— Paul Otchakovsky-Laurens

Tout va bien se passer

Nathalie Quintane

Le nouveau roman de Nathalie Quintane est une étonnante farce politique et littéraire qui fait écho avec impertinence et fantaisie au désordre de situation sociale. Tout se passe à Paris, non dans les rues obscures d’arrondissements périphériques, mais au beau milieu, dans les beaux quartiers. « Quel bonheur de retrouver notre capitale si aisément reconnaissable, de fières avenues en fiers boulevards – et bâtiments officiels ! » Car l’essentiel a lieu rien moins qu’à l’Elysée. C’est une prise d’assaut comique et romanesque, de salons en salons (voluptueusement décrits), sans jamais nous y perdre et en allant droit au but grâce...

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La presse

Épilation ministérielle, un conte cruel de Nathalie Quintane


Avec Tout va bien se passer, l’autrice de Que faire des classes moyennes ? imagine une fiction déjantée où l’Elysée est le théâtre d’une farce politique féroce.


Imaginez un torse de ministre. Pas d’homme politique déjà vu, suggère Nathalie Quintane. Pas celui d’un ministre de la Santé se faisant vacciner. Pas non plus celui de Poutine pêchant à la ligne dans la toundra. Celui du ministre qui rabroua une journaliste d’un « ça va bien se passer » agressif ? Imaginable. Le roman ne donne pas de noms. II précise que le torse est « sans tête et sans bras, coupé en haut des cuisses ».
Pourquoi ? Tout simplement parce que « la personne principale ne pouvait décemment pas être intègre », et qu’« il fallait bien le montrer sans que ça se sache ». La solution est de « dire “intégrale” quand on veut dire “intègre” ». Ainsi fonctionne la fantaisie de Nathalie Quintane. Les images et inventions sortent comme si « devant un tas de dominos vous piochez à toute berzingue ». Mais, pour décider de la pièce qu’il faut placer, c’est le langage qui impose ses règles. L’imagination apporte ses trouvailles folles que l’autrice agence avec la plus rigoureuse précision. Soit un torse, donc, ministériel. Celui d’un homme maniaque. Ne serait-il pas, alors, épilé ? Nathalie Quintane l’imagine donc sur le chemin de l’Élysée se faisant arracher à la pince sa pilosité par son secrétaire, puis tentant de surmonter rougeurs et inflammations. Suivant les moments, on le voit dans une apparence corporelle ordinaire, consultant son téléphone ou veillant à l’alignement des boutons de sa chemise, ou sans bras ni jambes.


Un logiciel qui intervertit la Belgique et la France

Une logique à la Gogol - on pense au Nez - préside à cette « anomalie » que personne ne remarque. On le retrouvera « en torse » dans une autre partie du récit, coincé à l’Élysée par des citoyens plus ou moins en colère qui le gavent pour prouver au pays « qu’il n’a pas été maltraité », dans une scène de « grande bouffe » plus burlesque et cruelle encore que celle de l’épilation.
Entre-temps, un nouveau personnage a surgi du passé. Lucile Franque, peintre - réelle - méconnue, installée à Passy dans la communauté des « Méditateurs » ou des « Barbus », des élèves dissidents de David, partisans d’une peinture romantique illustrée par des nus aux corps lisses en pâmoison. Avec la narratrice s’engage une discussion sur l’art. Mais nous sommes dans la science-fiction : un brouillard épais et chaud a envahi Paris. Impossible de faire visiter la ville du XXIe siècle à la voyageuse du Directoire. On utilisera donc le GPS et un logiciel aux effets étonnants, qui entre autres intervertit la Belgique et la France. Nos deux amies réussiront-elles à retrouver l’Élysée, ses cuisines et leur ministre ?
Soumise à la logique du signe de la littérature aux libellés cartographiques - et de ses potentiels, cette fiction apparemment déjantée reste cohérente et avec le travail littéraire de Nathalie Quintane, et avec ses positions politiques joyeusement ravageuses. On lira ainsi Que faire des classes moyennes ? réédité en poche chez P.O.L. Mais elle reste légère et drôle malgré la gravité des temps. Tout se passe bien quand on lit Nathalie Quintane.


Alain Nicola, L’Humanité, 2 novembre 2023


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