— Paul Otchakovsky-Laurens

Trafic L’Almanach 2023

Collectif

Almanach de cinéma

Après trente ans et 120 numéros, Trafic, « Revue de cinéma », soutenue par son fidèle éditeur, P.O.L, a cédé au désir de faire peau neuve

Animé par une équipe très largement renouvelée (Raymond Bellour, Bernard Benoliel, Christa Blümlinger, Jean-Paul Fargier, Judith Revault d’Allonnes, et son secrétaire de rédaction Jean-Luc Mengus-Peyle), Trafic, « Almanach de cinéma », paraîtra désormais une fois l’an sous la forme d’un important volume collectif. Il restera attaché à la vocation critique que Serge Daney avait fixée en quelques mots : « revue de cinéma, elle appartient à tous ceux pour qui l’image et l’écrit, quoi qu’irréconciliables, ont comme un destin commun ». C’était dire que Trafic, revue de cinéma sans images, d’autant plus dédiée aux valeurs d’écriture, se voulait ainsi d’emblée vouée à l’art de les évoquer comme de les penser. Ouverte au présent comme au passé du cinéma, elle a aussi accueilli toutes les images, anciennes et nouvelles : photographie, art vidéo, installations de galeries et de musée.


Il s’agira, dans l’Almanach, d’opérer chaque année une coupe transversale dans le corps du cinéma, en multipliant les niveaux d’approche, en s’ouvrant à la multiplicité des voix, au gré de leurs tonalités les plus personnelles : critiques, historiens, philosophes, cinéastes, artistes, écrivains. Et on accordera comme par le passé toute leur place aux auteurs étrangers que Trafic a largement contribué à faire mieux connaître en France (avec un soin particulier réservé aux traductions), ainsi qu’à la reprise de textes anciens et oubliés remis à jour..


Dans le passage du format trimestriel au format annuel, le lien avec l’actualité deviendra nécessairement un peu plus lâche, mais il restera essentiel. Il continuera à amplifier une des particularités de Trafic: la vie des films ne se limite pas à leur (court) passage en salle, elle perdure, grâce aux DVD, grâce aux offres de VOD, grâce aux échanges de liens divers entre amateurs, dans une survie héroïque sans limite de temps. Un film est toujours d’actualité dès lors qu’un regard sur lui se métamorphose en discours. Plus que jamais l’Almanach coïncidera avec cette éternité que forge l’enthousiasme des spectateurs et la virtuosité des critiques. En témoigneront une évaluation de la vie et de l‘histoire des festivals, comme l’attention à des cinéastes émergents et à des œuvres nouvelles, de sorte à évoquer quelques grands films symptomatiques de l’état présent du cinéma.


Mais l’actualité des auteurs, c’est à dire le choix de leurs objets d’écriture, inspiré par telle ou telle œuvre du passé du cinéma, ou plus largement par toute œuvre d’image, viendra toujours se conjuguer librement avec un rapport immédiat de certaines œuvres à l’actualité.


Les textes seront pour l’essentiel regroupés par rubriques, qui permettront de mieux circuler dans l’Almanach, sans que le cadre qu’elles offrent devienne contraignant, tant la singularité des sujets et l’individualité des voix restera intangible.


Ainsi, sans hiérarchie : œuvres de cinéastes, films singuliers, cartographies, thématiques d’ensemble, textes de caractère ouvertement théorique, textes de cinéastes, documents inédits provenant d’archives diverses, comptes rendus d’ouvrages, brèves interventions subjectives de caractère intempestif.




SOMMAIRE

Changement de rythme, changement de focale. L’Almanach, mode d’emploi


Notes sur les fantômes par Érik Bullot


CONSTELLATIONS

Relancez les films de Warhol. MAINTENANT ! par Radu Jude
Les trous de l’archive. À propos des films de Radu Jude par Gabriel Bortzmeyer
La mémoire théâtralisée. Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares de Radu Jude par Christa Blümlinger
Sexe à risque et attention dispersée, à cinquante ans d’écart. W.R. ou les Mystères de l’organisme de Dušan Makavejev et Bad Luck Banging or Loony Porn de Radu Jude par Jonathan Rosenbaum
Dans la confidence. Contes du hasard et autres fantaisies de Ryûsuke Hamaguchi par Clément Rauger
Rohmer et la mort en sept chapitres par Ryûsuke Hamaguchi
Puissance de la parole. À propos de Contes des chrysanthèmes tardifs de Kenji Mizoguchi par Shiguéhiko Hasumi (présentation par Mathieu Capel)
• La plus belle baignoire. Maternité éternelle de Kinuyo Tanaka par Jean-Paul Fargier
1956-1957 : Kira Mouratova, une cinéaste en apprentissage par Eugénie Zvonkine
Rencontres avec Dovjenko par Kira Mouratova
• Ouverture. En découvrant le vaste monde de Kira Mouratova par Raymond Bellour


METEORES

« To absent friends?! ». The Souvenir, Part 1 & Part II, de Joanna Hogg par Marie Anne Guerin
Joanna Hogg, l’audace délicate par Judith Revault d’Allonnes
• Les plus belles lampes frontales. Il Buco de Michelangelo Frammartino par Jean-Paul Fargier
Chronique d’un torticolis. À propos de Tsai Ming-liang par Antoine Thirion
• La plus belle télé. Plumes d’Omar El Zohairy par Jean-Paul Fargier
Newsreel 670 - Red Forests de Nika Autor. Histoire matérielle de la barbarie / perspective éthique par Nicole Brenez
L’anarchie made in Suisse. Unrueh de Cyril Schäublin par Bert Rebhandl
Un geste libre. Clint Eastwood, les années 2010 par Bernard Benoliel
Avec de la ficelle et du papier. Annette, un nouveau mystère de l’Incarnation par Jean-Paul Fargier


COSMOLOGIES

Quelle fleur pour quel diagramme ? La Flor de Mariano Llinás par Emmanuelle André
Les deux avant-gardes par Peter Wollen. Avec une introduction par Laura Mulvey
Laura Mulvey et Peter Wollen, entre théorie, film et art par Oliver Fuke et Nicolas Helm-Grovas
Les trois yeux par Hélène Frappat
Improviser, ça ne s’improvise pas par Jacques Aumont
Formes libres / free cinema. Welles, McGoohan, Terayama, Glauber Rocha : de l’autre côté du vent par Damien Bertrand
• Trop de plein, trop de vide. Liebelei de Max Ophuls par Raymond Bellour
L’univers est vide. À propos de la philosophie des images techniques de Vilém Flusser par Harun Farocki
Une brève histoire du projecteur... par Friedrich Kittler
Chaque film est un film d’épouvante. Introduction à la méthode de Friedrich Kittler par Vinzenz Hediger
De bouche à oreille : la rumeur, le médium par Peter Szendy
• Alfred Hitchcock, de bouche à oreille... par Bernard Benoliel


PLANETES

La manière de raconter de Jean-Luc Godard est toujours nouvelle par Alexander Kluge
Après Vichy, retour sur un fragment par Yervant Gianikian
La collection de Navigators par Noah Teichner
Ich, Isolde ! Notes sur la mise en scène de Tristan et Isolde de Richard Wagner à l’Opera Ballet Vlaanderen par Philippe Grandrieux
Comment, à l’avenir, écrire sur les films par Mark Rappaport


GALAXIES

Extension du domaine de la banlieue. Autour de la Cinémathèque idéale des banlieues du monde par Romain Lefebvre
Cannes, baie sanglante par Mathieu Macheret
Festivals, la raison du réseau par Jean-Michel Frodon
Conseils aux spectateurs de cinéma par Amos Vogel
• Le plus bel arbre. Paradise Not Yet Lost de Jonas Mekas par Jean-Paul Fargier
Dépeindre, détourner. La peinture dans le cinéma documentaire par Hervé Gauville
La guerre en Ukraine a bien lieu par Dork Zabunyan


RAYONNEMENTS

Notes tardives sur Hiroshima mon amour par Catherine Malabou
Frictions de plans : L’Amour à mort par Raymond Bellour
Trois femmes autour de « Monsieur Godard ». À propos de Prénom Carmen par Jacques Bontemps
« Déclencher la réalité ». Rendez-vous avec Jean Eustache à Vannes le 5 juillet par Paul Aymé
Pagnol, moderne comme l’antique par Marcos Uzal
• Cinquante-huit ans plus tard. Charade de Stanley Donen par Raymond Bellour
Rapport de lecture sur le scénario de L’Enfant sauvage par Jacques Rivette (présentation par Bernard Benoliel)
Lettre imaginaire de François Truffaut à Bernard Bastide par Jean-Paul Fargier
Double Huston par Anne Bertrand
L’Île des morts, épidémie et croyance par Amadis Chamay
Faire peur à la peur. À propos des films de William Castle par Raphaël Nieuwjaer
• L’intrus. La Nuit du chasseur de Charles Laughton par Christa Blümlinger
Satyajit Ray, un alien et beaucoup de fantaisie par Eva Markovits


METEORITES

Bouclages. Quatre textes par Serge Daney (présentation par Pierre Eugène)
La star à deux têtes
Ornette Coleman à la Mutualité
Actualité de Rohmer
Télé : gardiennage et maintenance

Genèse de l’inhumain ou Paradise Lost par Jacques Rancière
• Se pencher vers le ciel par Matthieu Gounelle

 

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Revue de cinéma
fondée par Serge Daney

Nous nous trouvons à un moment où, de plus en plus, nous parlons d’images. Tantôt modernes (« nouvelles images », images de synthèse), tantôt archaïques (mythologiques, religieuses, picturales). Et parmi ces images, il y a celles du cinéma.

Les images du cinéma sont très précieuses parce qu’elles constituent pour deux ou trois générations de par le monde une véritable archive de souvenirs, un trésor d’émotions stockées et aussi une usine à questions. Le temps est venu de se servir du cinéma pour questionner les autres images – et vice versa.

Trafic veut retrouver, retracer, voire inventer les chemins qui permettent de mieux savoir, dès aujourd’hui, « comment vivre avec les images ». La revue est ouverte à tous ceux qui ont l’image comme première passion, le cinéma dans leur bagage culturel et l’écriture comme seconde passion. Sans exclusive et pas seulement en France. Il est essentiel de restituer cette autre « actualité » qui est celle des autres pays et des autres cultures du cinéma. C’est pourquoi nous demanderons à un certain nombre d’amis étrangers (de New York à Moscou) de jouer ce rôle d’informateurs, voire de poser des questions ailleurs.