— Paul Otchakovsky-Laurens

Pendant la matière

Valère Novarina

Valère Novarina a consigné dans ces pages remarques et réflexions sur l’art, l’écriture, le théâtre, venant d’un « Cahier noir ». Il l’a fait à sa manière lapidaire et violente, non pas sur le terrain de l’analyse spéculative mais sur celui de la littérature, de la poésie.


« Penser n’est pas avoir des idées, se composer une opinion ; penser, c’est attendre en pensée, avoir corps et esprit en accueil. De même parler, ça n’est pas traduire quelque chose en mot et savoir s’exprimer mais c’est attendre aussi la parole. »


 

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La presse

Parole de chair


Le public vient aux spectacles de Valère Novarina, auteur, metteur en scène, peintre, acteur frustré, avec l’intention secrète de leur arracher un lambeau de vérité. On y vient, il faut l’avouer, la gorge nouée, un brin honteux d’en attendre tout. A chaque fois la même attente. Rarement déçue. C’était le cas, cet été en Avignon, avec l’ébouriffante suite au Discours aux animaux, intitulée L’inquiétude ; ce le sera cet automne, sûrement, avec le désarmant Je suis, proposé en ouverture du Festival d’automne.


Inflexible Novarina : soucieux d’avoir à rendre des comptes sur l’ordre de sa création, il nous ouvre en même temps que ces spectacles l’accès à ses carnets de travail dont le résultat est consigné sous le titre Pendant la matière. Sous ses airs de grand subversif éructant, Novarina cachait des trésors de sérénité : c’est ce qui ressort de ces exercices appliqués de méditation théâtrale. Présentées comme une suite volontiers capricieuse de notes, ces réflexions brèves ont quelque chose d’émouvant. On n’y entend plus les colères à la Louis de Funès dont toute la prose de Novarina résonne, mais les hésitations, voire les timidités du travailleur de théâtre, les répétitions du penseur du corps, les images en écho du poète authentique. Et comme toujours avec Novarina, c’est l’organisme qu’on atteint sans transition. Direct à l’émotion. Novarina se concentre sur quelques opérations essentielles qui toutes se rapportent au théâtre : « l’entrée du monde, la sortie et notre délivrance de tout ».


Novarina, qui sait qu’ « il y a un théâtre en personne dans la chair », vous définit en douceur une dynamique, une pneumatique et une véritable énergétique du travail théâtral. Prise de possession totale de la parole, tension musculaire à l’appui : les rapports entre les mots, tantôt cailloux rocailleux tantôt morceaux de pain, et la bouche sont définis avec toute la candeur de l’intelligence théâtrale. Mais c’est dire trop peu ou pas assez : il faut aller y voir, car dans sa manière de remettre les sens à vif, cette technique de pensée fait de Pendant la matière, un livre accompagnateur plus efficace que tous les pseudo-guides à l’usage des acteurs.


Par Patrick Gourvennec, Le Nouveau Courrier de la Presse, le 4 septembre 1991.


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