« Serge Daney est né en 1944. Il ne connaîtra jamais son père. Son enfance se passe à Paris, près de sa mère qu’il aima. En 1959, il “entre en cinéphilie". Son professeur de français, Henri Agel, mettait au voix le choix suivant : ou passer une heure sur un texte de Tite-Live ou voir des films. Il y eut ainsi Nuit et brouillard : “C’était donc par le cinéma que je sus que la condition humaine et la boucherie industrielle n’étaient pas incompatibles et que le pire venait juste d’avoir lieu."
Puis, il y eut l’article de Rivette, en juin 1961, dans Les Cahiers du cinéma : De l’abjection - pour mémoire, Rivette y fustigeait la manière dont Pontecorvo filmait, dans Kapo, une scène dans un camp de...
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« Serge Daney est né en 1944. Il ne connaîtra jamais son père. Son enfance se passe à Paris, près de sa mère qu’il aima. En 1959, il “entre en cinéphilie". Son professeur de français, Henri Agel, mettait au voix le choix suivant : ou passer une heure sur un texte de Tite-Live ou voir des films. Il y eut ainsi Nuit et brouillard : “C’était donc par le cinéma que je sus que la condition humaine et la boucherie industrielle n’étaient pas incompatibles et que le pire venait juste d’avoir lieu."
Puis, il y eut l’article de Rivette, en juin 1961, dans Les Cahiers du cinéma : De l’abjection - pour mémoire, Rivette y fustigeait la manière dont Pontecorvo filmait, dans Kapo, une scène dans un camp de concentration -, Daney “avait trouvé sa famille". En 1964, il occupe les marches des Cahiers et publie ses premiers textes ; la médiation de Jean Douchet a été précieuse. À partir de 1968, il voyage ; Daney aimait les voyages et leurs rencontres, les longues marches, simples et nues. En 1973, il revient aux Cahiers qu’il prend en mains. Il les quitte à trente-cinq ans, en 1979 : “Le bilan de ces années Cahiers n’est pas extraordinaire, je pensais qu’en étant aux Cahiers, nous hériterions d’une génération prestigieuse et que nous allions nous-mêmes devenir prestigieux. En fait, pour se singulariser on a fait plutôt des bêtises... On a failli couler le bateau. Puis on l’a courageusement remis à flot et la revue a survécu. Le paradoxe, c’est que tout ce que j’avais un peu raté aux Cahiers, je l’ai réussi à Libération... Les textes de cette époque sont rassemblés dans La Rampe" (Gallimard, Cahiers du cinéma, 1983).
Il dirige alors le service cinéma de Libération et se rend compte qu’il est plus facile d’écrire je dans ce journal. Les textes de cette période sont réunis dans Ciné-Journal (Les Cahiers du cinéma, 1986) et Devant la recrudescence des vols de sacs à main (Aléas).
Pas satisfait de l’enfermement cinéphilique pur et dur, il tente de mettre sur pied un service images ; il renonce en “arrêtant de s’occuper du cinéma à Libération, ne croyant plus à son œucuménisme gai." Il continue cependant à donner des textes sur le tennis, la télé, en toute liberté. La plupart de ces écrits sont dans Le salaire du Zappeur, (Ramsay, 1983/P.O.L, 1992), Devant la recrudescence des vols de sacs à main, (Aléas, 1991). Il y a l’incident Berri, suite à son texte incendiaire contre Uranus. Il se sent lâché.
En 1991, il fonde, chez P.O.L, la revue Trafic: “Aujourd’hui, il s’agit de remettre le cinéma, et le cinéma seul, dans une histoire qui ne serait plus synchronique mais diachronique : d’où l’idée de créer Trafic". Il confie ainsi à Serge Toubiana : “Il y a une seule décision positive et elle est du genre “terminus, tout le monde descend" : c’est Trafic. Mais je suis très fier, finalement, d’avoir découvert que j’étais capable d’un acte positif."
Daney aimait le cinéma, la corrida et le tennis. Godard, Hawks, Straub et Huillet, Ford, Mizoguchi, Lang, Welles, Garrel, mais aussi Blanchot et quelques autres reviennent souvent dans son œuvre. Il détestait la tradition française et tenait La Nuit du chasseur pour le plus beau film américain du monde, peut-être parce que “le cinéma, c’est l’enfance."
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Serge Daney est mort le 12 juin 1992. »
(Éric des Garets)
Également aux éditions P.O.L : Persévérance. Entretien avec Serge Toubiana.