Francis Scott Fitzgerald est né le 16 septembre 1896 à Saint-Paul, Minnesota, et mort le 21 décembre 1940 à Hollywood.
Dans les dernières pages de Gatsby (1925), il prête au narrateur des souvenirs et un sentiment d’appartenance au Middle West qui sont sans doute les siens :
« Parmi les souvenirs les plus intenses de ma vie, il y a ces retours dans l’Ouest, pour Noël, quand j’étais en classe prépa et plus tard à l’université. Ceux qui se rendaient à l’ouest de Chicago se retrouvaient à la vieille et sombre Union Station vers six heures, un soir de décembre, avec quelques amis qui habitaient Chicago, déjà en vacances, déjà tout absorbés par leurs distractions respectives, pour leur dire en vitesse un dernier au revoir. Je me...
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Francis Scott Fitzgerald est né le 16 septembre 1896 à Saint-Paul, Minnesota, et mort le 21 décembre 1940 à Hollywood.
Dans les dernières pages de Gatsby (1925), il prête au narrateur des souvenirs et un sentiment d’appartenance au Middle West qui sont sans doute les siens :
« Parmi les souvenirs les plus intenses de ma vie, il y a ces retours dans l’Ouest, pour Noël, quand j’étais en classe prépa et plus tard à l’université. Ceux qui se rendaient à l’ouest de Chicago se retrouvaient à la vieille et sombre Union Station vers six heures, un soir de décembre, avec quelques amis qui habitaient Chicago, déjà en vacances, déjà tout absorbés par leurs distractions respectives, pour leur dire en vitesse un dernier au revoir. Je me rappelle les filles en manteaux de fourrure qui arrivaient de la pension de Miss Machin-Chose, les bavardages qui embuaient l’air glacé, les mains qu’on agitait par-dessus d’autres têtes, lorsqu’on apercevait de vieilles connaissances, les concours de mondanités : “Tu vas chez les Ordway ? les Hersey ? les Schultze ?" et les billets de train, oblongs et verts, qu’on gardait bien serrés dans nos mains gantées. Et, enfin, les wagons jaunes et délabrés de la ligne Chicago-Milwaukee-St Paul, qui nous attendaient, aussi pimpants à nos yeux que Noël lui-même, le long du quai, de l’autre côté du portillon.
Lorsqu’on s’enfonçait dans la nuit d’hiver, que la neige, la vraie, la nôtre, venait nous encercler et s’accrocher en scintillant aux fenêtres et que défilaient les lumières voilées des petites gares du Wisconsin, l’atmosphère se chargeait soudain d’une franche et sauvage dureté ; nous l’aspirions à pleins poumons en revenant du wagon-restaurant et en traversant les plates-formes gelées, pleinement conscients, dans l’intervalle étrange de cette première heure, d’appartenir à cette région, avant de nous y fondre à nouveau, indistinctement.
Mon Middle West à moi, c’est celui-là : pas celui des blés, des prairies, ou des petites villes paumées fondées par des colons suédois, mais cette excitation qui s’emparait de moi lorsque je prenais le train pour rentrer chez moi, dans ma jeunesse, les réverbères et les grelots des traîneaux qui émaillaient ces ténèbres glacées et les ombres que les couronnes de houx, accrochées aux fenêtres illuminées, dessinaient dans la neige. C’est de là que je viens : les hivers interminables m’ont rendu légèrement austère et je tire une légère fierté d’avoir grandi dans la maison “Carraway", dans une ville où, même au bout de dizaines d’années, on continue à donner aux bâtiments le nom de la famille qui les a fait construire. Je me rends compte à présent que cette histoire est, au fond, une histoire de l’Ouest – Tom et Gatsby, Daisy, Jordan, moi, nous étions tous de l’Ouest et nous partagions peut-être une forme d’inadaptation qui nous rendait insidieusement inaptes à la vie qu’on mène dans l’Est. »
Son père vient d’un milieu modeste et vivote, de faillite en faillite, grâce à l’héritage de sa mère. Fitzgerald grandit avec la conscience de ce déclassement et nourrit très jeune des rêves de grandeur, de gloire, de fortune qui seront d’autant plus cruellement déçus qu’ils semblent, dans un premier temps, se réaliser : admis à la prestigieuse université de Princeton, il la quitte sans diplôme ; engagé en 1917, il reste cantonné en Alabama jusqu’à l’armistice ; il y rencontre Zelda, l’épouse deux ans plus tard : elle sombrera dans la folie ; son premier roman, L’Envers du paradis (1920), remporte un énorme succès, mais les suivants sont des échecs.
Autour du personnage s’est forgée une image plus ou moins exagérée, presque légendaire, celle d’un dandy alcoolique, noceur invétéré, incarnation exemplaire de ce que Gertrud Stein a appelé « la génération perdue ». Associé à l’atmosphère dissolue et désespérée de l’entre-deux guerres, à ces « années folles » que les Américains désignent plus couramment comme « l’âge du jazz », il n’a pas pu participer à la Grande Guerre, a donc vu lui échapper la possibilité d’un destin héroïque, et s’est rabattu sur des exploits plus triviaux de noceur, d’ivrogne, d’écrivain à la mode. Comme les Romantiques un siècle plus tôt, il s’identifie à une génération arrivée à l’âge adulte sans avoir pris part aux glorieux combats qui ont immédiatement précédés – l’épopée napoléonienne étant remplacée dans son cas par la première guerre mondiale. La mythologie littéraire l’unit pour toujours à sa femme, Zelda, avec qui il forme un couple maudit, et qui finit internée dans un asile d’aliénés dans lequel elle meurt brûlée vive, lors d’un incendie qu’elle a sans doute provoqué. Obsédé par la réussite sociale et financière, l’écrivain séjourne régulièrement en Europe, où il partage l’existence d’autres riches Américains oisifs avec qui il fait la fête ; sa carrière, après des débuts prometteurs, connaît de nombreux échecs publics et critiques ; l’alcoolisme, la dépression, la maladie mentale de sa femme précipitent sa déchéance : après avoir vainement tenté une carrière de scénariste à Hollywood dans les années trente, il meurt d’une crise cardiaque à quarante-quatre ans, dans la solitude et la misère.
Comme le résumait brillamment Bernard Frank dans sa préface à l’édition de poche de Gatsby en 1962 : « Avec lui, c’est la fête, et on n’a pas honte de s’y trouver. Pour une fois nous allons faire du ski nautique, de la pêche sous-marine sur une Côte d’Azur française presque vide. Pour une fois nous allons aimer le teint de notre peau. Sous de gais parasols, à l’heure où le soleil est le plus chaud, nous boirons du champagne rosé et nous grignoterons du caviar. Pour une fois nous allons bavarder avec de ravissantes jeunes filles, riches, sottes, exquises pour tout dire. Fitzgerald avait compris quelque chose de très calé et de très simple : que la vie, c’est-à-dire la fête, était aux mains des riches. Et que ce n’était vraiment pas possible de la leur laisser toujours, tout le temps. Ils étaient vraiment trop bêtes, trop maladroits, trop avares, trop ennuyeux, enfin ce n’est pas la peine de continuer, je n’invente rien, vous les connaissez aussi bien que moi. Fitzgerald s’était malheureusement aperçu que la richesse permettait non seulement l’achat de truites fumées, mais qu’elle créait un langage particulier et délicieux. Les belles filles riches ne demandent pas mieux que d’être réveillées un mois ou deux par un prince charmant, n’ayant rien à faire de devenir, le temps d’un été, des créatures romanesques. Ce fou de Fitzgerald se ruina (je parle, bien entendu, de sa santé aussi bien que de sa fortune) en essayant de créer une Compagnie qui concurrencerait celle des riches. Les riches sans les riches. Ce genre d’exercice ne pardonne pas. Il mourut à quarante-quatre ans, complètement usé. »