Depuis toujours la poésie est ridiculement liée dans les esprits à la bohème et à la dèche. C’est ridicule car c’est tout l’inverse : la poésie est indissociable de la fortune. Trouver l’une, c’est trouver l’autre. Je m’étonne qu’une telle chose soit si méconnue. J’appelle cette manne « la fortune du pauvre ». Elle est inépuisable et sans revers. Je vous l’offre sans hésiter et sans me priver – la distribuer ne pouvant l’amoindrir.
Mais faisons au préalable un petit détour philosophique. Remarquez que, quand on voit le bijou, on ne voit plus l’or. Et que, lorsqu’on voit l’or, on ne voit plus le bijou. Il en va de même avec toute chose. Par exemple la chaise et le bois : quand vous regardez la chaise, vous ne voyez pas le bois. Et quand vous voyez le bois, vous ne voyez plus la chaise. De même, quand vous regardez le moi, vous ne voyez pas le Soi. Vous voyez ? L’or est pourtant bien l’essence même du bijou, tout comme le bois est la matière de la chaise, et le Soi ce qui constitue le moi. Mais ça échappait à votre regard, tout simplement. Vous focalisiez votre attention exclusivement sur les apparences, vous désespérant de leur pauvreté, alors qu’il vous aurait suffi de gratter un peu avec l’ongle pour découvrir l’or en elles. Eh oui, c’était aussi simple que ça. Dorénavant, voyez l’océan en chaque vague, le marbre en toute statue, la lumière en chaque être, l’or en toute chose.
Maintenant que vous êtes averti, vous voilà en possession du plus prodigieux des trésors. Et avec ça, pépite sur le lingot, comme ce trésor est disponible à tout moment sans condition et sans limite, vous n’avez absolument pas à craindre qu’on vous le vole. En effet, son abondance est telle qu’il est inutile que vous le fassiez vôtre. Quand la fortune est inépuisable, il n’y a aucune raison de vouloir se l’approprier – c’est son grand avantage sur les autres.