Il fait un beau soleil. Jésus se dit ça y est ! c’est le printemps !
Ça se sent quand c’est le printemps ; on sent qu’il y a ce beau temps qui s’étale pleinement dans les rues ! Jésus aime se promener dans les rues quand il fait beau. Même quand il pleut il aime aller dans les rues, Jésus. Mais là, c’est le beau temps. Un temps magnifique, comme il y en a parfois en mars. Seulement cette fois il s’ y promène pas Jésus. Il est malade. Il est pas dans la rue. C’est rare les gens qui vont dans la rue, même quand il fait beau, se dit Jésus. C’est dommage de pas fréquenter les rues, car moi je fréquente les rues, se dit Jésus. Mais les gens, en général, ils aiment pas les rues, même par beau temps ! Ils disent qu’il fait beau, mais c’ est pas pour autant qu’ils sortent dehors ! Peut-être à la veille de leur mort ils sortiront, se dit Jésus. Quand ils seront quasi rétamés ; c’est là qu’ils voudront descendre dans la rue. Quand ils seront à l’ article de la mort, c’est là qu’ils aimeront aller prendre le soleil ! Eh ben il sera bien trop tard ! s’exclame Jésus. C’est vrai quoi ! Lui aussi, il s’est déjà vu à l’article de la mort ; il s’est déjà dit Si je suis malade, bien malade, malade à en crever, malade à plus bouger du lit, c’est là que je regretterais la vie dans les rues ! La vie quand il fait beau et qu’on se promène au bras d’une femme ! Car c’est encore mieux au bras d’une femme se dit Jésus ! c’est encore mieux quand c’est pour aller se pelotonner contre une femme en marchant dans les rues. Mais parfois les gens n’aiment pas ça ! Ils aiment pas que les couples se serrent ! Ils aiment pas voir l’homme se pelotonner contre la femme ! Ils aiment pas les gens, ils aiment pas non plus quand les couples ça s’embrasse, en plein dans la rue ! Ça non ils aiment décidément pas ça les gens ! Et encore moins quand ça rentre dans les bars. A la rigueur aux terrasses de café. Jésus se verrait bien à une terrasse de café à l’instant même ; il se verrait bien commander un bon demie, un demie de bière s’il vous plaît ! il serait à une terrasse de café et il commanderait sa petite bière et il serait heureux comme un pape le Jésus ! Il attendrait une femme. Ça serait une toute nouvelle femme, qui viendrait comme ça, comme le beau temps ; il l’a connaîtrait depuis peu et ils se verraient pour les premières fois aux terrasses de cafés et ils s’embrasseraient. Jésus vivrait bien ça aujourd’hui ; aujourd’hui qu’il fait beau comme un sou neuf. Aujourd’ hui il se verrait bien comme un beau jeune homme à une terrasse de café. Il serait plus si jeune mais ce jour-là il aurait l’air jeune. Et puis la femme qu’il rencontrerait elle lui dirait qu’il fait encore jeune. En tout cas il fait pas son âge le Jésus ! il a pas l’air d’avoir cinquante ans. Pas tout à fait cinquante, d’ailleurs. Il en a peut-être quarante-cinq à tout casser ? Et la femme lui dirait qu’il peut pas vieillir, avec les yeux qu’il a. Il a des yeux tout bleus le Jésus. Un peu de vert quand même. Mais quand on regarde vite fait, on se dit qu’ils sont bleus clairs. Et la femme qu’il aurait rencontré lui avait dit que ça conservait d’avoir des yeux pareils ! Les yeux bleus ça conserve, lui aurait dit la femme ! En effet, ça doit être dû à mes yeux que je vieillis pas trop mal, se dit Jésus. Mais là, pas moyen de décamper de cette turne. J’irai bien dehors voir cette femme, aller dans ce café, m’asseoir à une terrasse, mais j’ai trop mal, suis trop fatigué ; il fait tout sombre ici alors que dehors il fait si beau ! Dehors on serait là à s’embrasser avec la femme, on irait dans les bars et on se ferait même virer parfois. Il y a des patrons de bars qui n’aiment pas qu’on s’embrasse. En France surtout. En Belgique moins ; ils aiment bien les amoureux chez les Belges. En France, y a que là que ça peut lui arriver à Jésus, avec une femme. Ils seraient fous amoureux, alors ils se seraient retrouvés dans une rue. Ça aurait pu être n’importe quelle rue en France, la femme serait arrivée en covoiturage. Ils se seraient retrouvés dans une rue, une rue un peu crade et très animée, il ferait un peu beau mais sans plus. Peu importe qu’il fasse beau se dit Jésus ! Peu importe qu’ il y ait du monde ou pas, quand on est amoureux ! On se fout de la rue où on est, de la ville où on se trouve, le pays même ! On se fout pas mal de savoir s’il pleut ou s’il fait beau ! On pourrait être dans n’ importe quel endroit et du coup on serait allés dans un bar, n’importe lequel ! Celui-ci s’appellerait La France. Tout un programme ! se dit Jésus. On rentrerait là-dedans, on s’accouderait au comptoir du bar et on s’embrasserait goulûment ! Une vraie soupe de langue ! On n’a que ça à faire quand on s’ aime comme des fous, se dit Jésus. Peu importe l’endroit où qu’ on se trouve ! Peu importe les gens, on pourrait même se trouver dans un endroit très moche, on le verrait même pas ! ils pourraient nous balancer toute la musique nulle qu’ils savent mettre, on y entendrait rien ! On serait totalement concentrés à s’embrasser, comme dans ce bar La France. Dans ce bistrot, le patron le couple l’entend grommeler et tout à coup ils le verraient disparaître dans l’arrière fond, à la cuisine, pour parler à un type. Un type avec une sale gueule pas possible apparaîtrait, se dit Jésus, il arriverait dans le comptoir et regarderait les amoureux : On s’embrasse pas ici ! Vous payez vos consommations et vous déguerpissez, qu’il dirait le type à la sale gueule ! Vous aimez pas l’amour ? lui dirait Jésus. Non ! On n’aime pas l’ amour ici ! auraient rétorqué en choeur le type à la sale gueule et le patron du bar. On n’aime pas ça l’amour, c’est dégueulasse ! Allez voir ailleurs ! Cassez vous ! Et alors l’amoureuse voudrait partir de La France sans payer. Mais lui Jésus il raque, même si on l’engueule. Jamais de café ou de restaurant basket avec son amoureuse le Jésus ! Il préfère toujours payer l’addition ! On en vivrait de ces trucs si je me décidais à sortir, se dit Jésus. Mais même si j’avais envie de prendre le frais, ça me serait bien impossible. Je ne peux pas bouger de mon lit, je vois par le vasistas que dehors il fait beau à crever. Pourquoi on prend pas l’air plus que ça quand on est bien portant ? se demande Jésus. Pourquoi faut-il que les gens s’enferment, qu’ils aillent au bureau, qu’ils s’enferment chez eux, dans leur bagnole ou dans leur bureau. Il faut tout le temps que ça reste enfermé, se dit Jésus.