— Paul Otchakovsky-Laurens

En Tarzizanie

Orion Scohy

En 2012, Tarzan fête ses cent ans.

Tarzizan aussi, donc – double improbable, sous-ersatz, cousin de Basse-Cocagne. En revanche, ce dernier n’en reste pas sans ciller, ni de marbre (mais son nom provisoire le laissait présager) : du jour au lendemain, il quitte femme et éléphants puis part en bal(l)ade, et c’est ce que relate cet album sur un mode historique des plus rigoureux en empruntant des voies diverses, notamment celles du roman, de la bande dessinée et de la chanson.

Frappé d’aphonie, propulsé dans la palpitante quête de son propre cri, le personnage sera donc lu ici en train d’habiter successivement des milieux ou tableaux très divers, telle la petite Martine...

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La presse

Oïoïoooooo !!!!


Ce matin, un doute m’assaille : et si Charles Dantzig avait raison d’en avoir marre du roman réaliste ? (Oui, j’ai de drôles de doutes, surtout le matin.) Restons ouverts d’esprit, diantre. La forme, rien que la forme. Il y a des semaines comme ça où j’ai envie d’un livre tout neuf, qui serait comme une injection de Botox dans la face de la littérature contemporaine. Eurêka ! Cette semaine, j’ai trouvé un livre vraiment barré. L’auteur a un prénom d’étoile : Orion Scohy. Sa biographie précise qu’il est né en 1974, soit « 2 334 ans environ après Pyrrhon d’Elis ». C’est un dadaïste né un siècle trop tard ! Son nouveau machin– son éditeur écrit « roman » sur la couverture mais le terme paraît trop réducteur – s’intitule En Tarzizanie. Je suis prêt à parier que Vialatte aurait adoré. Comment parler d’un truc aussi original et foutraque ? C’est un calligramme de 230 pages. Les typographies explosent, le livre en lui-même est un être vivant, à la fois débile et délirant. On n’a rien lu de tel depuis La Maison des feuilles de Mark Danielewski mais c’est meilleur que Danielewski parce que plus court et ironique. II est important qu’un tel ouvrage existe, qu’il soit publié et que vous le lisiez. Pourquoi ? Parce qu’il est une tentative de renouveler l’art romanesque, sans prendre tout cela au sérieux. Évidemment c’est n’importe quoi, mais au moins l’auteur a essayé de réinventer quelque chose en jouant avec l’écriture (comme Édouard Levé avec ses phrases discontinues ou Jean-Jacques Schuhl avec ses collages). Il faut du courage aujourd’hui pour se permettre la même audace en littérature (et surtout la même insouciance) qu’un peintre sponsorisé par Pinault et Arnault.
En Tarzizanie est sous-titré « roman d’aventures pour enfants séniles ». Il s’agit d’un pastiche illicite du Tarzan of the Apes d’Edgar Rice Burroughs mais réécrit à la manière de William du même nom. Voilà : il faut s’imaginer l’auteur du Festin nu plagiant son homonyme ancestral à coups de « cut-ups ». Les phrases prennent la forme de lianes pour sauter de page en page ; le cri tyrolien de Johnny Weissmuller « oïoïoooo  » revient régulièrement comme un mantra ; c’est de la poésie bordélique et du rire libre, où il est beaucoup question de boisson et de toxicomanie (ceci expliquant peut-être cela). C’est par ailleurs une révolte contre le copyright mais pas si neuve que ça : rappelons que le dessin animé belge Tarzoon avait gagné son procès en 1978. L’important est que ça nous change de la littérature proprette en chambre froide. Oïoïoooooo !!!!

Frédéric Beigbeder, Le Figaro Magazine, 20 avril 2012



Les OLNI, ou objets littéraires non identifiés


Bal(l)ade en Tarzizanie, la patrie de Tarzizan, un des doubles du célèbre Tarzan (©)



Orion Scohy, l’auteur du formidable livre étrangement intitulé En Tarzizanie, prévient aimablement son lecteur dès la page
de titre : son troisième ouvrage est un « roman d’aventures pour enfants séniles ». Il dévoile son travail :
« ou comment s’égarer dans la jungle du ©opyright en moins de temps qu’il n’en faut pour le lire ».Et
explique encore comment il a composé, avec un logiciel gratuit, accessible à tous, le texte et les calligrammes qui l’ornent.
On note un net avantage aux lianes et aux cris, ce qui s’explique sans peine, et aux mouches, il nous dira pourquoi.

Comme Tarzan s’élançait d’un arbre à l’autre, suspendu à la végétation, il faut plonger sans hésiter dans ce roman
inclassable et réjouissant. Tarzizan a quitté femme et éléphants pour parcourir le monde. Orion Scohy nous le raconte sur
un mode historique rigoureux, mêlant roman, bande dessinée et chanson.

On rit très souvent dans cette aventure junglo-littéraire, tressée d’innombrables jeux de mots. On y réfléchit à
la notion de propriété intellectuelle et de personnage déposé, intouchable même cent ans après sa création. C’est
en 1912 que Tarzan est né de l’imagination d’Edgar Rice Burroughs. Douze ans plus tard, ce dernier fondait l’Edgar Rice
Burroughs Incorporation, une société destinée à gérer les intérêts liés à son personnage et à en protéger l’exploitation.
Les règles qui emprisonnent celui qui voudrait utiliser Tarzan sont tellement rigides qu’elles ont incité le Français
à les contourner. Que reprocher à Torzon, Tirzin, Turzun, Tourzyn, Quartzan ? Rien.


Un « Rêve creux » barré


En Tarzizanie est un joyeux mélange de genres littéraires, du plus sérieux au plus facétieux.
On y rencontre les animaux de la jungle dessinés avec les lettres qui forment leur nom. On savoure les notes de bas de page.
On devine ce que le romancier a écrit quand l’encre de son bic a manqué et que le texte pâlit de ligne en ligne. On veut
savoir pourquoi il a barré de traits obliques chacun des caractères imprimés entre les pages 108 et 111, une fable intitulée
« Ce rêve creux ». On rigole quand Tarzizan lorgne sur notre Martine (à la montagne, à la plage, etc.). On croise Winnie
l’ourson et Winsor McCay, le créateur de Little Nemo, un mystérieux Tu, des héros du cinéma. Finalement, avoir des références
littéraires importe peu. Il suffit de se laisser emporter par l’imagination d’Orion Scohy, de se laisser séduire par sa manière
de jouer avec la langue, de la tordre et de la remettre à l’endroit quand il en a envie, de repérer les mouches qui
jalonnent les pages. On aura lu, presque sans s’en rendre compte, tout un roman. Un livre précieux, car diantrement
ironique sous ses airs d’absolue fantaisie. En Tarzizanie libère l’écriture, mais aussi ses codes et ses lecteurs.
Aimable, l’écrivain nous glisse en « Addenda » une liste des centenaires de l’année 2012. Et s’il nous les racontait
aussi ?


Lucie Cauwe,Le Soir,4 mai 2012




l’ivre de la jungle


Un clone de Tarzan alcoolique, dépressif et clochardisé. Le fantasque Orion Scohy dézingue
le mythe dans son dernier roman, aussi inventif que perché.



Happy birthday Tarzan! Le Seigneur de la jungle à l’éternel micropagne panthère a 100 ans. Et le moins que
l’on puisse dire, c’est qu’Orion Scohy lui fait sa fête. Energumène passablement siphonné qui n’hésite pas à rivaliser
avec Johnny Weissmuller et Christophe Lambert pour promouvoir son dernier roman, Orion Scohy a déjà commis deux livres,
Volume, l’histoire d’un écrivain raté parue en 2005, et Norma Ramon (2008), " fantaisie
sous-réaliste, outrancière mais sceptique "
.

Cette fois, donc, il s’attaque à un mythe, pour ne pas dire une mythologie : Tarzan, le personnage créé en 1912 par Edgar Rice Burroughs. Comme Scohy le rappelle, le romancier américain fonda l’Edgar Rice Burroughs Incorporation afin de protéger l’exploitation de sa créature. L’ERB Inc. élabora ainsi une charte très stricte destinée à ceux qui auraient l’intention d’utiliser l’image de Tarzan. Parmi les règles édictées, Tarzan ne doit jamais être représenté en train de fumer, boire de l’alcool, maltraiter les animaux ou pris en flagrant délit d’insensibilité " envers les sentiments et le bien-être d’autrui ".

Evidemment, Orion Scohy prend un malin plaisir à transgresser un à un ces commandements. Plaqué par Jane - devenue
" DJ Janine " -, son Tarzan erre, s’offre une traversée du désert, se prend une cuite monstrueuse à l’occasion d’un
vernissage dans le Languedoc, se laisse pousser la barbe, perd sa voix (et donc son cri emblématique) et finit dans
les rues de Paris : " Il se dilue, se dissout - déjà qu’il n’était plus que l’ectoplasmique synthèse
fantasmée d’un lointain modèle hypothétique... Phase terminale de détarzanisation enclenchée. "

Pour éviter les foudres de l’ERB Inc., Scohy s’impose une contrainte quasi oulipienne : parler de Tarzan
sans le nommer. Pour cela, il recourt à des métaphores et autres périphrases comme " l’homme qui se prénomme-
autrement-que-Tarzan "
ou un simple " Lui "(qui fait craindre à l’auteur d’être poursuivi par
le magazine du même nom).

Ce grand détournement tarzanesque est surtout prétexte à une zizanie d’inventions graphiques
- calligrammes, "&nbsptypogrammes&nbsp", onomatopées, insertions de photos, d’articles, de poèmes... -, un déluge de
citations allant de Francis Ponge à Annie Cordy en passant par Jean Genêt et La Compagnie Créole,
et une orgie de jeux de mots - "&nbspma langue est une partouzeuse dégénérée&nbsp" - qui frôle parfois l’overdose
de calembours façon almanach Vermot. Dément, débile, délirant, ce voyage en Tarzizanie est un joyeux trip.
Un Livre de la jungle sous amphètes.


Elisabeth Philippe,Les Inrockuptibles,2-8 mai 2012























Vidéolecture


Orion Scohy, En Tarzizanie, Orion Scohy - En Tarzizanie - In bad with Orion Scohy - 2012

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