléchi : d’abord instinctivement je diminuais la sculpture pour la mettre à la distance réelle où j’avais vu le personnage. Cette jeune fille à quinze mètres ne mesurait pas quatre-vingts centimètres, mais une dizaine. En outre, pour appréhender l’ensemble, pour ne pas me noyer dans le détail, il fallait que je sois plus loin. Mais les détails me gênaient toujours... Alors je reculais de plus en plus, jusqu’à disparition...


Giacometti est un des très rares artistes qui se soient exprimés avec un égal bonheur par le dessin, la peinture et la sculpture. Tout enfant, sans jamais marquer de préférence, il s’adonnait déjà à ces trois activités, et par la suite il continua de les mener de front. Aussi son oeuvre, d’une remarquable unité, se compose-t-elle à la fois de dessins, de peintures et de sculptures.


Charles Juliet résume superbement cette oeuvre par ces mots : Silhouettes aiguës, fragiles, maintenues à distance par leur structure filiforme, nous signifiant l’éloignement, la solitude, cette irréductable séparation qui nous coupe de notre semblable.


Emile Lanc, Le Mensuel littéraire et poétique

Agenda

Lundi 9 décembre à 19h
Hommage à Charles Juliet à la Maison de la poésie (Paris 3) "En l'absence de Charles Juliet"

Maison de la poésie

157, rue Saint-Martin

75003 Paris

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Et aussi

Charles Juliet Grand Prix de Littérature de l'Académie Française 2017

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Charles Juliet est mort

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