— Paul Otchakovsky-Laurens

Livre d’histoire

(extraits)

René Belletto

Ce livre (1978), le troisième de René Belletto n’est pas un roman. Il ne raconte pas une seule histoire, mais apparaît comme un commentaire sur l’idée d’histoire, de récit, sur la possibilité de raconter un récit (un ensemble clos et cohérent qui finirait par livrer son sens, la clé du mystère). Ce commentaire est pour ainsi dire illustré par une multiplicité d’histoires et par un grand nombre de citations d’auteurs divers. Les histoires sont de longueurs inégales (parfois deux lignes), achevées ou non – il arrive qu’elles s’interrompent dès qu’elles ont livré leur sens, ou plutôt dès qu’elles ont...

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La presse

Livre d’Histoire de René Belleto



Tout récit est un livre d’histoire(s). René Belleto joue ici sur le titre des manuels scolaires dans lesquels l’histoire se résout en succession d’événements, donne à lire dans un entrelacs de faits, d’anecdotes, de commentaires, dans une multiplicité d’histoires, de textes. Son livre (sous-titré : extraits, et en effet comment pourrait-on jamais donner la totalité de l’histoire ?) se présente comme une suite, un entrelacement de récits, une mosaïque d’histoires fragmentaires, d’aventures éclatées, de paroles éparses. Mais rien, ici, ne renvoie à une réalité préexistante, à un passé déjà répertorié dans les documents officiels, les journaux, les livres. Tout est imaginaire, pure production d’écriture. Tout se défait et s’ordonne autour des lignes temporelles, de paysages, de figures rhétoriques. Tout se confond aussi : réalité, légende, rêve, roman noir, roman policier, ou plutôt se faire signe. De même que dans un manuel d’histoire, de siècle en siècle, les grandes séquences (événementielles, idéologiques, économiques, esthétiques) se retrouvent, se poursuivent, s’organisent ici, de moment en moment, on reconnait comme des voix déjà entendues, marquées par le sérieux, la légèreté, l’émotion ou l’humour.
Autant dire que ce Livre d’Histoire est un livre étrange. On s’y perd, car il recommence sans cesse. On s’y reconnait, car il ne cesse de finir. On s’y laisse prendre à une situation tendue, à une sotte de secret suspens, à des visages fugitifs à un drame vite noué. On se laisse égarer par une brusque rupture, piéger par un trait ironique. A sa lecture on s‘enchante, on se déprend, on s’irrite, on s’amuse. C’est que Belleto ne joue pas seulement avec les récits (il est aussi habile à les tresser qu’à en démonter la trame), il nous parle de l’essentiel : la rencontre, le désir, l’angoisse, la folie, l’amour, la mort, et de l’écriture qui en fait le corps même, de toute l’histoire, ou de l’histoire.



Claude BONNEFOY, 25 mai 1978