— Paul Otchakovsky-Laurens

Rédemption

04 juin 2020, 14h09 par Jean-Benoît Puech

LE JEU DES TRANSPOSITIONS

Revaison ne voulait pas seulement faire croire au héros de son roman, mais aussi à l’existence de la personne qui l’avait inspiré, alors qu’il inventait les deux en même temps.

Pierre-Alain Delancourt, Mirage des sources, Delaunay, 1986.

 

Benjamin Jordane

Rédemption séculière de Charles-Henri Caron[1].

Charles-Henri Caron est né en 1800. Il est le fils aîné[2] d’un officier d’artillerie de la Grande Armée, devenu demi-solde sous Louis XVIII, Jean-Baptiste Caron[3], et de Julie de Coupance, une jeune femme issue de la petite aristocratie berrichonne[4]. Le colonel Caron, sorti du rang, a passé la plus grande partie de sa vie sur les champs de bataille européens ; mais il adore son fils aîné, qu’il a toujours retrouvé avec joie aux Glycines, sa maison de Morsang-sur-Orge. Il lui a cent fois raconté les Cent jours, et toute la légende de l’Aigle et de l’Aiglon. Il l’a élevé dans le culte de l’Empereur. Il a créé pour lui un véritable petit musée de guerre à l’étage des communs, où casques, cuirasses et panoplies étincellent sur les murs. Il lui a transmis sa passion des chevaux. Il lui a enseigné que la vraie noblesse ne s’hérite pas mais se conquiert face à la mort dans le combat (il est baron depuis la première campagne d’Allemagne)[5]. Cependant, il est injuste avec son fils cadet, Paul, et brusque avec son épouse, la douce et rêveuse Julie. Charles-Henri se révolte contre lui. Il est gêné que le colonel porte un chapeau tromblon, des bottes à la hongroise, la redingote à collet décoré du ruban écarlate de la Légion d’honneur : l’uniforme des vaincus. La honte saisit le fils lorsque son père brandit, comme un sabre, une canne de jonc à pommeau plombé, et s’adresse aux bourgeois de la voix terrifiante, choquante ou ridicule d’un foudre de guerre comme on n’en fait plus. En revanche, il est fasciné par les origines prestigieuses mais discrètes de sa mère, qui aurait pour ancêtres de grands tapissiers d’Aubusson proches de Colbert, chargés de l’aménagement et de la décoration du château de Versailles. Il est amoureux de sa cousine très parisienne, fille du frère de Julie, Octavie de Coupance[6]. Il se lie, dès la fin de son adolescence, avec un jeune aristocrate désinvolte mais charmant, Philippe de Blonay[7]. Ils chassent à courre dans le même équipage. Charles-Henri s’éloigne de Paul, son frère cadet, qu’il a pourtant beaucoup aimé, et qui dirige un modeste atelier de sellerie à Saumur[8]. L’aîné des Caron devient un dandy capricieux et arrogant. Il idéalise l’Ancien Régime et il pousse Julie, sa mère, dans les bras d’un ami de la famille de Blonay, émigré rentré de Russie avec le duc de Richelieu grâce à la Restauration, le très distingué et très insignifiant Rodolphe de Langevain[9].

En 1818, le colonel découvre l’infidélité de sa femme (n’est-ce pas Charles-Henri qui la lui révèle un jour d’affrontement ?). Il ne provoque pas en duel l’amant inoffensif qui peut aider son fils. Il se tue avec l’arme qui l’a accompagné depuis Ulm, Wischau et Austerlitz. On retrouve sur son bureau un dessin que Charles-Henri, lorsqu’il était enfant, avait fait pour son père. Il représente le colonel en uniforme de parade (shako à flamme rouge, dolman à brandebourgs et parements de fourrure, sabre au fourreau démesuré, sabretache à fûts de canons croisés), sur son pur-sang préféré, un alezan Forêt-Noire, et le petit garçon assis sur le garrot où son père l’a hissé.

Charles-Henri et la fille de Rodolphe, Marie-Louise[10], se marient en 1820. Fêtes et folies. Elle, si fière, porte à son bras nu un lourd bracelet d’or, très haut, comme l’anneau de la chaîne qui entrave une esclave. Un ami de Langevain aide Charles-Henri à devenir écuyer au manège de l’académie de Rambouillet. Mais le jeune homme souffre peu à peu du tempérament possessif et passionné de son épouse. Il la délaisse pour ses amis ultras qui souhaitent que le comte d’Artois monte sur le trône de France. Il se lie avec un de leurs sicaires, partisan de la terreur blanche, Lochard[11].

L’intriguant découvre que l’épouse de son ami mène une double vie. Au cours d’une soirée où la jeune femme, jalouse de la brillante hôtesse (Octavie de Coupance), n’a pas voulu accompagner Charles-Henri, Lochard lui révèle publiquement « les mésaventures de la marquise », « une gourgandine comme les autres ». L’offensé se bat en duel avec le délateur, mais Lochard le blesse à la jambe droite. Il ne peut plus donner de leçons d’équitation. Marie-Louise se tue à son tour. Elle laisse une lettre dans laquelle elle explique qu’elle ne pouvait vivre que grâce à l’estime de Charles-Henri, dont Lochard l’a privée.

Charles-Henri rompt avec de Blonay. Sa cousine Octavie s’est mariée, elle a eu un petit garçon, Jérôme[12], dont il est le parrain, puis elle a découvert que son mari menait une double vie, puis une maladie l’a emportée en quelques mois. Le duel, le deuil, la dette que Charles-Henri ressent envers les disparus accablent le jeune homme. Il n’est plus un « jeune homme ». Il monte à Paris où il trouve un emploi de palefrenier dans un manège. Il lui semble que ni Goethe, ni Byron, ni Hugo (ni Balzac, ni Stendhal), tous des admirateurs du héros de son père, n’ont jamais connu ni même imaginé le fond de sa misère. A-t-il enfin reçu la correction sévère que tant de ses amis lui souhaitaient de tout cœur ? Il se lie cependant avec une grisette au charmant minois, à la taille fine, au tempérament enjoué. Jenny[13] vit dans une banlieue populaire et fréquente un groupe de conspirateurs, des « Charbonniers », admirateurs des Quatre Sergents de La Rochelle. Il se fait appeler « Henri ». Il s’engage dans leur combat comme pour racheter son comportement avec le Colonel déchu (à moins qu’il ne reprenne ainsi la défense de Paul, son frère cadet, la lointaine victime du tyran domestique) : il renie ses aspirations aristocratiques et souhaite activement l’effondrement de la royauté, sinon le retour de l’Empire. Il est prêt à épouser Jenny, mais elle refuse tout lien sentimental et lui reproche son tempérament « possessif et passionné ». Renversement des rôles. Elle se comporte avec lui comme il se comportait avec Marie-Louise. Pour donner un sens à ce qui n’en a guère, il pense qu’il expie ainsi ses péchés de jeunesse.

Les Trois Glorieuses éclatent, auxquelles Henri participe activement, malgré sa claudication, aux côtés de Jenny et de ses amis. Le roi abdique. Mais Louis-Philippe d’Orléans, son successeur, ne mène pas davantage la politique sociale espérée par les jeunes révolutionnaires. Henri s’est montré loyal et courageux mais Jenny a rencontré un artisan imprimeur et cette fois, elle est amoureuse. Elle quitte Henri.

Il retourne dans le Berry où sa mère s’est retirée à Favières, le manoir des Langevain. Julie est veuve. Elle se consacre entièrement à la société de bienfaisance qu’elle a créée après la mort de son mari. Elle héberge son fils mais elle lui reproche d’être responsable du suicide de son père. Ils se rapprochent grâce à l’intercession d’une jeune femme très amie avec Julie, Anne-Marie de Verdonne[14]. Charles-Henri a fait sa connaissance lors d’une fête de charité que les dames patronesses ont organisée dans le parc de Favières. Anne-Marie encourage le fils dénaturé à se dévouer comme elle pour les orphelins. Ils se revoient. Promenade au bord de l’Arnon. Lumière d’été. Ils distinguent sur l’autre rive, au fond d’un champ de blé vaste comme la vie et fier de l’avenir, une ferme allongée derrière sa peupleraie, un manoir blanc dans un nid d’ormes, la fine flèche d’un clocher. Des oiseaux invisibles ponctuent leurs trilles aux minuscules variations de silences entendus comme autant de promesses. Fiançailles. Mariage. Ils s’installent dans un chalet cossu bâti sur le domaine quelques années plus tôt, près de Julie qui vieillit doucement. Après la mort d’Octavie (la cousine de Charles-Henri), son mari part pour l’Algérie où les combats s’intensifient contre l’Emir Abd el-Kader. Il a confié Jérôme, leur petit garçon, à ses beaux-parents, le frère de Julie et son épouse. Ils viennent régulièrement à Favières avec leur petit-fils. Jérôme s’attache à Julie et surtout à Charles-Henri, son parrain. Le parrain offre un poney à son filleul émerveillé. Les deux chasseurs de tigres partent en expédition, à travers les savanes, jusqu’aux rives des grands lacs, où ils restaurent une redoute construite par les pionniers de l’Arkansas ou les grognards de l’Empereur[15]. Charles-Henri a taillé dans un noisetier, au bord de la rivière, des arcs et des flèches qui fascinent Jérôme, mais lorsque son ami tue un ragondin occupé à ronger la racine d’un saule, le petit garçon éclate en sanglots. Rien ne le console que la destruction des armes impitoyables et l’installation, sous l’auvent des communs, d’un palais d’hiver aux parois de branchages soigneusement tressés, aux buffets de poupée couverts de victuailles choisies, pour les bergeronnettes, les chardonnerets, les mésanges bleues, et même un jaseur boréal égaré[16].

Julie meurt quelques années après le mariage de son fils sans avoir eu de petits enfants. Lorsque Anne-Marie perd ses propres parents dans l’incendie de leur scierie par un employé congédié, elle hérite de l’exploitation forestière qu’ils avaient créée, et surtout de leur fabrique de papier, dont Charles-Henri découvre le potentiel. L’aristocratie a fait sa propre révolution et prépare le retour d’un Napoléon en modèle réduit, audacieux stratège sur le champ des luttes économiques. L’industrie succède à l’agriculture, et la concurrence en règle aux charges héroïques. Charles-Henri reprend avec Anne-Marie la fabrique de ses beaux-parents. Papier pour les journaux, papiers pour imprimeurs de romans populaires, et surtout papiers peints pour la décoration intérieure (cousins et cousines courent sur des pelouses ou jouent au badminton, dans des parcs). Ils achètent des machines modernes, ils engagent des artistes et du personnel, ils ouvrent des succursales à Paris et dans de grandes villes de France. Le prince président lui-même donne en exemple la Manufacture Caron-Verdonne. Les heureux fondateurs se consacrent à la prospérité de leur petit royaume. Quand le père de Jérôme, qui s’est remarié, revient chercher son fils, Charles-Henri doit encore faire un deuil qu’il partage avec sa bien aimée[17].

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Le manuscrit de cette fiction (ou embryon de fiction), non recopié dans les Idées de nouvelles et germes de roman, nous a été aimablement communiqué par Madame V. Derenne à laquelle Benjamin Jordane l’avait adressé, et que nous remercions chaleureusement.

[1] - Nous proposons ci-dessous la présentation des personnes réelles qui sont probablement, dans la vie de Jordane, les modèles des personnages de La Rédemption. A une exception près (note n° 6), nous n’avons retenu, pour chaque personnage, que le prototype principal supposé, alors que tous empruntent à plusieurs personnes et peut-être parfois à de familières figures de fiction. Si l’on a remarqué l’attachement lointain de Jordane au héros du roman de Booth Tarkington, La Splendeur des Amberson, on ne peut s’empêcher de penser à lui, lorsque Charles-Henri reçoit la correction qui le change en humain peut-être trop humain. George Minafer évolue pourtant dans un tout autre monde, du moins en apparence. Nous laissons également de côté, dans cette rapide recherche, celle des sources des lieux (vieux logis du colonel, manoir des Langevain, manufacture des Verdonne) que la biographie de Savigny nous aiderait à découvrir et à visiter.

[2] Benjamin Jordane (Etampes, 1947-Aurillac, 1994) ? L’écrivain est l’aîné d’une fratrie de deux garçons.

[3] Pierre-Henri Jordane (1906-1990) ? Le père de Benjamin Jordane naît dans une famille modeste d’Aurillac. Après des études à l’Ecole Nationale Professionnelle de Nantes et à l’Ecole d’Artillerie de Metz, il devient officier. En 1940, il combat sur la ligne Maginot où il est fait prisonnier. Evadé de son Oflag, il rejoint la Première Armée et participe à la campagne d’Allemagne. Bien que proche du général de Lattre au printemps et à l’été 1945, il ne suit pourtant pas le « roi Jean » en Indochine. Il quitte Lindau pour Baden-Baden où il fait partie des créateurs de l’Ecole franco-allemande de Rote-Lache. Il se marie en 1946 et quitte l’armée en 1951. A Etampes, où il s’installe avec son épouse et où naissent leurs deux enfants, il travaille aux Services techniques de la Mairie mais conserve ses habitudes de vieux soldat et reste lié avec les anciens de « Rhin et Danube ». Cf. Yves Savigny, Une biographie autorisée, P. O. L, 2010, chap. 1. Dans ses souvenirs, France toujours (Le Guépin, 1990), il parle longuement de son retour difficile à la vie civile, et il fait plusieurs fois référence au Colonel Chabert, à Pontcarral et aux Demi-Soldes de Georges d’Esparbès (qui fut conservateur du musée Napoléon à Fontainebleau entre les deux guerres mondiales). « Esparbès au patronyme de bronze ! s’écrie Pierre-Henri, Esparbès au style éclatant ! aux chroniques pleines de fougue et de fracas, comme ses colloques de housards et ses tableaux de batailles, toutes scènes traversées par l’odeur de la poudre et le frisson de la Gloire ! » Notons aussi que c’est le père, et non la mère de Jordane, qui lui a fait lire la comtesse de Ségur. Il est vrai que c’était Le Général Dourakine, histoire d’une rédemption sous le second empire, mais qu’on ne peut pas dire durement « séculière ».

[4] Solange de Coupage (1916-1996) ? La mère de Benjamin Jordane naît à Paris en 1916. Elle est la fille du comte Charles de Coupage, créateur des Laboratoires du Biophilon à Paris puis à Montlhéry. Leur ancêtre, François de Coupage, né à Aubusson, fut un illustre décorateur de l’Ancien Régime. Jordane évoque fréquemment, dans ses écrits, l’union de Pierre-Henri et de Solange (« Mésalliance sociale, mais mariage d’amour fidèle… », écrit Yves Savigny dans Une biographie autorisée « …quel que soit le roman familial de leur fils aîné »).

Sur les parents de Jordane, voir aussi les articles de la première partie de Jordane et son temps, Catalogue de l’exposition de la bibliothèque de l’Université de Dijon, P. O. L, 2017, et toute la p. II du cahier iconographique de l’ouvrage.

[5] Cf. in Puech et Savigny, Benjamin Jordane, une vie littéraire, Champ Vallon, 2008, « Changer son nom », p. 22-25.

[6] Cécile de Coupage (1951-…) ? Fille de l’aîné des quatre frères de Solange de Coupage, elle est la cousine préférée de Jordane, qui la rencontre régulièrement, dans son enfance et son adolescence, à la Haute-Porte, la propriété du comte Charles, entre Autruy-sur-Juine et Méréville, non loin d’Etampes. Cf. Yves Savigny, Une biographie autorisée, op. cit., p. 37.

Ou/et : Florence Maluynes (1946-1987) ? Amie de Jordane à la fin de son adolescence, ils font leurs études ensemble à la Sorbonne et elle devient sa première compagne en 1968. Elle épouse Jean-Bernard Miquel en 1976, mais ils restent amis jusqu’à sa mort prématurée en 1987. Cf. Yves Savigny, Une biographie autorisée, op. cit., p. 95. Voir aussi infra, note 12. Un instantané de Florence Maluynes figure dans Jordane et son temps, op. cit., p. 11 du cahier iconographique.

[7] Philippe Leveneur (1948-…) ? Condisciple de Jordane au Lycée d’Etampes, ami fidèle, devenu éleveur de chevaux en Touraine, il est l’un des témoins interrogés par J.-B. Puech, en vue de sa biographie de l’écrivain, dans J.-B. Puech, Jordane revisité, Champ Vallon, 2004, chap. 2, p. 27.

[8] Laurent Jordane (1948-…) ? Frère cadet de Jordane. Garagiste et spécialiste dans la vente et l’entretien de machines agricoles à Etampes. Il est le premier témoin interrogé par J.-B. Puech dans Jordane revisité, op. cit., entretien revu et corrigé in Puech et Savigny, Benjamin Jordane, une vie littéraire, op. cit., tout le chap. « Le Récit revisité », p. 221.

[9]  Roland de Louvay (1913-1999) ? Fils d’un ami de la famille de Coupage, Jules de Louvay (conseiller du comte Charles pour la publicité de ses produits para-médicaux, notamment au Moyen-Orient). Benjamin Jordane, à seize ans, dans une période de rapports tendus avec son père Pierre-Henri, rapporte dans son Journal une conversation avec sa mère Solange, assurément révélatrice pour un psychologue. Solange raconte une croisière en Méditerranée à bord du yacht des Louvay, qui l’ont invitée avec ses parents. A Corfou, les voyageurs retrouvent Roland : « Il était toujours très galant, pour ne pas dire empressé, commente Solange. — Que ne l’as-tu épousé ! — Je le trouvais aussi ennuyeux que charmant. Et puis tu ne serais pas là pour me poser la question ! — Mais je ne suis pourtant qu’un demi-frère de moi ! » Etrange repartie. (Journal [inédit], 25 juin 1963).

[10] Pauline de Changé (1947-1981) ? Antiquaire à Etampes. Compagne de l’écrivain, de 1974 à son décès dans un accident de voiture en 1981. Elle est le modèle attesté de plusieurs héroïnes fragiles, passionnées, secrètement masochistes, des fictions de Jordane. Cf. Yves Savigny, Une biographie autorisée, op. cit., p. 138, et Jordane et son temps, op. cit., article n° 186, p. 153. Un portrait de Pauline de Changé par Jean-Claude Fourneau figure dans Benjamin Jordane, une vie littéraire, op. cit., p. V du cahier iconographique, un autre dans Jordane et son temps, op. cit., p. 8 du cahier iconographique.

[11] Jean Boinel (1945-...) ? Poète et comédien, ami de Jordane, qu’il rencontre à Etampes en 1976. Jordane se brouille avec lui après le décès de Pauline de Changé. Il lui reproche de ne pas comprendre sa liaison « anthume et posthume » avec la jeune femme, et de n’avoir pour lui qu’une amitié « un peu plus perspicace, mais beaucoup trop intéressée ». 

[12] Jean-François Miquel (1980-…) ? Fils de Florence Maluynes et Jean-Bernard Miquel. Filleul de Jordane, qui sera pour l’enfant un mentor influent. Le jeune homme deviendra un brillant élève de l’Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr Coëtquidan, il se consacrera pendant quelques années à la recherche balistique pour Arianespace en Guyane, avant de s’engager dans un mouvement de défense des espèces animales à Amsterdam Cf. infra, note 15 et Yves Savigny, Une biographie autorisée, op. cit., p. 194.

[13] Vali Wallenstein (1963 -.…) ? Amie de Jordane. Elle est l’un des témoins interrogés par J.-B. Puech en vue de sa propre biographie de l’écrivain, dans Jordane revisité, op. cit., chap. 4, p. 63. A la demande de la jeune femme, rencontrée chez elle à Morsang-sur-Orge, l’enquêteur avait, dans son rapport, modifié son patronyme. La liaison de Jordane avec cette jeune secrétaire à l’esprit très indépendant, dura près de deux ans, de 1987 à 1989. Cf. Yves Savigny, Une biographie autorisée, op. cit., chap. 16, p. 234, et Jordane et son temps, op. cit., article n° 267, p. 187.

[14] Laetitia Delorme [et non Delorbe comme l’écrit Yves Savigny dans Une biographie autorisée, p. 265] (1962 …) ? Collègue de Benjamin Jordane au collège Gerbert d’Aurillac où il demande son détachement en 1990, elle l’épouse l’année suivante. Dès leur première rencontre à Etampes, Laetitia Delorme et Solange Jordane, la mère de Benjamin, se découvrent de profondes affinités. Elles resteront proches jusqu’à la disparition de la mère de Benjamin en 1996. Cf. Jordane et son temps, op. cit., P. O. L, 2017, n° 283 p. 200.

[15] Le spécialiste de Jordane ne peut s’empêcher de voir dans cette phrase un résumé de sa nouvelle « Aux Armes de Réaltie », publiée par Stefan Prager in Toute ressemblance…, Champ Vallon, 1995, p. 43. Le petit Didier de cette nouvelle et le petit Jérôme de La Rédemption auraient-ils le même modèle en la personne de Jean-François Miquel (cf. supra, note 12) ?

[16] « Egaré », parce que ce passereau, comme son nom l’indique, se trouve plus fréquemment dans le nord de l’Europe, de la Russie ou de l’Amérique qu’au fin fond du Berry (précision que Charles-Henri donne probablement à son gracieux élève en ornithologie). On se souvient qu’un tel jaseur parfois dénommé aussi « de Bohême » est perché sur la plus haute branche du poème de John Shade dans le Feu Pâle de Nabokov, poioumenon préféré de Benjamin Jordane : « I was the shadow of the waxwing… ». N’est-ce pas aussi le chant moqueur mais résigné de l’épigone ?

[17] - Cet excipit est rayé sur le manuscrit. Faut-il en déduire que Jordane avait choisi d’achever son texte sur une fin plus heureuse ? La phrase pénultième est peut-être ironique. Dans ce cas, le mot de « royaume », devenu le dernier, suggérerait qu’à la maturité, Charles-Henri a renié à la fois le glorieux passé du baron d’Empire et sa propre aventure révolutionnaire, censée le ranimer et le perpétuer. Le dernier des Caron aurait finalement restauré, en miniature, le rêve de sa jeunesse, sa « fabulation familiale » — banale, parricide et monarchiste. Le titre annoncerait alors l’heureuse mais noire désillusion d’un « héros » (de roman) qui se range. A moins que le petit Jérôme ne ressuscite, à l’avenir, les valeurs des vaincus.

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