Le bonheur des Jeux olympiques, c'est le rendez- vous avec les invisibles. Tous les quatre ans, les Jeux sont l'occasion de revoir ce qu'on ne voit jamais : les haltérophiles plantés comme des Botero en barboteuse devant leur barre, les lutteurs en rouge et bleu qui se roulent à terre dans des passes sensuelles et mystérieuses, les taekwondistes qui s'affrontent de biais et refusent de voir leur adversaire en face, les waterpolistes qui sortent à peine de l'eau bouillonnante et dont on confond le cas que avec la balle, les frénétiques du BMX qui moulinent à la folie sur leurs trop petits vélos et se balancent joyeusement en dehors de la piste, les tireurs au pistolet hiératiques qui lèvent le bras au ralenti pour tirer plus vite entre deux battements de leur cœur olympique.
C'est un plaisir quadriannuel de les retrouver dans la perfection de leurs gestes qu'ils ont travaillés en douce, et dans la plus grande pauvreté, pendant quatre ans pour nous offrir cet irremplaçable et rare plaisir de la redécouverte.
Le deuxième bonheur que nous offrent les Jeux olympiques, c'est celui de la trouvaille. Chaque olympiade apporte son lot de nouveautés. Cette année, un homme en caleçon de bain s'est introduit dans le ballet aquatique des naïades au nez pincé! Quel effet! Des breakers en habits trop larges, vont faire la toupie sur leur crâne et caresser de leurs rondes épaules le dur pavé. Les freestylers vont serrer fort leur vélo entre leurs cuisses pour ne pas le perdre dans leurs sauts périlleux.
De même, les skateurs vont s'accrocher à leur planche au risque de se retrouver à pied, au fond de leur bol. Nous aurons même notre dose d'exotisme et d'eau chaude grâce aux surfeurs qui s'affronteront sur la grande vague à l'autre bout du monde. Tout cela nous vaudra son lot de traîtrises et de sournoiseries tant il est difficile de juger objectivement tant de nouveautés et tant d'inventions.
Ce sera le lien entre Jeux d'été et Jeux d'hiver par la similitude avec la grâce compétente des juges du patinage artistique. Et ensuite, les plus gourmands d'entre nous attendront les Jeux paralympiques et leurs gestes impensables d'invention et d'énergie contrainte.
Paul Fournel, Ouest France, 25 juin 2024