— Paul Otchakovsky-Laurens

Mollesse

Franck Mignot

Un homme, le narrateur, accompagne ses enfants à la plage, sympathise avec les uns et les autres à la sortie de l’école, avec ses nouveaux voisins, et semble se couler dans le quotidien et la banalité d’une vie familiale et sociale. Mais tout l’art de ce premier roman est de faire entendre la fêlure ou la dissonance au cœur même de cette simplicité : « Je ne surveillais plus mes enfants. Moi qui l’avais toujours fait de manière scrupuleuse, je les laissais divaguer et en fin de compte cela ne se passait pas si mal que ça. » L’univers de Franck Mignot tient dans ces quelques lignes, dans ce « cela ne se passait pas si mal que ça »,...

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La presse


Mollesse


Le changement, ce n’est pas son truc, à Samuel. Lui, il préfère son quotidien – les balades le long de la mer avec ses enfants, les mots fléchés dans le journal du dimanche et sa femme. Ou du moins il s’en accommode en silence. C’était une dispute froide. J’avais envie qu’elle parte. Elle, que je parte. Personne ne partirait. Même isolé chacun dans une pièce de la maison, sentir la présence de l’autre serait encore de trop. Tandis que Samuel est coincé dans le microcosme familial, un couple de Parisiens s’installe à quelques rues de chez lui. Leur histoire ne tourne pas rond mais il examine mal la situation. Et, le voilà pris au piège entre un suicide et un double meurtre. Franck Mignot, psychologue, dissèque le mensonge et la manipulation au sein de nos relations pour glisser petit à petit vers le roman noir.


C.G.-D., Libération, mars 2023



Le singulier premier roman de Franck Mignot, Mollesse, ne se prend pas au sérieux tout en virant au drame.


Un roman mêlant l’anecdotique à la gravité, l’humoristique au tragique : tel est Mollesse, de Franck Mignot, qui fait une entrée saisissante sur la scène littéraire. Foin des petites histoires calibrées : l’incertitude est au rendez-vous. Longtemps – et c’est une grande qualité ! – le lecteur ne sait pas exactement ce qu’il est en train de lire. Non seulement en termes de récit, mais aussi de ton, de registre. La dédicace, déjà, a de quoi surprendre : « À la merde qui sent toujours, quoi qu’il arrive ». Du trash ? Du punk à chien ? Du premier degré ?


On est en période de confinement (avril 2021), dans une ville côtière, en Bretagne. Les premiers chapitres ne développent pas vraiment d’intrigue. Le narrateur se promène avec ses enfants, ne s’entend plus avec sa femme, a deux amis qu’il voit le plus souvent seul. On remarque surtout sa frustration sexuelle et ses observations cocasses, frisant parfois l’absurde, de type sociologique ou sociétal. Il y a là un petit côté Houellebecq qui serait sympathique, jamais méprisant, sans jugement moral sur ses personnages ni posture réac. En témoignent les pages subtilement abrasives sur l’émission d’une chaîne qu’on reconnaît être C8. Le coït est son obsession lui qui n’a plus de relation de cet ordre avec sa femme. Obsession larvée, honteuse, coupable puisque synonyme d’adultère, qui donne l’occasion à l’auteur de multiplier les variations sur les rapports de domination, fantasmés ou non, que les hommes entretiennent vis-à-vis des femmes. Le titre, Mollesse, n’est d’ailleurs pas complètement étranger à ce paradigme sexuel, avec les consonances dépréciatives qu’on peut y entendre. Quand, enfin, le narrateur passe à l’acte avec une voisine qui s’offre (trop) facilement à lui, c’est un piège.


Le roman vire alors au drame. Sans jamais se prendre tout à fait au sérieux, au fil d’une écriture suffisamment souple pour passer d’un genre à l’autre, il aligne un suicide, des meurtres et des questions existentielles. Le narrateur devient aussi trouble qu’il semblait jusqu’ici transparent. Le même être moyen (sinon médiocre) sort du commun. À la fois horrible et grandiose. Et sur le point de créer, enfin, quelque chose. Mollesse, décidément, est un roman bien singulier et très prometteur.


Christophe Kantcheff, Politis, mars 2023



Mollesse


Sur les photos proposées par l’éditeur, Franck Mignot à l’œil rieur. Il ne faut (évidemment) pas se fier à l’apathie du titre de ce premier roman. On est tout de suite prévenu : il ne dédicace son livre ni à son épouse bien-aimée, ni à X et Y, ses enfants chéris, mais « À la merde qui sent toujours, quoi qu’il arrive ». Compte-t-il suivre la voie ouverte, en 2011 chez le même éditeur, par Thomas Hairmont qui avait commis un réjouissant (et également premier) roman, Le Coprophile ? Fausse piste aussi. Son narrateur, qui se raconte à la première personne, décrit son quotidien ordinaire de père de jeunes enfants. II vit en Bretagne, ne partage plus grand-chose avec sa femme. II se contente d’acheter des croissants le dimanche, de comparer les avantages de la cafetière italienne et de la grosse cafetière électrique. Et il reluque les mères d’élèves qu’il croise à la sortie de l’école ou à la plage. Dont cette Parisienne, qui vient de s’installer dans la commune, avec mari et enfants. À la lecture d’un article sur le féminisme, il se sent proche de « tous ces hommes castrés qui ne baisaient pas ». Franck Mignot raconte malicieusement le banal. Son personnage croise une femme, imagine qu’elle a passé son week-end à peindre des murs, sans hésiter entre « Glycéro / acrylique / peintureécobiobonnepourlaplanètekidsfriendly... » II parle de sa frustration sexuelle avec une paradoxale légèreté : « on ne se disputait pas pour pouvoir faire l’amour. Nous ne faisions plus l’amour. Je pouvais dire baiser, car j’aimais que ce mot sente le cul dans ma bouche.  » II manie une sorte d’humour froid, distancié. Et ce recul maîtrisé prend sa saveur quand tout se met à déraper dans les très grandes largeurs, à la fin du livre. On se croirait dans un délire que nous pouvons imaginer : si nous prenions tel objet pour pratiquer un acte totalement violent et parfaitement interdit, que se passerait-il ? Avec l’avantage d’être en mesure, ici, de conduire le récit jusqu’à son issue. C’est salutaire. Et au moins le lecteur, réjoui, ne finit pas devant une cour d’assises.


Anne Kiesel, Le Matricule des anges, avril 2023

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Franck Mignot, Mollesse , Mollesse, de Franck Mignot par Gilbert Chevalier France Info