« Les vaches aimaient la pluie. »
Une phrase si simple, si commune dans sa structure, et cependant inimitable… On y reconnaîtrait Frédéric Boyer entre mille. Est-ce l’emploi de l’imparfait pour cette proposition qui d’un coup la déplace du côté du mythe ? Ou lui donne une infinie tristesse ? Des phrases comme celle-là, Vaches en est rempli.
Ce livre bref, tout entier consacré à ce qu’il y a de permanent et d’éphémère dans l’idée même de cet animal, et dans cette réalité à la fois massive et énigmatique, ce livre profondément nostalgique est aussi un traité de...
Voir tout le résumé du livre ↓
« Les vaches aimaient la pluie. »
Une phrase si simple, si commune dans sa structure, et cependant inimitable… On y reconnaîtrait Frédéric Boyer entre mille. Est-ce l’emploi de l’imparfait pour cette proposition qui d’un coup la déplace du côté du mythe ? Ou lui donne une infinie tristesse ? Des phrases comme celle-là, Vaches en est rempli.
Ce livre bref, tout entier consacré à ce qu’il y a de permanent et d’éphémère dans l’idée même de cet animal, et dans cette réalité à la fois massive et énigmatique, ce livre profondément nostalgique est aussi un traité de philosophie poétique, ou de poésie philosophique. Y sont interrogées de la manière la plus tendrement triviale, incarnée, notre présence, notre fuite, nos angoisses.
« L’animal de son corps dans la création. L’animal néant c’est elle. C’est la vache. »
Réduire le résumé du livre ↑
Belles vacheries
Frédéric Boyer vient de proposer avec Les Aveux (P.O.L) une nouvelle et brillante traduction de saint Augustin (lire le SC du 16.02.08). Mais à côté de cette activité remarquée de latiniste, l’écrivain publie en même temps, toujours chez P.O.L un ouvrage sobrement intitulé Vaches.
Avec bon sens, selon une systématique qui lui est propre, il explore le monde des vaches ou plutôt le monde que les hommes ont fait aux vaches. Car c’est ce rapport de l’homme à la vache - comme celui du « barbare » à ‘l’Asie » chez Henri Michaux dont le ton et la finesse d’observation ne sont pas loin - qui est le sujet de ce court recueil à la fois philosophique et poétique. Sur le modèle du génial Belge, Frédéric Boyer enchaîne les textes courts, clairs et apparemment sans appel sur l’être « vache ».
« Les vaches sont utiles et certaines. Leur existence est un nombre infini de présents successifs », dit-il, posant ses phrases comme autant de bovins dans un champ. Chaque énoncé apparaît comme une évidence. Il est à la fois totalement séduisant et légèrement absurde. Frédéric Boyer suggère une forme de morale ruminante : « Une vache ne mange pas ses semblables. Une vache ne tue pas une vache. Ni père ni mère. Une vache n’adore pas d’idoles. Une vache ne désire pas la femme d’autrui. Une vache ne vole rien à personne. »
Une tristesse infinie règne dans ces pages qui suggèrent une catastrophe imminente ou à peine survenue. L’opuscule résonne comme un adieu aux vaches, tandis qu’elles-mêmes ne se doutent de rien ».
Eléonore Sulser, Le Temps, Samedi Culturel
Une envie soudaine d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ? On ne saurait trop vous recommander la lecture de Vaches. Ce tout petit livre tient à la fois du recueil de poésie et du traité de métaphysique. D’ailleurs, l’auteur, Frédéric Boyer a, entre autres, dirigé une traduction de la Bible. Chaque phrase nous lave l’âme, nous brique la vie intérieure. « Ces lourds acrobates mènent une vie sans propriétés », écrit-il. Elles sont « éternellement temporelles » et nous ont imposé leur « poignante abstraction dans l’immanence des champs ». L’animal néant, c’est la vache. Elle ne s’embarrasse pas du caractère inéluctable et nécessaire de la mort. Elle est, c’est tout. On comprend pourquoi l’homme l’envie. Un petit livre à ne pas envoyer paître.
Fabienne Jacob, Impact, mars 2008.