Polémiques et inédits
Œuvres complètes III
Préfacé et traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro
Carmelo Bene
Le troisième volume des œuvres de Carmelo Bene rassemble, dans la mesure la plus large possible, ce qui restait encore de non traduit. En particulier l’intégralité de Crédit italien V.E.R.D.I., publié chez Sugar en 1967, de Portrait de dame du chevalier Masoch par intercession de la bienheureuse Maria Goretti. Spectacle en deux cauchemars, et de Giuseppe Desa da Copertino ainsi que La Bouche ouverte, publiés chez Einaudi en 1976. Les autres œuvres sont partiellement représentées. En effet, de L’Oreille manquante, de La Voix de Narcisse, et de Je suis apparu à la Madone, sont retenus les essais et les morceaux inédits en...
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Le troisième volume des œuvres de Carmelo Bene rassemble, dans la mesure la plus large possible, ce qui restait encore de non traduit. En particulier l’intégralité de Crédit italien V.E.R.D.I., publié chez Sugar en 1967, de Portrait de dame du chevalier Masoch par intercession de la bienheureuse Maria Goretti. Spectacle en deux cauchemars, et de Giuseppe Desa da Copertino ainsi que La Bouche ouverte, publiés chez Einaudi en 1976. Les autres œuvres sont partiellement représentées. En effet, de L’Oreille manquante, de La Voix de Narcisse, et de Je suis apparu à la Madone, sont retenus les essais et les morceaux inédits en français, un choix de « fragments » ayant déjà été édité dans plusieurs publications. Par ailleurs, ne figurent pas dans cette édition les découpages de Lorenzaccio et d’Adelchi qui reprennent, sans vraiment les modifier, les œuvres respectives d’Alfred de Musset et d’Alessandro Manzoni.
Pour chacun de ces textes, la nécessité vitale de l’outrance ou, si l’on préfère, de l’excès. Et nul besoin de les attendre, comme s’il s’agissait de procédés de mise en scène. Outrance ou excès sont immédiatement là, instantanément présents dans tout dispositif, quel qu’il soit : roman, film, théâtre, critique. C’est le ressort à partir duquel les dérapages se mettent en branle.
Carmelo Bene a bouleversé, pendant quarante-cinq ans d’activité, les domaines dans lesquels il s’est investi en tant que créateur. Connu en France pour son cinéma (Hermitage, Notre-Dame-des-Turcs, Don Juan, Capricci, Salomé et Un Hamlet de moins) et en partie pour son théâtre (S.A.D.E., Roméo et Juliette, Macbeth et Macbeth Horror suite), il l’est moins pour son abondante production écrite qui a su élaborer différentes formes – du roman au pamphlet et à la poésie – en instaurant à chaque fois, avec « les genres », un rapport violemment critique. C’est l’ensemble de la problématique visant les formes de la « représentation » qui est au cœur de ce débat-combat : narration, théâtre, cinéma, radiophonie, poésie, scénarios, tout est soumis aux ciseaux d’une sensibilité qui a su élaborer non seulement ses propres formes d’interrogation, mais surtout sa mise en démonstration sur scène.
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La presse
Des bienfaits de l’outrance
La publication d’inédits de Carmelo Bene rappelle la vitalité essentielle d’une oeuvre sous le signe de l’urgence. Des billets de banque "flambant neufs" jetés par paquets entiers dans un feu de cheminée. L’homme qui fait ainsi cramer sa fortune n’est ni un trader fou, ni un désespéré. Jacob, héros de Credit italien V.E.R.D.I., initie par ce geste une série de dépouillements paradoxaux. Seul point commun possible avec le trader, son projet de se refaire. A cette différence près que pour Jacob, il s’agirait plutôt de se défaire selon les canons d’une quête négative qui le conduit à l’automutilation ultime où il lance "ses testicules tranchés dans la masse de son public abasourdi". Ce "presque récit", comme le définit son auteur, ouvre Polémiques et inédits, troisième volume des oeuvres complètes de Carmelo Bene (1937- 2002), traduites et préfacées par Jean-Paul Manganaro, où il côtoie notamment Portrait de dame du chevalier Masoch..., Giuseppe Desa da Copertino, La Bouche ouverte et La Voix de Narcisse. L’écriture de Carmelo Bene, qu’elle passe par le canal du roman, du poème, du cinéma, du théâtre ou de l’essai critique, renvoie toujours à la scène et plus précisément à la figure du comédien. En effet, pour Bene non seulement le personnage est toujours un acteur, mais le texte proprement dit est déjà l’acteur : "le texte est la voix". Un art qui, comme l’explique Jean-Paul Manganaro dans sa préface, s’appuie sur "la nécessité vitale de l’outrance". De ces "scénarios paroxystiques", Bene n’a tiré ni film ni mises en scène de théâtre. D’où l’intérêt d’avoir aujourd’hui accès à ces textes précieux, pour la plupart inédits en français.
Hugues Le Tanneur, Les Inrockuptibles, janvier 2013