Lorsqu’un tremblement de terre, suivi d’un terrible tsunami, a frappé le nord du Japon le 11 mars 2011, l’auteur se trouvait à Paris. Elle était rivée à la télévision. Les images qui s’imprimaient sur sa rétine lui rappelaient d’autres catastrophes antérieures qu’elle avait vues, qui avaient touché le Japon.
Pressée par un sentiment irrésistible, elle se met à écrire. Ou plutôt, à « transcrire ». Elle recueille les paroles des uns et des autres. Les petites voix qui s’échappent dans les médias. Les accents de la région du nord. La liste des noms des sinistrés. Elle...
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Lorsqu’un tremblement de terre, suivi d’un terrible tsunami, a frappé le nord du Japon le 11 mars 2011, l’auteur se trouvait à Paris. Elle était rivée à la télévision. Les images qui s’imprimaient sur sa rétine lui rappelaient d’autres catastrophes antérieures qu’elle avait vues, qui avaient touché le Japon.
Pressée par un sentiment irrésistible, elle se met à écrire. Ou plutôt, à « transcrire ». Elle recueille les paroles des uns et des autres. Les petites voix qui s’échappent dans les médias. Les accents de la région du nord. La liste des noms des sinistrés. Elle s’interroge. Pourquoi cette tentation de superposer les images, celles de Hiroshima et celles de Fukushima ? Comment certains artistes en viennent-ils, « comme par hasard », à anticiper une catastrophe à venir ? Y a-t-il une temporalité propre aux récits de catastrophes ? Pourquoi certaines villes parviennent à se libérer d’un passé désastreux et pas d’autres ?
Trois semaines plus tard, l’auteur se rend au Japon. Elle tente de définir cette ambiance si particulière d’après la catastrophe, qui permet à l’autocensure de s’installer et qui pousse les individus à adopter insensiblement un comportement inhabituel.
En un sens, il s’agit aussi d’un récit sur Tokyo, où elle a grandi. Un mois à penser à Tokyo, atteinte à jamais. Un mois à séjourner, parmi les répliques du séisme, dans le quartier de Shinjuku où elle est née. Le souvenir des personnes qu’elle y a connues et les paroles de ses amis qui y vivent croisent l’atmosphère tendue et morose de la ville. Comment se réconcilier avec une ville blessée ?
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Ryoko Sekiguchi livre sa vision du tsunami et son impact sur sa vie
La catastrophe, si lointaine et si proche.
Les catastrophes comme celle du 11 mars 2011 ramènent inconsciemment aux fondements de la vie, aux racines qui constituent l’identité d’aujourd’hui et de demain. La chronique japonaise de Ryoko Sekiguchi, poétesse, écrivain et traductrice vivant à Paris depuis 1997, transpire de ces profonds bouleversements intérieurs. Le jour de la triple catastrophe japonaise, séisme, tsunami, accident nucléaire, elle est à Paris. La région du Tohoku bascule et son monde à elle aussi, à plusieurs milliers de kilomètres. Vivre un drame à distance n’est pas simple, l’assumer encore moins, le relativiser presque imposssible. Elle prend la plume, écrit, « chronique » la vie, sa vie, et à travers elle celle de tous ceux qui sont atteints, en France et au Japon, essaie de saisir ces moments indicibles « d’avant une catastrophe ». Elle prend l’avion pour Tokyo et retrouve sa famille, ressent sa ville natale, en quête de solidité. Et réalise bientôt qu’en place de « que faut-il écrire au lendemain d’une telle catastrophe ", il faudrait se poser la question de savoir ce que les sinistrés " aimeraient lire ». Progressivement Ryoko se retrouve, écrit toujours, du 10 mars au 30 avril 2011, quarante-neuf et un jour après le drame, le temps nécessaire à l’âme des défunts de « rejoindre définitivement l’au delà », en paix. Ryoko ne dédie jamais ses livres à personne, mais fait là une exception émouvante : « À la mémoire de mon grand-père, Teruo Otsuka, éditeur, qui m’a appris à lire et à écrire. » Non pas la fin du livre mais la fin dans son cœur serein.
D.M., La Croix, 15 mars 2012
Ryoko Sekiguchi a tenu son journal – du 10 mars au 30 avril 2011 – d’écrivain japonaise installée à Paris. En espérant que « ça » va s’arrêter, « ça » désigne la série noire de catastrophes qui ont traumatisé le Japon : séisme, tsunami, fuite nucléaire.… Ce n’est pas un hasard est la chronique de ces jours sombres passés à partager les doutes et les angoisses de son peuple. Son irritation, aussi, par exemple, quand elle entend : « C’est de la faute de personne. C’est donc une catastrophe naturelle. » Sa réflexion, lucide, est sans concession. Son récit, poignant, est également une réflexion sur l’écriture. Elle regrettre « de devoir faire l’expérience de cette intensité-là ». Née à Tokyo en 1970, la talentueuse Ryoko Sekiguchi traduit des mangakas en français et des auteurs hexagonaux (notamment Emmanuel Carrère) en japonais. Remarquée par les éditions P.O.L, on lui doit plusieurs ouvrages dont Héliotropes, paru en 2005. Elle illustre à merveille la « porosité » entre littératures française et nipponne, qui s’inspirent mutuellement. Invitée au Salon du livre parmi la délégation de son pays, Ryoko Sekiguchi écrit désormais dans la langue de Molière mais n’en reste pas moins un auteur proprement japonais. Grâce à son style, tout en dépouillement et simplicité.
T.S, Lire, mars 2012
Ryoko Sekiguchi est poète. En 2011 toutefois ont paru un bref essai sur l’écriture, le petit guide d’un Tokyo très personnel, et enfin une chronique, écrite au jour le jour, à Paris et à Tokyo, sur la catastrophe de Fukushima. Trois genres différents, trois registres opposés, et un élément nouveau, l’émergence d’un je jusque là voilé en poésie, discret jusqu’à l’impersonnel, qui s’affirme ici comme sujet, dans une proximité plus directe, révélatrice. Et pourtant la voix, unique, est parfaitement reconnaissable. Car les thèmes demeurent les mêmes, ce sont ceux des poèmes, constamment répétés : les noms propres, le double, les fantômes. Les noms de lieux tout d’abord dans le petit guide, Kagurazaka, Edogawabashi, évoquant l’enfance heureuse, l’imprimerie, l’odeur de l’encre, déjà ; Shinjuku, plus tard, les bars littéraires. Mais aussi la mort partout présente, et les fantômes aimés, leurs parcours familiers : car ce petit livre nostalgique est un testament. Écrire double, c’est de même écrire avec l’autre, avec les vivants et les morts, ceux qui vous précédaient, ou pire, celui qui vous a laissé. Seule issue possible : écrire « à côté » des morts, dans le respect de leur distance, leur incontournable altérité. Le double, c’est aussi par excellence la langue, français, japonais, l’écriture habitée du fantôme de la langue maternelle, autre rencontre, autre ombre portée. La perspective est double elle aussi, ici, là-bas, vu de Paris, vu de Tokyo, dans la description de la catastrophe du 11 mars, hors de toute volonté littéraire, dans la plate sidération, la modestie du journal. « Le surgissement fantomatique des noms propres » fait de ce livre un tombeau : celui des victimes, des disparus anonymes, emportés par la vague ou le séisme, à qui rendre un dernier hommage. La dédicace finale rassemble ces motifs récurrents, imbriqués, et fait surgir en le nommant un mort très aimé, le grand-père disparu, le fantôme d’Edogawabashi, celui qui sans le savoir a anticipé l’écriture. (« En général, je ne dédie mes livres à personne, mais puisqu’il est question de noms propres, je dédie celui-ci à la mémoire de mon grand-père, Teruo Ôtsuka, éditeur, qui m’a appris à lire et à écrire. »)
Agnès Disson, cahier critique de poésie, octobre 2012