transatlantique #3
en 2000 j'ai fait douze autoportraits, un par mois, dans la cabine automatique de photographie d'identité isolée de l'extérieur par un rideau du monoprix de la rue saint-antoine ; chaque fois j'ai collé une des quatre photos sur une nouvelle carte de transport en commun. en 2000 j'ai envoyé à une amie au yémen 366 courts textes sur 366 cartes postales ; j'ai aussi reçu de l'amie du yémen 366 courts textes sur 366 cartes postales. quelques années plus tard nous avons échangé celles des cartes postales qui nous étaient parvenues puis nous n'avons plus été amies. en 2000 disent ces courts textes (je ne sais ce que disent les photos), j'ai quitté une ville grande, dans laquelle j'ai vécu longtemps, croyant l'aimer, l'aimant parfois vraiment et puis ne l'aimant plus. en 2000 disent les courts textes (je ne sais ce que disent les photos) j'ai quitté un homme avec qui j'ai vécu peu d'années, que j'ai cru aimer, que j'ai aimé aussi, et puis plus. en 2000 disent les courts textes (je ne sais ce que disent les photos) j'ai quitté le travail (le monde du) que j'ai peu cru aimer, tenté parfois d'aimer, sans succès, jusqu'à ne plus essayer, plus du tout, vraiment plus. en 2000 disent les courts textes (je ne sais ce que disent les photos) j'ai quitté le lieu que j'avais aimé, ou j'avais aimé, que j'aimais encore, où je n'aimais plus, où je ne vivais déjà plus, qui avait été chez moi, l'était encore un peu, qui plus du tout ne le serait contre 50 000 francs donné par un propriétaire qu'un procès tentait peu. en 2000 je ne croyais pas aux chiffres. en 2000 pourtant tout cela a eu lieu. en 2000 j'ai traversé lamérique.
366 divisés par 12 font 2000