— Paul Otchakovsky-Laurens

La Maison cinéma et le monde 1

Le Temps des Cahiers (1962-1981)

Serge Daney

Serge Daney, en bon journaliste, écrivait au jour le jour et dans l’urgence. Le brio de ses critiques dans les colonnes des Cahiers du cinéma, de Libération ou de Trafic, la violence de ses interventions, alliée à un sens exacerbé de l’actualité, ont trop souvent dissimulé aux yeux de ses lecteurs les plus attentifs le fil rouge de ses partis pris, cette basse plus continue de sa cinéphilie où la permanence de ses goûts l’a généralement protégé de l’impermanence de ses doutes, bref quelque chose comme l’invariance de sa pensée derrière les variations de ses idées. Le montage de ses textes induit par la...

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Traductions

USA : Semiotexte

La presse

Pour ceux qui connaissent surtout le Daney de Libé, dont l’écriture jubilatoire fonctionnait comme un orgasme permanent, la découverte de ces articles est particulièrement surprenante. Parce qu’ils y découvriront toutes les étapes d’un long cheminement intellectuel, jusqu’à ce que Daney devienne le dernier jalon connu d’une tradition très française de la critique d’art, qui va de Diderot à Truffaut en passant par Baudelaire, Malraux ou Élie Faure, pour reprendre la généalogie de Godard.


Ceux qui n’ont lu Daney qu’après sa mort se plongeront dans des textes de feu, qui peuvent parfaitement se lire sans la connaissance de leurs objets d’étude, comme toutes les vraies avancées critiques, et forment en creux l’histoire des idées sur le cinéma de la seconde moitié de ce siècle : de l’anoblissement interprétatif du plus grand art populaire qui soit (le cinéma hollywoodien) à la défense des modernités cinématographiques les plus radicales (par exemple Manoel de Oliveira, un des cinéastes de chevet de Daney) ; sans oublier quelques exemples saisissants de critique cinématographique au risque du structuralisme (l’article consacré à L’Enfant sauvage de Truffaut ne se lit pas sans difficulté, doux euphémisme…) ou de violence politique tendance Mao.


Les Inrockuptibles, 27 février 2001



Daney possédait l’art de commencer un texte, l’entamer d’un trait pour vous prendre ensuite par la main et, ensuite, l’emmener loin. L’enjeu chez lui étant non pas d’avoir le dernier mot, mais d’en proposer le premier. Daney n’abusait pas du « je ». Il se passait formidablement bien de cette première personne du singulier que la période refoulait au profit du collectif. On devine chez lui un malin plaisir à détourner l’ingrate machine d’énonciation de l’époque (à commencer par l’orgie d’italiques et de points d’interrogation) pour la transformer en appareil à nouer une discussion dont il faudrait avoir le courage de dire qu’elle relevait aussi d’une forme de folie bavarde, de certitude d’avoir toujours un interlocuteur à vue, fût-il aussi silencieux qu’une page. Chaque texte est de ce dialogue à une voix, sans feedback, suspendu au silence, abreuvé de réponses aphones. Autre chose qu’un monologue.


Libération, 14 mars 2001


Son

Serge Daney, La Maison cinéma et le monde 1 , Marguerite Duras invitée de Serge Daney Mircofilms avril 1987 France Culture