— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Choeur des femmes

Martin Winckler

Jean Atwood, interne des hôpitaux et quatre fois major de promotion, vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais au lieu de lui attribuer le poste convoité, on l’envoie passer son dernier semestre d’internat dans un service de médecine consacré à la médecine des femmes –  avortement, contraception, violences conjugales, maternité des adolescentes, accompagnement des cancers gynécologiques en phase terminale.

Le Docteur Atwood veut faire de la chirurgie, et non passer son temps à écouter des femmes parler d’elles-mêmes à longueur de journée. Ni servir un chef de service à la personnalité controversée. Car le...

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Espagne : Akal, Envol Editions | Russie : Ripol-Classic

La presse

Gynécomédie musicale


Une interne en gynécologie découvre son métier tel qu’il devrait être idéalement pratiqué. Dans un roman aux allures de comédie musicale, Martin Winckler plaide pour une pratique de la médecine enfin débarrassée de sa misogynie endémique.


Il y a quelque chose de fascinant à assister à la dernière saison d’Urgences en lisant Le Chœur des femmes de Martin Winckler. En fermant les portes du Cook County, et en faisant de cette ultime salve d’épisodes une sorte de flash-back géant, les réalisateurs reconnaissent qu’ils ont essoré tous les ressorts narratifs. Alors que Martin Winckler, qui estime le nombre total de ses publications à « une quarantaine », démontre qu’il est loin d’avoir épuisé son sujet avec ce roman passionnant, centré sur une semaine de la vie d’une interne affectée dans un service qui ne l’intéresse pas. Le rapport entre Urgences et les fictions de Martin Winckler ? Tous deux ont prouvé, dans les années 90, que la médecine pouvait être bien plus qu’un cadre pour la fiction : son sujet même. Et que le quotidien de leurs héros, dans ce qu’il a de plus prosaïque (les fameux « NFS, chimie, iono, gaz du sang ! », d’Urgences, les consultations dans la Maladie de Sachs de Winckler), permettait d’explorer la multiplicité des enjeux politiques de la pratique médicale et l’accumulation de failles intimes qui peut conduire des individus à revêtir la blouse blanche. Ce qu’il y a d’intéressant dans la concomitance entre le tarissement de l’inspiration dans Urgences et la grande vitalité d’imagination dont témoigne Le Chœur des femmes, c’est que Winckler, auteur de nombreux ouvrages sur les séries, n’a jamais caché tout ce que ses romans devaient à celle de Michael Crichton… Mais la littérature possède une capacité infiniment supérieure à fusionner les genres. Et donc à se renouveler.



Dans les premières pages de l’histoire de Jean Atwood, l’interne arrogante qui découvre progressivement qu’un médecin digne de ce nom est un soignant capable de ne pas se placer dans un rapport de supériorité avec ses patients, on pense pourtant que Winckler va nous servir une resucée de ses précédents romans, avec narration polyphonique, personnages manichéens mais séduisants, et militance en faveur d’une médecine humaniste – ce qui est fort louable mais déjà fait. Sauf qu’ici il étend et renouvelle son sujet avec ce livre résolument féministe. Dans le service de MLF (« médecine de la femme ») du docteur Franz Karma où Jean, qui se rêve chirurgienne est affectée, on croise le tout-venant de la gynécologie : renouvellement de plaquettes de pilules, avortements, pose de stérilets… En laissant la parole aux patientes, mais aussi à Franz K. et à Jean, Winckler révèle les ressorts misogynes de la pratique médicale contemporaine. Le service de Franz est une bulle à part, où l’on n’infantilise pas les femmes pour discuter de leur contraception. Où on ne les humilie pas quand il s’agit de les soigner, les examiner, les faire accoucher. Où on les écoute avant toute chose.


Dans Les Trois Médecins, Martin Winckler revenait sur les temps héroïques du combat pour le droit à l’avortement. À travers la formation de Jean, son évolution, il dit ici que les luttes pour une médecine débarrassée de ses tendances phallocrates sont toujours à mener. Et pas moins importantes aujourd’hui qu’il y a presque quarante ans. Par ailleurs, celui que l’on savait travaillé par le genre littéraire s’interroge ici, avec beaucoup d’acuité, sur le genre sexuel, à travers le thème de l’intersexualité (le fait de naître avec des attributs des deux sexes) , et les questions politiques qu’il adresse à la médecine, en même temps que celles, intimes, qu’il pose à ceux qui la vivent. Winckler renouvelle son propos et réussit à ne pas se répéter, parce qu’il invente une nouvelle forme. Après avoir emprunté sa trame aux Trois mousquetaires de Dumas pour Les Trois Médecins, il poursuit son travail sur les genres populaires. Parce qu’il ne dédaigne pas la littérature de divertissement et, corollaire, qu’il veut faire œuvre de pédagogie. Après le roman de cape et d’épée , il passe à l’opéra/opérette, voire à la comédie musicale tendance Julie Andrews. Il place l’écriture du Chœur des femmes du côté de l’oralité, et coule son intrigue dans une structure où alternent chants de groupes, solos et numéros de claquettes. Jusqu’à une fin toute en quiproquos, coups de théâtre et résolutiosn d’énigmes, assez grotesque mais finalement cohérente avec la forme adoptée. En refermant ce livre, on est certain d’une chose : les médecins du Cook County ont beau avoir raccroché leur blouse, on pourra toujours compter sur Martin Winckler pour nous fournir notre dose de fiction à stéthoscopes. Celle qu’irrigue sa bienveillance jamais niaise envers le genre humain, et qui prouve qu’il doit être aussi bon médecin qu’écrivain.


Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles, 25 août 2009



L’auteur de « la Maladie de Sachs » raconte la relation entre un patron et son interne pour défendre une certaine idée de la médecine. Un peu plus de dix ans après « la Maladie de Sachs », Martin Winckler renoue avec le roman médical et nous plonge dans l’unité 77 « médecine de la femme » du CHU-Nord de Tourmens. C’est là qu’officie le Dr Franz Karma, surnommé « Barbe-Bleue". C’est là aussi que débarque l’interne Jean Atwood, qui se destine à la chirurgie gynécologique. Rien de bien excitant pour cet as du bistouri, car dans le service de Karma on passe son temps à écouter des femmes parler. Des histoires de femmes qui rythment le roman de Martin Winckler, inspirées par sa longue expérience de « médecin de campagne. ». En une semaine, Atwood aura trouvé sa voie... Un roman qui donne envie d’aller se faire soigner par ces deux-là.


Sylvie Prioul, Le Nouvel Observateur, 3 septembre 2009



Médecin généraliste et écrivain, auteur du best-seller La Maladie de Sachs, Martin Winckler, désormais installé au Québec, vient de publier Le Chœur des femmes. Dans ce nouveau roman nourri par sa pratique médicale, il donne la parole aux femmes de tous âges et de toutes conditions. Cette plongée au cœur d’un hôpital de province est bouleversante. Contraception, avortement, coups de cœur et pannes de désir… On accompagne une jeune interne en gynécologie à la rencontre des patientes, dans son apprentissage d’une médecine plus humaine. Et, au passage, on glane des informations indispensables sur le bon usage de la pilule et du stérilet. Mais on croise aussi, en arrière-plan, des praticiens hautains et parfois incompétents. Ou quand la fiction permet à Winckler la forte tête de réaffirmer son credo : alors que le nombre d’avortements est très faible aux Pays-Bas, la France vit encore au Moyen Âge de la contraception. « Le soignant, c’est celui à qui le patient prend la main », rappelle-t-il en exergue d’un des chapitres.


Anne-Laure Barret, Le Journal du dimanche, 27 septembre 2009



Soigner, écouter, entendre


À la manière d’une série américaine, Martin Winckler ausculte le quotidien d’un service de gynécologie, plaidant pour une médecine plus humaine.


« Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes », écrivait le prix Nobel de littérature Maurice Maeterlinck dans Pelléas et Mélisandre. Plus d’un siècle après lui, le moins classique Martin Winckler semble porter la même supplique, mais en la ramenant à un champ plus trivial, celui de la relation médecin-patient, semblant crier à chaque ligne de son livre : « Ayez pitié du corps des femmes ». Le roman étonnant qu’il vient de publier apparaît comme une plaidoierie pour une médecine plus humaine, pour le respect et l’écoute de leurs patientes par les gynécologues et obstétriciens qui les conseillent, les soignent, les accouchent. À travers la semaine de stage d’une jeune et brillante interne en gynécologie auprès d’un vieux généraliste, le lecteur va suivre le quotidien d’une consultation de gynécologie en hôpital de jour, quelque part en France. Il va entrer aussi dans ce qui ressemble à une de ces séries télévisées se déroulant dans l’univers médical : un style direct sinon familier, un suspense croissant, un savant mélange d’univers professionnel et de vie privée des personnages, une inimitié pour point de départ dont on sent qu’elle va évoluer vers le respect mutuel, un héros sympathique, deux ou trois méchants…, c’est parti pour six cent pages qui se dévorent d’un traite, même dans des évolutions un peu tirées par les cheveux. Car cela fonctionne bien, cette alternance de « zooms » sur une histoire particulière, qui permettent de toucher pleinement le ressenti de ces femmes dont Winckler tente de faire comprendre la complexité, la fragilité et l’impuissance face au corps médical.


Pénétrer dans une consultation de gynécologie, c’est voir et entendre tout ce qui s’y passe, tout ce qui s’y dit et s’y demande : les modes de contraception, de la pilule aux implants ou à la stérilisation, les viols, les cancers, les IVG, les fausses couches, les difficultés sexuelles des couples, la sexualité « libre » de certains, et même la question de l’identité sexuelle dont l’auteur fait un point central de son livre à travers la question, non de l’homosexualité, mais de l’intersexualité, c’est-à-dire la pathologie d’un enfant au caractère sexuel mixte à sa naissance. Autant de propos qui pourront déranger les lecteurs. Mais ce roman se veut une manière d’entrer dans l’univers des femmes et de comprendre de l’intérieur leurs motivations, leurs peines et leur ressenti. En cela, le livre, écrit par un médecin évoque de manière inédite des sujets souvent méconnus, et permettra à ceux qui n’en sont pas familiers de saisir ces situations douloureuses. Son livre n’est pas un livre pour les femmes, mais pour chaque patient. Qui ne s’est pas senti un jour paralysé devant un médecin ? Le point de vue de Martin Winckler pourra heurter quand il touche aux questions éthiques, d’autant que l’auteur ne cache pas ses convictions pro-choix. Mais sa volonté ne semble pas provocatrice, plutôt sociale (avec un seul souci : rassurer les patientes), voire engagée lorsqu’il fustige certains de ses confrères praticiens qui enchaînent les consultations, croient soigner alors qu’ils n’entendent pas. S’il a choisi de titrer Chœur des femmes, c’est bien que toutes ces voix, quelles que soient leurs origines, leurs situations sociales ou familiales, semblent s’unir pour demander une écoute simple et humaine.


Sabine Audrerie, La Croix, jeudi 1er octobre



Winckler connaît la musique


Jean Atwood, brillante interne à vocation chirurgicale se voit infligée un passage auprès du Dr Franz Karma, un généraliste chef d’une unité de médecine de la femme, plus tourné vers la parole que vers l’anesthésie. De ce télescopage inévitable, Martin Winckler, médecin romancier, fait un chant opératoire lyrique.


Lecteurs qui entrez dans la centrifugeuse gynécologique de l’unité 77 de médecine de la femme de l’hôpital de Tourmens dirigée par le Dr Franz Karma, dit Barbe-Bleue, accrochez vous. La lecture de ce roman à prétention pédagogique ne se fait pas sans agacement, ni impatience. Le Dr Winckler irrite, gratouille, chatouille les points sensibles. À l’exemple des séries télés qu’il connaît si bien, on ricane de cet opéra-doc, on se moque de ce médi-mélo. Pourtant on ne décroche pas. Le coriace Martin Winckler, intarissable donneur de leçons, est en effet au meilleur de sa forme. Jean (prononcez djinn) Atwood, la récitante de ce Chœur des femmes, l’était aussi en arrivant dans son service. Brillante interne, passionnée de chirurgie, « le scalpel entre les dents » son doyen a fait ce séjour dans cette improbable unité 77, le passage obligé vers la voie royale du pouvoir hospitalier. Autant dire que la belle n’en a « vraiment rien à battre » de ce « barbu mal dégrossi qui n’est même pas gynécologue mais généraliste ! ». Mais le cœur à ses raisons que la future mandarine ne connaissait pas. Immergée dans l’univers karmaien, Jean va s’ouvrir et se métamorphoser.


Dans ce roman, parfois ambigu, qui gravite autour de la question de l’identité, sa mue médicale lui permettra de découvrir sa véritable vocation. Mais aussi d’affronter sa propre vérité. Car, genre oblige, il y a un secret dans ce roman-fleuve. Que serait une aventure médicale sans secret ? Une mécanique sans ressort. Fondée sur l’oralité, l’essentiel de cette conversion de l’intégrisme chirurgical à la médecine participative, de l’enseignement vertical hiérarchisé à la transmission horizontale (sans équivoque) s’appuie sur les rencontres, mais aussi sur l’intrusion de mails, de chansons et l’écoute de monologues intérieurs. Alternant le chœur antique des femmes et l’aria du discours singulier, cette longue mélopée avance dans un corps à corps souvent chaotique, parfois archaïque. Certains lecteurs seront en désaccord avec cette vision de la femme et de la médecine. Ce roman ne prétend pas être une conférence de consensus. Mais nul doute que cette partition polyphonique sous tension révèle des échos sinon des consciences. Reste sa lecture. Avaler l’ensemble de la série Urgences ou Dr House en une soirée, vous serait fatal. Administrée en épisode homéopathique, on y prend goût. Le découpage habile ne chapitre courts maintient la cadence ; le tempo devient haletant. Pas de doute, Martin Winckler connaît la musique.


Jean-Michel Ulmann, Le Temps libre, 1er octobre 2009



Docteur fou d’amour


Il fait bien des histoires, Martin Winckler ! Des torrents d’histoires d’autres vies que la sienne, celles de femmes d’aujourd’hui qu’il raconte avec une ferveur… toute féministe.


Le Chœur des femmes s’ouvre comme dans une série américaine – dont Winckler est fin connaisseur – par un duo aussi classique qu’efficace : deux êtres que tout oppose sont contraints de faire un bout de chemin ensemble. Revus par le docteur Winckler – déjà auteur de La Maladie de Sachs et des Trois médecins –, le bon et la brute portent des blouses blanches et se battent à coups de stéthoscope pour l’un, de scalpel pour l’autre. Franz Karma est l’archétype du généraliste comme on en rêve, Zorro de l’écoute et grand gourou de la fraternité avec ses patientes plutôt qu’avec ses pairs dont il fustige l’archaïsme et la misogynie. Marre qu’on traite les malades comme des enfants, et plus encore les femmes parce que ce sont des femmes. Et ses confrères, bien sûr, de railler sa « psychologie de soutien-gorge ». Jean – prononcer Djinn pour éviter l’ambiguïté, on croit d’abord que c’est un homme, Winckler n’est pas avare de surprises – est, elle, un petit génie du bistouri qui s’est forgé une armure de Jeanne d’Arc pour s’imposer dans un milieu macho. Interne, elle doit, pour obtenir le poste de chirurgien de ses rêves, vivre une saison en enfer, six mois dans le service Médecine de la femme de Karma. Elle qui était faite pour inciser, réparer des corps endormis, se retrouve à tenir la main, pire, à écouter des voix qui n’en finissent pas de résonner une fois la consultation terminée. Et là, Winckler s’en donne à cœur joie pour conter les histoires de toutes ces femmes : je ne supporte plus ma pilule, j’ai 48 ans et je voudrais savoir si je peux encore avoir des enfants, j’ai déjà subi trois IVG, j’ai mal, j’ai peur, je ne comprends pas ce qui m’arrive … La force de Winckler est de fabriquer du romanesque avec du documentaire. Chaque corps a une histoire, chaque corps est une histoire. Du coup, côté lecteur, attention, l’addiction guette, exactement la même que celle qu’on attraper en regardant Urgences ou en lisant Les Trois Mousquetaires. Impossible de s’arrêter, le pavé se dévore en quelques nuits blanches. Mais le docteur Winckler n’est pas le Dr House, même s’il est un adepte du second degré. Que dire face aux douleurs inexpliquées qui durent depuis des mois, aux saignements qui pourrissent la vie, aux angoisses de la grossesse ou de la stérilité ? Le roman est aussi un manifeste pour une gynécologie moderne, débarrassée de paternalisme et de tout jugement moral, ainsi qu’une réflexion ébouriffante sur la différence des sexes.Mais Winckler n’oublie jamais qu’il est un écrivain. Si le médecin a tous les égards avec ses patientes, le romancier a tous les culots avec ses lecteurs. Il ose le rocambolesque à tous les étages, il joue la carte du romanesque à toutes les pages ; le dernier tiers du livre est littéralement dingue avec des rebondissements dignes des feuilletons de l’été. Composé comme une comédie musicale, avec des solos, des duos, des chansons même, Le Chœur des femmes captive par sa prose exubérante et l’énergie d’un auteur en pleine santé.


Olivia de Lamberterie, Elle, 16 octobre



Médecins de femmes


Deux soignants s’affrontent sur des méthodes qui divergent.


Le docteur Atwood n’aime pas du tout les patientes qui viennent raconter leurs histoires de bonnes femmes. Celles qui ont mal au ventre, mal aux seins, pas envie de faire l’amour sur commande, peur de tomber enceinte ou de ne pas avoir d’enfant. Elle préfère le bloc aux salles d’accouchement, apprécie les scalpels, le bistouri électrique, ces objets solides, qui ne disent rien, obéissent à ses ordres et ne la déçoivent jamais. Mais avant d’obtenir son poste de chef de clinique et de se consacrer à la chirurgie gynécologique, le jeune femme doit passer six mois à l’unité 77, « médecine de la femme », sous les ordres du docteur Franz Karma. Et Karma, c’est tout le contraire d’un obsédé de l’incision. Il fait de la médecine modeste, s’installe à son bureau en retirant sa montre et prend le temps d’écouter toutes les voix qui forment « le chœur des femmes ».


Cette opposition franche entre Atwood et Karma est le fil conducteur de ce roman qui conserve jusqu’au bout une dynamique de feuilleton par sa construction découpée en scènes fortes suivies de moments intimistes. Comme dans La Maladie de Sachs où Martin Winckler décrivait le quotidien d’un médecin généraliste, Le Chœur des femmes est un grand roman populaire doublé d’un pamphlet salutaire. C’est un livre de combat, singulier et convaincant, porté par une écriture qui veut rester proche de l’oralité. Grâce au travail sur la langue, le lecteur « entend » celles qui viennent à tour de rôle évoquer leurs doutes et leurs peurs, mais aussi la misogynie de la médecine transformant le praticien en un dieu tout-puissant. Et la force de Martin Winckler est d’avoir choisi une femme ambitieuse pour représenter ce triomphe machiste de l’acte face à la parole. Longtemps, Atwood n’écoute pas, ne comprend pas, n’entend rien lors des consultations de Karma. Elle se tortille sur sa chaise, agacée, voire choquée, par tout ce temps perdu à ne rien faire. Le lecteur sait qu’elle va changer, s’humaniser auprès du patron-gourou, alors l’auteur s’amuse à baliser le terrain puis à nous entraîner dans un final rocambolesque qui laisse dubitatif. Mais on retiendra surtout de ce livre sincère et généreux les paroles des filles et des mères, seules avec leurs détresses, empêtrées dans leurs inquiétudes, en ce XXIe siècle qui confond tristement progrès et humanité.


Christine Ferniot, Le Soir, novembre 2009



Le nouveau roman de Martin Winckler peut se lire à deux niveaux.


Dans le droit-fil de ses précédents ouvrages, le premier fournit son contexte à l’intrigue. Il nous renvoie l’image de la médecine contemporaine et de ses deux visages antagonistes : d’un côté, une pratique adaptée à l’individu qui consulte le médecin et le respecte ; de l’autre, un univers rigide où c’est au patient de plier devant le médecin, dépositaire du savoir et de conceptions transmises de génération en génération. Le second niveau, celui de l’intrigue elle-même, file le thème de l’ambiguïté ou de l’incertitude sexuelle. […] Cela dit, Winckler a le grand mérite d’avoir choisi un thème qu’on ne déflorera pas trop, puisqu’il constitue le secret de son héroïne, mais qui met au jour des souffrances intimes, largement aggravées par le comportement normatif du corps médical. À travers son expérience de praticien et les nombreux échanges avec les internautes qui visitent son site Internet, Martin Winckler a glané une foule d’histoires et de détails sur ce qui se dit ou ne se dit pas dans le huis clos de la consultation. La plupart de ces situations témoignent éloquemment du vécu, des attentes et du poids qui pèsent sur les femmes, de génération en génération. Ils disent aussi l’inaptitude de la plupart des médecins à y répondre. Prolongeant cette riche matière humaine, Martin Winckler défend une autre médecine où le respect de l’individu est une vertu cardinale. « On ne peut pas soigner les hommes et les femmes en partant du principe qu’ils mentent !  », s’emporte le docteur Karma. On ne peut que souscrire à son combat.


Paul Benkimoun ,Le Monde, 5 novembre 2009


Vidéolecture


Martin Winckler, Le Choeur des femmes, Le Choeur des femmes - Montréal - 2009