— Paul Otchakovsky-Laurens

La Conscience

Hubert Lucot

C’est un des sales privilèges de l’âge que de voir mourir autour de soi, avant de se retrouver soi-même face à l’épreuve… Hubert Lucot n’est pas épargné et ses livres en portent la trace depuis la maladie et la mort de sa femme, AM, son inspiratrice si souvent, et de sa soeur (Je vais, je vis et Sonatines de deuil). A ces récits il ajoute des commentaires et des considérations extrêmement percutants sur le monde tel qu’il va ou plutôt ne va pas, il évoque les souvenirs des disparus ou disparaissant, et tisse ainsi une tapisserie riche, si contrastée, dont le temps est la trame. Cette fois la figure centrale de son nouveau livre qui en raconte encore...

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La presse

Hubert Lucot dans l’éternité et dans l’autobus



Dans « La Conscience », le poète feuillette son existence, croisant actualités, souvenirs et réflexions sur la mort.



Les fins d’années sont propices aux rétrospectives et autres gymnastiques mnésiques. En littérature, le temps d’imprimer, elles prennent un peu de retard. Le nouveau volume autobiographique du poète Hubert Lucot nous permet donc de revisiter (entre autres) les années 2013-2015 plutôt que la dernière : cela change un peu - et aide à relativiser.
À la page 301, on en est au 30 mars 2015 : «Six jours après l’accident volontaire [le crash du vol 9525 de Germanwings dans les Alpes], la fête crashnnibalistique bat son plein : mille aides sont sur place, dont quarante interprètes, on peut loger deux mille personnes chez l’habitant, des liens se nouent entre indigènes et proches des victimes, un groupe de villageois ira passer ses vacances en Australie. » Les nouvelles des journaux que lit Lucot sont rarement bonnes et, dans une vidéo diffusée sur le site de POL, l’écrivain, âgé de 8l ans, filmé couché, décrit en outre La Conscience comme le quatrième moment d’un cycle intitulé « Le cancer et la mort », commencé avec le décès de sa femme, « A. M.  », en 2010. La mort, explique-t-il, est une «force théorique» - et «toute théorie donne des sensations ».



La matière de la vie



En réalité, on s’en doute, La Conscience est un livre de vie (sinon, pourquoi le lirait-on ?), qui étend son désir bien au-delà de la temporalité de son écriture, pour feuilleter l’existence entière de l’auteur, emboutissant souvent les époques au sein d’une même phrase, dans un bégaiement des minutes et du lexique même : « Depuis le navire promeneur écrasé par le soleil (je brave l’insolation), je goûte mon enfermement à 20 ans en août 1955. » II faut savoir qu’Hubert Lucot ne se sépare jamais d’un cahier dans lequel il consigne au jour le jour la matière de la vie : titres aperçus dans les journaux, choses vues et entendues, à droite et à gauche, avec ou sans lunettes, mais aussi les souvenirs qui viennent s’y accrocher ou remontent spontanément, faisant de chaque instant de perception une mouvante constellation. Ces textes sont ensuite retravaillés pour devenir des livres : si bien que s’y mêlent toujours à la fois notations d’actualité, souvenirs en fragments et tronçons de synapses reliant tous ces éléments. Au coeur de La Conscience se cache la mort de Thierry Fourreau, maquettiste de l’éditeur POL, qui s’occupait des livres de Lucot : «Mettant en page mes phrases, il ne lira jamais celles que je lui consacre. » Celles-ci n’en restent pas moins une machine redoutable, non pas à ressusciter mais à éterniser : car un ressac infini du récit se produit, au gré des allées et venues incessantes de Lucot dans Paris en bus (on connaîtra à la fin toutes les lignes par coeur et leurs nombreux arrêts), tel un Orphée quadrillant, à coups de tickets RATP, une ville déjà mille fois tombeau.



Eric Loret, Le Monde, 30 décembre 2016


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Hubert Lucot est mort.

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